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Emmanuel Macron pointe les trois risques français pour 2019

Dans ses vœux télévisés, prononcés debout, le président français a mis en garde contre trois risques qui guette selon lui son pays: la démagogie, les incivilités et le rejet de l'Europe. Explications

Emmanuel Macron lors de son intervention, 31 décembre 2018. — © AP
Emmanuel Macron lors de son intervention, 31 décembre 2018. — © AP

La posture est tout, sauf anodine. C'est debout devant les caméras, depuis le Palais de l'Elysée, qu'Emmanuel Macron a prononcé lundi 31 décembre au soir ses voeux télévisés pour 2019. Ce rendez-vous rituel était risqué, debout pour témoigner sans doute sa détermination, après deux mois de convulsions sociales des «gilets jaunes». Et ce, au moment où resurgit le spectre d'une nouvelle affaire politique autour d'Alexandre Benalla, cet ex-jeune conseiller en charge des déplacements présidentiels dont la presse a découvert qu'il continuait d'utiliser un passeport diplomatique lors de ses voyages d'affaires en Afrique, et qui affirme être toujours en contact avec l'Elysée.

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Au final: des vœux – les seconds de son quinquennat entamé en mai 2017 – formulés sur un ton volontariste, moins professoral que d'ordinaire (mais sans méa-culpa cette fois) et sans aucune allusion à un changement d'attitude personnel suite à cette difficile année 2018. Emmanuel Macron a promis d'écrire prochainement aux Français, pour leur proposer notamment son projet européen en vue des élections européennes du 26 mai 2019. Avec, dans le collimateur, trois risques qui, selon lui,  menaçent la France en 2019. Les voici.

Le risque d'une France fâchée avec la vérité

Dans la dernière partie de son intervention, le président français a formulé trois vœux. Le premier? Le «vœu de vérité». «On ne bâtit rien sur des mensonges et des ambiguïtés», a mis en garde le chef de l'Etat, qui a fêté ses 41 ans le 21 décembre. «Cessons de nous déconsidérer» a-t-il sermonné, rappelant entre autres que la dépense publique française est l'une des plus élevées au monde (57% du produit intérieur brut en 2017) et qu'elle permet d'offrir «gratuitement» de nombreux services publics.

L'attaque est fidèle à une de ses déclarations les plus controversées de 2018. Emmanuel Macron s'était, en juin, emporté contre le «pognon de dingue» dépensé par l'Etat Français dans les minimas sociaux, selon lui sans résultats probants. Cette affirmation lui était aussitôt revenue en boomerang, la gauche l'estimant inacceptable de la part d'un président qui avait préalablement réformé l'impôt sur la fortune en faveur des plus riches, une mesure maintenue malgré la colère des «gilets jaunes».

Il faut néanmoins le redire ici. Vu de l'étranger, Emmanuel Macron n'a pas tort. La réalité française, complexe en raison des lourdeurs administratives et budgétaires, n'est pas prise en compte par les manifestants. Le problème ne vient pas tant de l'absence de politique sociale en France que de son inefficacité. Emmanuel Macron a résumé ce risque en une phrase: on ne peut pas vouloir payer moins et obtenir plus. Sa volonté de vérité est surtout économique. Ce premier vœu s'adressait en ceci directement aux «gilets jaunes», à la classe moyenne et aux retraités désormais majoritairement hostiles à sa politique.

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Le risque d'une France gagnée par les incivilités

Emmanuel Macron a formulé, en second, un «vœu de dignité». «Ne plus subir, c'est cela qui doit guider notre choix» a déclaré le président français, bien éloigné de sa posture d'ancien banquier lorsqu'il déclare avec emphase: «Le capitalisme ultralibéral et financier va vers sa fin.» Mais l'on sent que la dignité invoquée est ailleurs: dans la dénonciation de la posture violente adoptée par de nombreux manifestants pour se faire entendre. Le jeune chef de l'Etat a ainsi insisté sur les «devoirs» attendus des Français en échange des «droits» et sur le «sens de l'effort». C'est une dignité opposée aux incivilités que le président a mis en valeur, affirmant  que «l'état de droit, l'ordre républicain sera assuré sans complaisance», pour éviter qu'«une foule haineuse s'en prenne aux élus, aux forces de l'ordre, aux journalistes, aux Juifs, aux étrangers, aux homosexuels».

La difficulté de l'exercice tient à l'impopularité actuelle du chef de l'Etat, mais aussi à cette conviction partagée en 2018 par de nombreux manifestants, selon laquelle la violence est indispensable pour faire bouger les choses en France. Comment Emmanuel Macron peut-il convaincre ses compatriotes d'agir dans le calme, et de privilégier le dialogue alors que, de nouveau, la controverse autour d'Alexandre Benalla accrédite l'idée d'un clan installé à l'Elysée, sans égards pour la situation réelle du pays?

Il est peu probable que ce message-là soit entendu à court terme. Important toutefois: l'accent mis par le président français sur le «grand débat national» qui va s'ouvrir (jusqu'en mars) pour discuter, entre autres, de la réforme des institutions. Mais le mot clé de référendum, vœux exprimé par les «gilets jaunes», n'a pas été cité lors de son discours.

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Le risque d'une France fâchée avec l'Europe

C'est le troisième risque qu'Emmanuel Macron anticipe et redoute pour 2019. Une lettre partira bientôt, signée de sa main, pour tous les Français, à l'image de ce que François Mitterrand avait fait en 1988, à la fin de son premier quinquennat. Mais l'enjeu est risqué, car ces temps-ci, l'Europe et surtout l'intégration communautaire sont de plus en plus difficiles à défendre.

Pour contrer cette désaffection, le président promet d'être offensif. Il présentera «un projet renouvelé». «De grandes certitudes sont en train d'être mises à mal» a-t-il expliqué, exprimant son inquiétude au sujet du «malaise dans la civilisation occidentale» et de la crise «de notre rêve européen». «C'est un défi immense, et tout cela est évidemment lié avec le malaise que vit notre pays» a-t-il poursuivi.

Ce chantier politique était attendu, car il est au cœur du projet macronien: l'année 2019, avec tous les risques que cela comporte, se jouera donc pour le locataire de l'Elysée en partie à Bruxelles. Avec une première échéance non mentionnée dans son discours, mais dans toutes les têtes des dirigeants de l'UE: le vote du parlement britannique sur le Brexit, prévu le 11 janvier. On notera d'ailleurs une étrange absence de la part d'un Européen convaincu comme Emmanuel Macron: pas une référence aux vingt ans de l'euro fêté ces jours-ci. La monnaie unique européenne est adulte, mais il aurait sans doute été risqué, pour le président français, de célébrer cet anniversaire alors que les contraintes budgétaires imposées par l'UE sont accusées par de nombreux Français d'avoir amputé leur pouvoir d'achat.

Au final, une année décisive

L'année 2019 assurée d'être décisive en France car elle sera marquée, sur le front intérieur, par deux réformes citées par le président: celle de l'assurance-chômage et celle des retraites, à fort impact social.

Après un second semestre 2018 éprouvant, durant lequel son pouvoir personnel a été rejeté par une partie de plus en plus grande des électeurs, Emmanuel Macron a promis de repartir à l'offensive. Convaincu sans doute que pour l'heure, l'affrontement de ces extrêmes que sont la France insoumise (la gauche radicale) et le Rassemblement national (l'ex-Front national) lui permet toujours d'espérer un retour en grâce aux yeux d'une majorité sage et silencieuse, éclipsée par les «gilets jaunes» depuis plusieurs semaines.