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Le président de la République a, comme prévu, décrété lundi soir le confinement généralisé de la population, sur le mode italien. Le second tour des élections municipales est annulé et reporté

«Nous sommes en guerre. Pas contre une autre nation, mais contre un ennemi invisible et insaisissable.» 20h10, lundi soir. Emmanuel Macron vient d’annoncer le confinement généralisé de la population sur le mode italien, à partir de mardi midi. Plus aucun déplacement non justifié par une nécessité alimentaire, professionnelle ou médicale. Plus aucune réunion familiale ou sociale. Un report du second tour des élections municipales, a priori le 21 juin, même si la date n’a pas été actée. La France se préparait, depuis dimanche, à entrer dans un long tunnel pour éviter la propagation accélérée du coronavirus Covid-19 qui, au moment où le chef de l’Etat s’exprimait en direct, a contaminé 5423 personnes et tué 127 malades. Ce tunnel est confirmé. La seule lumière, timide, est celle du calendrier: les mesures, que devait préciser dans la soirée le gouvernement, le seront pour «au moins quinze jours». Rendez-vous donc au début avril, avec sans doute une nouvelle intervention télévisée d’ici là.
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«Nous sommes en guerre.» Cette expression a un passé récent. François Hollande, prédécesseur d’Emmanuel Macron, l’avait employé dans la nuit fatale des attentats parisiens du 13 novembre 2015 pour lesquels, cruelle ironie du calendrier, une vingtaine d’individus – dont Salah Abdeslam, l’unique survivant des commandos de l’Etat islamique – ont été hier déférés en procès par le parquet national antiterroriste. L’actuel locataire de l’Elysée, alors conseiller présidentiel, en connaît donc tout le poids et toutes les conséquences, en particulier sur le plan sécuritaire.
D’où le soin apporté, cette fois, au consensus politique. Outre François Hollande et Nicolas Sarkozy, le Chef de l’Etat français a reçu les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, tandis que le premier ministre Edouard Philippe consultait l’ensemble des forces politiques. Pas étonnant, dès lors, que le vocabulaire de sa déclaration ait été lundi soir si martial. «Je vous demande d’être responsables tous ensemble et de ne céder à aucune panique. Il n’y aura pas de passe-droit […] Beaucoup de nos certitudes seront remises en cause. Ne nous laissons pas impressionner. Agissons avec force. Le jour d’après ne sera pas le retour au jour d’avant. Nous aurons appris. Hissons-nous individuellement et collectivement à la hauteur du moment.» André Gattolin est sénateur de la majorité: «Macron s'est efforcé de gommer la dimention très martiale et autoritaire de son discours par un élan solidaire. Il ne se place pas en général en chef».
«Union sacrée»
«Nous sommes en guerre.» Répétée plusieurs fois, la phrase voulait pourtant impressionner. Car le spectacle de dimanche 15 mars, avec ce premier tour des élections municipales (45,5% de participation, soit autant que les législatives de juin 2017) et la présence massive des Français à l’extérieur, se promenant durant cette journée printanière, a excédé l’Elysée et le personnel soignant. Impossible, pour les médecins et les infirmières, de continuer à se battre alors que les lits de réanimation commencent à manquer dans le Grand Est, l’une des régions les plus touchées, si la population ne se bat pas elle aussi.
«Nous avons besoin d’une union sacrée», affirmait, quelques minutes avant la déclaration présidentielle, le doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg, après avoir entendu un patient hospitalisé à Colmar raconter la lutte des soignants pour trouver des masques et des équipements de protection en nombre suffisant.
Oui, la guerre est déclarée. Mais elle n’était jusque-là pas entrée en action. Des millions de masques seront donc mis dès mercredi à la disposition des médecins, a promis le chef de l’Etat français, sans aborder l’autre point qui pose problème aujourd’hui: l’absence desdits masques et de gel hydroalcoolique dans les pharmacies, obligeant les Français les plus prudents à se dissimuler le visage derrière leurs écharpes ou à confectionner des protections respiratoires en tissu.
Eviter la panique
Reste un volet presque passé sous silence: celui de la sécurité et du maintien de l’ordre, qui pourrait être mis au défi par d’éventuelles scènes de panique devant les magasins d’alimentation et les boulangeries (qui resteront ouverts) ou par de possibles pillages de bâtiments publics ou commerciaux désertés. Faudra-t-il, comme certains messages sur les réseaux sociaux le laissaient entendre lundi, en arriver à un couvre-feu et au déploiement massif de l’armée et de la police? Nous n’en sommes pas là. «Les jours suivront les jours. Les problèmes succéderont aux problèmes. Il faudra nous adapter», a juste prévenu Emmanuel Macron après avoir annoncé, successivement, la suspension du projet de loi sur la réforme des retraites (actuellement au Sénat) et son intention, s’il le faut, de légiférer par ordonnances. «Toute infraction sera sanctionnée», a-t-il promis. «Jamais la France n’avait dû prendre de telles décisions en temps de paix.» La mobilisation est générale. Comme en temps de guerre.