France
Le ministre français de la Transition écologique et solidaire présentait jeudi son plan climat. Des objectifs ambitieux pour incarner la face écologique et populaire du nouveau quinquennat

Nicolas Hulot n’a pas dit s’il sera présent, le 13 juillet, au dîner offert par Emmanuel Macron à son homologue américain Donald Trump, avant de présider ensemble le traditionnel défilé militaire du 14 Juillet sur les Champs-Elysées. Son ambitieux plan climat, rendu public jeudi, confirme en tout cas le bras de fer engagé entre Paris et Washington.
«Un des acteurs majeurs de l′Accord de Paris sur le climat a pour le moins décidé de faire une pause. C’est un message assez violent pour tous ceux qui subissent les conséquences du réchauffement de la planète», a asséné l’ancien présentateur de l’émission Ushuaia, devenu mi-mai ministre de la Transition écologique. «Il faut bien comprendre que ces injustices accumulées ont un prix. Le cynisme ici nourrit le fanatisme là-bas.»
Un ministre pas comme les autres
Un ministre pas comme les autres, Nicolas Hulot. La cravate d’abord. Petit détail vestimentaire qui en dit long sur sa volonté d’afficher sa différence: à 62 ans (mais physique de quinquagénaire), l’ancien candidat écologiste à la présidentielle – battu par la juge Eva Joly en 2012 – participe au Conseil des ministres en col de chemise. Idem devant la presse.
Autre spécificité: l’homme voit grand. Son plan climat à l’objectif 2050, divisé en 26 thèmes, touche à tous les secteurs clés de la société: l’énergie (50% de nucléaire en 2025 contre plus de 70% actuellement); l’industrie automobile (en finir avec les véhicules diesel et essence d’ici à 2040), ou la construction et les infrastructures (l’artificialisation des sols agricoles pour les rendre constructibles sera découragée).
Très dense réseau personnel
Ce ministre-là, surtout, sait qu’il pèse lourd. Dans le cabinet remanié depuis le départ de François Bayrou et des centristes du MoDem, il est ironiquement l’un des rares «politiques» au milieu des technocrates experts. Jamais élu, Nicolas Hulot a pour lui son très dense réseau personnel, ainsi que la crédibilité tissée via sa fondation dont la nouvelle présidente est l’ex-journaliste Audrey Pulvar. Preuve de son importance: deux secrétaires d’Etat lui ont d’ailleurs été adjoints pour l’épauler, en plus de son titre de numéro trois du gouvernement. A Hulot – dont 60% des Français ont une image «très positive» selon les sondages (contre 47 à 53% pour le président) – le soin de bousculer les lobbys et l’administration française.
«Mon plan est le signal que cette responsabilité écologique sera portée durant le quinquennat», poursuit-il. Objectif: faire de la France un pays neutre en carbone en 2050, alors que l’ambition, jusque-là, était de diviser par quatre les émissions entre 1990 et 2050, avec une baisse de 40% en 2030.
«Un homme proche des gens»
«Hulot coche toutes les cases qui manquent à Macron, confirme un haut fonctionnaire. Il est perçu comme un homme proche des gens. Il peut porter le message d’une transformation économique au service de tous. Et il a les moyens, via les médias, de convaincre les grands acteurs économiques.» A preuve: six fois au moins lors de son intervention jeudi, le ministre a insisté sur la prise en compte de l’impact social. Des panels de citoyens seront d’ailleurs créés pour rendre ce plan climat «le plus participatif possible». Tandis que l’actuel Conseil économique et social deviendra une «chambre du futur» chargée d’organiser les concertations sur les solutions d’avenir.
Révélations du «Canard enchaîné»
L’autre atout de Nicolas Hulot est sa relation avec le président. Tous deux se sont connus à l’Elysée, où ils conseillaient François Hollande. Le chef de l’Etat lui a ainsi, dit-on, adressé un «chaleureux soutien» ces jours-ci après les révélations du Canard enchaîné sur ses rémunérations perçues via sa société Eole Conseil (dont il vient de se retirer), et via les produits de beauté Ushuaia sur lesquels il perçoit des royalties.
L’actuel ministre aurait en particulier abondamment profité des financements d’EDF pour sa fondation, et l’hebdomadaire satirique affirme que sa déclaration de patrimoine, attendue avant le 17 juillet, pourrait écorner son image de «saltimbanque» dévoué au climat. Une nouvelle affaire? Non, selon plusieurs organisations non gouvernementales contactées par Le Temps. «Vu son niveau de notoriété et son engagement, Hulot est depuis longtemps dans le collimateur, juge un ancien cadre de Greenpeace. Son défi va plutôt se trouver du côté budgétaire. Son plan est séduisant, mais il va falloir maintenant le financer.»
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