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Daniel Cohn-Bendit: «François et Angela: bougez-vous, sinon, tout va craquer!»

Pour l'ancien député européen écologiste, la responsabilité pesant sur le président français et la chancelière allemande est désormais écrasante. Problème: ni l'un ni l'autre n'ont été pour l'heure, sur ce sujet, à la hauteur des enjeux

«Si l'euro devient la monnaie de l'austérité imposée à tous, on va dans le mur. Veut-on continuer à alimenter l'angoisse des classes populaires?» — © AFP or licensors
«Si l'euro devient la monnaie de l'austérité imposée à tous, on va dans le mur. Veut-on continuer à alimenter l'angoisse des classes populaires?» — © AFP or licensors

Dany Cohn-Bendit est en colère. Pas surprenant: l'ancien député européen écologiste, fédéraliste convaincu, redoute la déliquescence d'une Union européenne sacrifiée par ses pays membres et par ses dirigeants. Au risque de faire payer le prix fort de ces errements politiques à une jeunesse beaucoup moins europhobe que la moyenne des électeurs. Il s'en explique au Temps.

Le Temps: Qui peut apporter la réponse au Brexit ? Qui doit incarner, désormais, la refondation indispensable de l'Union européenne ?

Daniel Cohn-Bendit : Ils sont deux à porter sur leurs épaules les responsabilités les plus écrasantes: François Hollande et Angela Merkel. Alors, qu'ils se bougent! C'est urgent! François et Angela, bougez-vous! Comment? D'abord en prenant l'initiative d'une convention européenne pour redéfinir le projet communautaire. Ensuite, en déclarant prioritaire un grand plan d'investissement, et la relocalisation sur notre continent d'une partie des activités économiques. C'est maintenant qu'il faut agir, mais j'ai peur. Qui est à la hauteur de ce défi parmi les dirigeants actuels de l'UE? Sûrement pas Hollande et Merkel s'ils continuent comme ça. On ne peut plus se contenter de demi-propositions et d'incantations. Le Brexit pose la question clairement.  Veut-on refonder l'Union européenne en mettant l'accent sur les souverainetés nationales? Ou continue-t-on de croire à la souveraineté partagée? Le débat est posé.

L'intégration poussée autour de la zone euro, le retour à une Union des pays fondateurs: tout cela est évoqué. Qu'en dites-vous?

– Oui à une véritable proposition pour refonder l'Union autour de la zone euro. Mais pas au service d'une politique économique ultra-libérale défendue par le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble. C'est précisément cette Europe-là qui est rejetée. Si l'euro devient la monnaie de l'austérité imposée à tous, on va dans le mur. Veut-on continuer à alimenter l'angoisse des classes populaires? La réponse doit être politique. Donc je le redis: François et Angela, bougez-vous!

– Sauf que le référendum britannique démontre l'ampleur de la défiance des électeurs envers les élites et les dirigeants de l'UE...

– Arrêtons d'abord d'extrapoler sur les chiffres et d'ignorer les 48% de Britanniques qui souhaitent rester dans l'Union. De quel fossé parle-t-on? Qui a voté contre l'UE ce jeudi? Massivement, les plus de cinquante ans alors que les jeunes, eux, ont démontré qu'ils sont beaucoup plus pro-européens. Ce sont les vieux qui sont en train de sacrifier les jeunes. Voilà la réalité! Ce sont eux, ces électeurs âgés, dépités par l'état de l'Union, qui interdisent à la jeunesse de continuer à vivre ce rêve d'une Europe unie ou pacifique. Ces vieux-là, nés pendant ou après la guerre, massacrent l'ambition européenne. J'emploi le verbe «massacrer» à dessein. On marche sur la tête.

– Que dites-vous aux Britanniques?

– Je leur dis qu'ils ont fait le choix d'ouvrir une boite de Pandore très périlleuse pour l'avenir du Royaume-Uni. Regardez ce qui risque de se passer en Ecosse ou en Irlande du Nord, où la population a voté sans ambiguité pour le «Remain». Je dis aux Anglais «Good Luck!» mais je les mets aussi en garde. Leur vote fait beaucoup de mal à l'Europe. Ils doivent maintenant en assumer le coût pour eux-mêmes. Le pire serait qu'ils demandent désormais aux pays-membres restés dans l'UE de payer la facture de ce Brexit. Ce sont eux qui ont décidé de partir. Qu'ils en tirent les conséquences, au lieu de chercher à diviser l'UE, au risque de la faire éclater, pour en tirer le maximum d'avantages. Donc mes amis anglais: «Good Luck!» mais aussi «Beware!»

– François et Angela peuvent-ils se bouger et apporter les réponses requises?

– Ils n'ont pas été à la hauteur jusqu'ici. C'est une évidence. Il y a des fulgurances du coté d'Angela Merkel. Il y a des projets dans les cartons. Mais rien de consistant ne sort plus du couple franco-allemand car le manque de confiance mutuel est patent. Alors, on fait quoi? On fait de la politique! L'heure n'est plus aux tergiversations. Mais Angela et François sont-ils capables de s'entendre sur une vision commune, ont-ils suffisamment d'énergie pour lancer cette convention indispensable? Le Brexit ne va-t-il pas, au contraire, accroître le fossé entre la France et l'Allemagne, en particulier pour des raisons économiques ? François et Angela: ne continuez pas à décevoir l'Europe!

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