La victoire du chef de l'Etat Alexandre Loukachenko, donné gagnant à près de 80% par un sondage officiel, lors de l'élection présidentielle a donné lieu à des heurts dimanche soir en Biélorussie entre manifestants et forces de l'ordre après une présidentielle tendue. En posant son bulletin dans l'urne plus tôt dimanche, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, avait promis qu'il n'y aurait ni «perte de contrôle» ni «chaos» dans le pays.

Malgré les avertissements des autorités, qui ont déployé un important dispositif anti-émeute, les partisans de l'opposition se sont rassemblés à Minsk. Des rassemblements d'opposition, théâtre par endroits d'interventions policières musclées, ont aussi eu lieu, selon des médias locaux, dans des villes de province dont Brest, Pinsk, Gomel et Grodno.

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Le ministère de l'Intérieur a assuré avoir la «situation sous contrôle», alors que plusieurs médias, dont la radio financée par les Etats-Unis RFE/RL, ont fait état d'usage de balles en caoutchouc. Ils ont diffusé des images de manifestants blessés, du sang coulant de leurs visages. La police a dit avoir utilisé des «équipements spéciaux» pour disperser les rassemblements, dont des grenades assourdissantes, et avoir procédé à des arrestations, sans en préciser le nombre, les «événements étant en cours».

Svetlana Tikhanovskaïa, la nouvelle venue

La campagne électorale pour la présidentielle a été marquée par une mobilisation sans précédent en faveur d'une nouvelle venue en politique, Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, professeur d'anglais de formation. Elle a réussi, dans un pays qui n'a jamais connu d'opposition forte, à rassembler des foules à ses meetings.

Svetlana Tikhanovskaïa a estimé dimanche soir que «la majorité» de ses concitoyens la soutenait, alors que le sondage officiel réalisé à la sortie des bureaux de vote lui accordait seulement 6,8% des voix, contre 79,7% à Alexandre Loukachenko. «Je considère que nous avons déjà gagné car nous avons vaincu notre peur», a encore dit Svetlana Tikhanovskaïa, qui avait dénoncé ces derniers jours des «fraudes éhontées» orchestrées par le pouvoir.

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La journée de vote a été marquée par une atmosphère tendue et des queues géantes aux bureaux de vote, qualifiées par la Commission électorale de «sabotage» de la présidentielle et de «provocation» organisée par l'opposition. Svetlana Tikhanovskaïa avait aussi recommandé à ses partisans de porter des bracelets blancs et de prendre en photo leur bulletin pour permettre un comptage indépendant.

Le nombre d'observateurs a été réduit au minimum et les observateurs internationaux indépendants n'ont pas pu venir. La participation s'est établie à 84,5%, selon les chiffres officiels.

Pas de scrutin jugé libre depuis 1995

Le pouvoir avait tout fait pour enrayer l'essor de Svetlana Tikhanovskaïa, après une campagne historique organisée avec deux autres femmes, Véronika Tsepkalo, compagne d'un opposant exilé, et Maria Kolesnikova, directrice de campagne d'un ex-banquier emprisonné alors qu'il souhaitait se présenter.

La cheffe de son QG de campagne, Maria Moroz, avait été arrêtée tout comme neuf autres collaborateurs et Maria Kolesnikova brièvement interpellée. Dimanche, Véronika Tsepkalo a préféré partir en Russie. Avant l'émergence de Svetlana Tikhanovskaïa, les principaux rivaux d'Alexandre Loukachenko avaient été écartés: deux sont incarcérés, un troisième est en exil. Les trois autres candidats autorisés n'ont pas mobilisé.

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Sa montée en puissance s'est faite sur fond de difficultés économiques croissantes, aggravées par des tensions avec la Russie, accusée de chercher à vassaliser la Biélorussie, et de la réponse controversée d'Alexandre Loukachenko à l'épidémie de nouveau coronavirus, qu'il a qualifiée de «psychose». La Biélorussie n'a pas organisé de scrutin jugé libre depuis 1995. À plusieurs reprises, les manifestations y ont été matées sans ménagement.