Lutter contre le terrorisme, en particulier islamiste, et renforcer les frontières extérieures en évitant soigneusement de stigmatiser l’islam et de mélanger migration et terrorisme. C’est l’exercice délicat qui attendait vendredi les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, mais aussi la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, associée à la discussion.

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Cinq ans jour pour jour après les attaques du Bataclan et du Stade de France et dans la foulée des attaques de Vienne, de Nice et de Conflans, ils devaient envoyer un message ferme sur le rappel des valeurs de l’UE et la lutte contre la radicalisation tout en préservant l’unité. Ils devaient aussi éviter de donner l’impression de reprendre à leur niveau des préoccupations spécifiquement françaises et autrichiennes, potentiellement à visée purement interne.

Au final? Une déclaration consensuelle qui parcourt les différentes facettes du problème et appelle à quelques réformes – non polémiques car déjà prévues –, comme le renforcement du mandat d’Europol et de son centre antiterroriste, le renforcement des échanges d’informations sur les personnes signalées ou encore une meilleure mise en commun de leurs bases de données.

Frontières extérieures

Sur Schengen, pas question à ce stade de parler des réformes demandées par Emmanuel Macron alors que la zone souffre déjà de la pandémie. Tout le monde est cependant d’accord pour dire que renforcer les contrôles aux frontières extérieures est nécessaire, «y compris pour des raisons de sécurité», a commenté le ministre allemand Horst Seehofer. Là aussi, la Commission a déjà prévu de s’y atteler en mai prochain.

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Tentés un temps de demander une action forte sur le déchiffrement pour intercepter les communications des présumés terroristes, les ministres se sont aussi contentés d’appeler à la responsabilité des plateformes du web et ont milité pour le retrait en une heure des contenus violents diffusés sur le Net.

Inutile, donc? «C’est avant tout une déclaration politique dans le contexte actuel», dit une source ayant assisté aux échanges. Sur le volet politique, la déclaration insiste en effet sur l’arsenal de valeurs de l’UE, comme la liberté d’expression mais aussi la liberté de croyance, qui doit s’exprimer de manière «pacifique et respectueuse et en respectant les lois des Etats membres».

Pas de formation des imams

Sur la question de la formation des imams, autre sujet polémique et qui intéresse la Suisse, les ministres ont aussi choisi la prudence. En début de semaine, le président du Conseil européen, Charles Michel, avait évoqué la création d’un institut européen de formation des imams, une structure sans équivalent pour les autres religions et qui pourrait difficilement relever de la compétence communautaire.

Les ministres de l’Intérieur n’ont donc pas repris cette idée mais ont insisté sur l’idée de «promouvoir le fait que l’éducation et la formation religieuses – de préférence au sein de l’UE – soient conformes aux valeurs et droits fondamentaux européens». Pour une autre source, ce sujet-là reviendra plus tard de toute façon, car «il préoccupe tout le monde». Pas question non plus de parler du Qatar, de la Turquie ou de l’Arabie saoudite, les ministres se contentant là aussi de plaider pour un effort de transparence dans les financements et pour la fin des subventions publiques à des associations en marge des principes collectifs.

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C’est finalement sur les migrants que les ministres ont été plus explicites, en établissant un lien très clair entre les attaques et l’intégration des migrants qui ont été «invités à s’intégrer activement» aux sociétés européennes et à respecter les valeurs des pays où ils se trouvent. Mais là encore, le message aurait pu être plus brutal. Il avait un temps été envisagé de parler de sanctions contre les migrants refusant de s’intégrer.