Doris Leuthard en sait quelque chose: les promesses de fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (Bas-Rhin), frontalière de la Suisse, n'engagent que ceux qui les croient depuis le début du quinquennat de François Hollande. En mars 2015, la Conseillère fédérale en visite à Paris avait regretté «ne pas avoir obtenu le moindre calendrier» de la part de ses interlocuteurs français, dont la ministre de l'Environnement Ségolène Royal. Idem en décembre dernier, malgré ses questions posées en marge de la grande conférence sur le climat COP 21 au Bourget.

Or voilà que l'ancienne cheffe de file des écologistes français, Emmanuelle Cosse, intégrée au gouvernement depuis février après avoir critiqué vertement le bilan présidentiel, s'est exprimée sur le sujet dimanche, en confirmant «le calendrier de fermeture pour 2016. C'est ca la date» a-t-elle ajouté sur RTL, expliquant que «le processus de fermeture d'un réacteur est assez simple» alors que l'opérateur EDF, et les pouvoirs publics affirment depuis des mois le contraire...

Qu'en penser dès lors du côté suisse, cinq ans tout juste après la catastrophe de Fukushima (Japon) qui avait entraîné deux mois plus tard la décision de sortir progressivement la Confédération du nucléaire civil?

Une annonce «suspecte»

Contactés par Le Temps, les partisans suisses du démantèlement de Fessenheim - la plus vieille centrale française exploitée commercialement depuis 1978 - jugent «suspecte» l'annonce d'Emmanuelle Cosse, nommée ministre du Logement, et non de l'Energie ! Ils se souviennent que François Hollande avait, l'an dernier, annoncé le report de la fermeture de cette centrale frontalière de l'Allemagne et de la Suisse, que le gouvernement français projette de transformer en laboratoire pour le démantèlement futur d'autres installations. La dernière visite décennale d'inspection de Fessenheim a eu lieu en 2009, mais de nouveaux incidents techniques sont survenus en 2012. Le sort de Fessenheim, jugent les experts, est lié à celui de la mise en service du controversé réacteur EPR de Flamanville (Manche), pénalisé de son coté par de multiples incidents et une inflation considérable de son budget. 

La réalité est toutefois que l'Etat français, mis en cause par la plainte récente du canton de Genève contre la centre du Bugey, doit démontrer qu'il n'ignore pas les recommandations européennes en matière de sécurité, considérablement renforcées par la directive communautaire de 2014 censée s'appliquer à partir de cette année.

Lire: La longue lutte de Genève contre le nucléaire français

La Suisse appelée à contribuer?

Le plus probable est donc que 2016, peut être d'ici l'été, marquera le début du chantier de la fermeture de la centrale alsacienne, et non son interruption définitive. Celle-ci devrait prendre au minimum deux à trois ans avec une autre question: quid du calendrier du démantèlement total de l'installation? Très couteux (EDF réclamerait deux milliards d'euros,a près avoir injecté 600 millions en maintenance du site depuis 2002), celui-ci pourrait en revanche être retardé pour ne pas aggraver encore plus la situation financière catastrophique du groupe Areva, en charge de ces opérations. Au point qu'une contribution de la Suisse pourrait être sollicitée. Interrogée en 2015 par Le Temps, Doris Leuthard avait néanmoins répondu par la négative: «Nous sommes intégrés dans les groupes de travail avait expliqué la cheffe du Département de l’énergie et des transports. Nous obtenons toutes les mesures et indicateurs et nous pouvons par conséquent évaluer l’impact. Mais au-delà, ce n’est pas notre rôle. La responsabilité du démantèlement incombe au pays propriétaire des installations. Ce ne serait pas acceptable pour l’opinion publique suisse».