Migrations
Deux navires ont sauvé plus de 500 migrants depuis début août en Méditerranée centrale mais ne sont pas parvenus à leur trouver un port d’accueil

Les sauveteurs de l’Ocean Viking et de l’Open Arms ne sont pas souvent les bienvenus. Les deux navires ont secouru plus de 500 migrants, principalement près des côtes libyennes, depuis début août mais aucun pays n’a pour l’instant consenti à les accueillir. Matteo Salvini, l’homme fort du gouvernement italien, refuse toujours d’ouvrir ses ports au moindre bateau de secours de migrants. Mardi, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a demandé «aux gouvernements européens de permettre immédiatement le débarquement des 507 personnes secourues récemment et qui restent bloquées en mer Méditerranée».
L’Ocean Viking, affrété par l’association SOS Méditerranée en coopération avec Médecins sans frontières (MSF), a secouru 356 personnes lors de quatre opérations depuis vendredi 9 août. A bord, la situation devient compliquée. «Il fait chaud et la mer a commencé à s’agiter, raconte Julie Mélichar, chargée de communication à SOS Méditerranée. Des pastilles ont été distribuées à certains passagers qui ont le mal de mer.» Parmi les rescapés, 65% de Soudanais mais aussi des habitants du Tchad, du Mali ou du Sénégal.
«Une course contre la montre»
Pour gérer le grand nombre de passagers vivant dans des conditions spartiates, «13 personnes de SOS Méditerranée sont sur le pont en plus des neuf membres du personnel médical», indique Julie Mélichar. «C’est une course contre la montre, a prévenu Vincent Cochetel, l’envoyé spécial pour l’UNHCR en Méditerranée. Laisser des gens en pleine mer par ce temps, alors qu’ils ont fui la guerre et les violences en Libye, ajoute de la souffrance supplémentaire.»
Nouveau bateau de l’association SOS Méditerranée, l’Ocean Viking remplace l’Aquarius qui a sillonné la Méditerranée entre 2016 et 2018 à la recherche des migrants en détresse. Près de 30 000 personnes ont été secourues pendant cette période, selon l’ONG. Fin 2018, SOS Méditerranée a annoncé l’arrêt de ses missions de sauvetage à bord de l’Aquarius, peinant à retrouver un pavillon, avant d’obtenir l’autorisation de naviguer à nouveau avec l’Ocean Viking il y a quelques semaines.
L’autre navire bloqué en mer, celui de l’ONG catalane Proactiva Open Arms (POA), compte 151 rescapés, secourus depuis le début du mois. Le fondateur de l’association, Oscar Camps, interrogé par l’AFP, s’est dit inquiet des risques de bagarres «provoquées par la promiscuité» sur le navire et «l’état de stress post-traumatique très élevé» des personnes secourues.
Le «décret sécurité» de Salvini
Les arrivées de migrants en Europe par la mer depuis le début de l’année s’élèvent à 40 000, selon l’UNHCR, en baisse constante ces dernières années. Avec près de 700 décès fin juillet, le taux de mortalité et de portés disparus reste pourtant haut. Côté européen, la réponse à l’arrivée des migrants s’est durcie, notamment en Italie, un des principaux pays visés par les rescapés en mer. Rome s’est tournée vers des mesures anti-migrants prononcées depuis la prise de pouvoir de l’influent ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini. Le leader de la Ligue, parti d’extrême droite, repousse autant qu’il le peut les vagues de migrants, sur mer ou sur terre, provoquant la colère des ONG et sous l’œil plutôt passif des autres pays européens.
Le 5 août, le Sénat italien a accordé la confiance au gouvernement de Salvini, autorisant du même coup le ministre à appliquer son nouveau «décret sécurité». Ce texte élargit notamment ses prérogatives pour confisquer des bateaux, infliger des amendes ou faire peser la menace de peines de prison plus lourdes en cas de résistance des ONG. Les mésaventures de l’Ocean Viking et de l’Open Arms ont lieu, en parallèle, alors que le gouvernement italien est entré en pleine crise depuis la semaine dernière, Matteo Salvini cherchant à s’émanciper de son allié, le Mouvement 5 étoiles.
En attendant, les ONG veulent régler la solution diplomatiquement. «On ne va pas forcer les eaux territoriales italiennes, dit Julie Mélichar. On espère une réponse coordonnée, avec un débarquement rapide des rescapés et une répartition dans différents pays européens. Comme cela a déjà été fait par le passé.» A l’UNHCR, on compte aussi sur d’autres pays. «L’Afrique du Nord a un rôle à jouer», rappelle Vincent Cochetel, citant l’exemple de la Tunisie, qui a accueilli des migrants ivoiriens piégés en Libye il y a quelques jours. Avant de finir: «On est dans une situation ridicule, on ne parle pas d’un grand nombre de personnes à secourir…»