Les points clés pour cette intervention télévisée plus courte que les précédentes et resserrée autour de quelques thèmes? Le recours fréquent au «nous» et l’hommage rendu à plusieurs reprises à ses concitoyens; l’urgence d’une reprise économique basée sur un effort collectif accru et le rappel de l’unité nationale dans le respect de toute l’histoire de France, alors que la remise en cause du passé colonial du pays bat son plein.
Lire également: Pour Frontex, les lourds défis post-Covid-19
Un retour à la normalité
En résumé? Un Emmanuel Macron résolu à reprendre le contrôle des opérations, au moment où sa cote de popularité est distancée par celle de son premier ministre. L’objectif affiché d’une «reconstruction sociale et solidaire» sera atteint grâce à la mise en œuvre, dans les deux ans à venir, de priorités sur lesquelles le locataire de l’Elysée a annoncé son intention d’engager rapidement des consultations. «J’assumerai avec vous, avec nos corps intermédiaires […]. Je m’engagerai dans cette reconstruction économique», a asséné Emmanuel Macron après avoir rappelé l’énorme effort budgétaire consenti par l’Etat français: près de 500 milliards d’euros injectés dans l’économie, ce qui exigera, a-t-il expliqué, de «travailler davantage».
Lire encore: Déverrouillage français, le mode d’emploi
La seule annonce concrète de l’intervention du président français a concerné la réouverture, dès ce lundi, de l’ensemble des entreprises et des lieux publics, restaurants et cafés compris, sur l’intégralité du territoire hexagonal désormais classé vert. La région Ile-de-France, jusque-là classée orange, va donc pouvoir reprendre une vie économique et sociale normale. Le système scolaire reprendra pour sa part son fonctionnement d’avant Covid-19 le 22 juin, date symbolique puisque très proche des vacances d’été, mais avant tout destinée à mettre fin aux controverses sur les réouvertures à la carte des établissements.
A retenir en revanche: une triple impulsion qui servira de toile de fond aux changements attendus de ministres, voire de premier ministre, après le second tour des élections municipales, confirmé le 28 juin.
Bâtir l’avenir de la France en trois points
D’abord, le souci du collectif, pour un chef de l’Etat trop souvent accusé d’être «hors sol». «Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies sauvées par notre choix humaniste de placer la santé au-dessus de l’économie. Vous avez fait preuve d’un sens des responsabilités admirable. La période a montré que nous avions du ressort, de la ressource.» «Il collectivise désormais le succès. C’est un réel changement», confirme, avec satisfaction, le sénateur André Gattolin, élu de la majorité. D’autant que cette reconnaissance de l’effort collectif s’accompagne d’une promesse: «L’organisation de l’Etat doit profondément changer. Libérons la créativité et l’énergie du terrain.» Sans pour autant en donner la moindre modalité et sans prononcer le mot de décentralisation.
Ensuite, l’annonce d’une priorité économique pour les mois à venir. S’il a de nouveau vanté le «modèle social français», Emmanuel Macron a listé les plans d’aides aux entreprises et aux différents secteurs industriels. C’est en commandant en chef du redressement économique qu’il s’est exprimé, reparlant de possibles relocalisations industrielles et réaffirmant l’importance de l’initiative franco-allemande de relance qui sera discutée ce vendredi à Bruxelles lors du prochain sommet européen.
On ne déboulonne rien
Enfin, la protection des institutions et l’éloge de l’unité. «On ne déboulonnera pas les statues. On ne réécrira pas l’histoire» a-t-il affirmé, redisant l’importance du soutien de la nation aux policiers et aux gendarmes alors que les manifestations se multiplient, dans la foulée de l’émotion mondiale suscitée par le décès de George Floyd aux Etats-Unis. C’est un Emmanuel Macron régalien qui s’est exprimé: «Nous ne bâtirons pas davantage notre avenir dans le désordre, sans ordre républicain, ni sécurité, ni liberté.» Puis: «L’égalité des chances est un combat dévoyé lorsqu’il est récupéré par les séparatismes. La République n’effacera aucun nom de son histoire.» Pas question «de revisiter ou de nier ce que nous sommes».
Au final? Un discours avant tout destiné à se remettre en selle et à reprendre le contrôle de son mandat et de son action, en répétant à chaque fois le bien-fondé des décisions prises sous sa direction depuis la décision de confiner l’ensemble du pays le 16 mars dernier.
Avec les risques que cela comporte: revenu au centre du terrain, Emmanuel Macron se retrouvera plus que jamais en position d’accusé si la relance annoncée ces prochains mois et la fermeté républicaine ne sont pas au rendez-vous.