France
AbonnéLe 18 mars 1962, la France acceptait, par les accords d’Evian, la future indépendance de l’Algérie. Soixante ans plus tard, l’obsession du «grand remplacement» de la population française par des immigrés musulmans venus de l’autre coté de la Méditerranée empoisonne le débat politique. Récit d’une névrose largement liée aux fantômes de la défunte Algérie française

«La France se doit d’être une grande puissance musulmane». Cette phrase est celle d’un autre général. Elle n’est pas de Charles de Gaulle, ce président dont son confident Alain Peyrefitte rapporta les propos cinglants, tenus en 1959, alors que l’Algérie s’embrasait: «Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante? Si nous faisons l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées!»
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L’officier supérieur qui ose envisager pour la République le dessein d’une «puissance musulmane» s’exprime, lui, en 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale qu’il a traversée à Paris comme ministre de la Guerre. Hubert Lyautey sera élevé, deux ans plus tard en 1921, à la dignité de maréchal de France. Ancien résident supérieur au Maroc, alors protectorat français, cet avocat zélé de la colonisation voit dans l’islam un levier géopolitique et… moral pour son pays majoritairement catholique, où la laïcité l’a emporté face à l’Eglise en 1905, lors d’un bras de fer législatif d’anthologie: «Nous avons l’occasion d’établir une autorité morale sur le monde musulman, ou pour le moins arabe, écrit-il. La dimension universaliste de l’islam s’y prête tout à fait.»
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