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En France, une primaire populaire pour les propriétaires de carte bancaire

L’initiative pour désigner grâce à un vote citoyen un candidat commun pour la gauche n’est pas accessible à toutes et à tous. Pour contrôler l’identité des internautes, le site de la primaire populaire demande leurs numéros de carte bancaire

Des personnes se sont rassemblées sur la place de la République, à Lille, dans le nord de la France, le 15 janvier 2022, pour promouvoir la Primaire populaire. — © FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Des personnes se sont rassemblées sur la place de la République, à Lille, dans le nord de la France, le 15 janvier 2022, pour promouvoir la Primaire populaire. — © FRANCOIS LO PRESTI / AFP

A trois mois du premier tour des élections présidentielles, les électeurs et électrices de l’Hexagone sont encouragés à participer à la primaire populaire. Présenté comme un processus de vote citoyen, cet outil en faveur d’une candidature commune à gauche ne permet cependant pas à tout le monde de voter.

«Qui s’inscrit au vote»

Cette élection en ligne, lancée par des citoyens et militants indépendants, démarrera le jeudi 27 janvier prochain. Elle vise à désigner un unique candidat pour représenter la gauche à l’élection présidentielle de 2022. La personne réunissant un «jugement majoritaire» sera révélée le 30 janvier au soir. Pour exprimer leur préférence, les internautes répondront à la question «pour faire gagner l’écologie et la justice sociale, ces candidats sont…» en attribuant à chaque candidat une mention allant d'«insuffisant» à «très bien». La personne qui remportera le plus de notes favorables sera désignée gagnante du scrutin.

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Les sept candidats participant à la primaire populaire ont été annoncés ce samedi 15 janvier lors d’une conférence de presse. Il s’agit d’Anna Agueb-Porterie, d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot, de Pierre Larrouturou, de Charlotte Marchandise, de Jean-Luc Mélenchon et de Christiane Taubira. Si cette dernière a affirmé à plusieurs reprises qu’elle se plierait au résultat du «jugement majoritaire» pour poursuivre ou non sa course à l’Elysée, ce verdict n’a pas la même importance pour d’autres candidats. L’insoumis Jean-Luc Mélenchon, la socialiste Anne Hidalgo et l’écologiste Yannick Jadot ont déclaré que même si ce résultat ne leur était pas favorable, ils resteraient tout de même dans la course.

Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 23 janvier. Lors de la conférence de presse, Mathilde Imer, cofondatrice avec Samuel Grzybowski de cette initiative, a déclaré ne pas savoir qui «va gagner ce scrutin», mais que cela dépendrait «de qui s’inscrit au vote.» Seulement, les exigences à remplir pour pouvoir y participer peuvent rebuter des électeurs et électrices. Premièrement, il s’agit d’un vote en ligne et cela va sans dire qu’il faut au minimum être à l’aise avec l’informatique. Aucune alternative n’est proposée. Il n’est ainsi pas possible de voter à la primaire populaire physiquement ou par courrier.

Ensuite, il faut disposer d’une carte bancaire française en cours de validité. Même si aucun prélèvement n’est effectué avec ces numéros de carte, l’idée de devoir détenir une carte de paiement pour pouvoir voter freine certaines personnes pourtant intéressées à y participer. «La fiabilité de ce vote étant notre priorité, nous demandons à tous les inscrits et inscrites de confirmer qu’ils possèdent les trois moyens de contrôle suivants: un numéro de téléphone portable (pour recevoir un SMS de validation), une adresse e-mail individuelle (pour recevoir un code de validation) et une carte bancaire», peut-on lire sur le site internet de la primaire.

Cartes françaises seulement

Pourquoi ce troisième moyen de contrôle? «À des fins de lutte anti-fraude et dans la perspective de garantir la sincérité du vote […] Nous vous demandons de renseigner les informations de votre carte de paiement pour que votre identité soit vérifiée, conformément aux exigences de sécurisation de la CNIL – la Commission nationale de l’informatique et des libertés», peut-on lire sur une autre page. Les organisateurs insistent sur le fait que l’inscription est gratuite. «La prise de l’empreinte de la carte de paiement n’est pas conservée de façon lisible et ne peut pas être (ré)utilisée pour émettre des paiements au profit de la primaire populaire», écrivent-ils.

Seules les cartes bancaires françaises sont acceptées sur la plateforme. Des Français et Françaises établis à l’étranger qui n’auraient pas renouvelé leur carte bancaire française sont donc exclus du vote. «Il est indispensable de s’organiser en amont pour avoir accès à ces outils», souligne le site.

Pourquoi ne pas se contenter de vérifier les identités des votants en demandant une copie de leur carte d’identité? «Elle ne peut être retenue comme réellement fiable que pour du vote présentiel/physique en comparant la tête de la personne avec la carte physique (avec possibilité de voir si c’est une vraie ou une fausse), répondent encore les organisateurs sur leur site. Dans le cadre du vote électronique, la vérification des cartes d’identité coûte cher, n’est pas fiable et nécessite en général une vérification manuelle a posteriori.»

La question des cartes bancaires a été abordée dans le fil d’actualité du journal Le Monde sur la primaire populaire. «Vous êtes nombreux à avoir posé cette question des coordonnées bancaires, écrit la rédaction. Pour des raisons de sécurisation du vote en ligne, la plate-forme Neovote, déjà utilisée pour la primaire écologiste en septembre 2021 et le congrès Les Républicains en décembre dernier, demande une vérification d’identité afin d’éviter les fraudes. La plate-forme précise que cela passe notamment par la vérification de vos coordonnées bancaires.»

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En effet, ce même procédé a déjà été utilisé lors de la primaire écologiste de septembre dernier, pour laquelle 122 000 personnes s’étaient inscrites, mais aussi pour le congrès des Républicains de décembre qui avait rassemblé 139 000 inscrits. Au 10 janvier, le nombre de personnes inscrites dont l’identité a pu être vérifiée était de 120 000, sur 300 000 inscrits. «Un nouveau point d’étape sera effectué lundi 17 janvier», pointe Samuel Gryzbowski, cofondateur de l’initiative.