En Italie, un gouvernement instable pour affronter la nouvelle vague de la pandémie
Italie
En absence d’une majorité absolue au Sénat, l’exécutif de Giuseppe Conte est devenu minoritaire. Le premier ministre n’a pas réussi à trouver assez de soutiens après la crise ouverte par son ancien allié Matteo Renzi

Le gouvernement n’est pas tombé. Le parlement a accordé mardi sa confiance au premier ministre Giuseppe Conte. Il a obtenu la majorité absolue à la Chambre des députés avec 321 voix, mais ne dispose désormais que d’une majorité relative au Sénat, avec 156 votes en sa faveur. Au terme de plus de douze heures de débats, l’ancien président du Conseil Matteo Renzi a préféré s’abstenir. Avec les 18 sénateurs de son parti, Italia Viva, l’instigateur de cette crise politique tient désormais en otage un gouvernement devenu minoritaire après l’avoir soutenu un an et demi durant.
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L’opposition a tout de suite réclamé la démission du chef du gouvernement. Les leaders de la droite Matteo Salvini et Giorgia Meloni ont promis de se rendre mercredi auprès du président de la République pour dénoncer un exécutif incapable de gouverner. Le même jour, le premier ministre devrait aussi rendre compte de la situation à Sergio Mattarella, qui ne manquera pas de lui faire part, selon Il Corriere della sera, de ses «angoisses et ses inquiétudes» et de souligner «la faiblesse structurelle» avec laquelle le gouvernement est sorti de l’épreuve du vote des chambres.
Une survie de courte durée?
La survie de l’équipe de Giuseppe Conte risque ainsi de n’être que de courte durée. Dès ce mercredi, un nouvel écart des objectifs budgétaires est soumis à l’attention des parlementaires afin de financer de nouvelles mesures pour répondre à la crise engendrée par la pandémie. Mais contrairement à la confiance obtenue, Giuseppe Conte aura besoin dans ce cas de la majorité absolue qu’il a perdue depuis la défection des élus d’Italia Viva. Faute de voix en suffisance, sa politique est désormais suspendue au bon vouloir de Matteo Renzi.
La recherche de soutiens pour atteindre la barre fatidique de 161 sénateurs se poursuit donc. «Conte se sauve, mais ainsi il ne gouverne pas», prévient en Une mercredi La Stampa, quand Il Corriere della Sera ne lui prédit que deux semaines de vie.
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Une cirse incompréhensible
Le président du Conseil ne comprend pas la crise dont il est la première victime. «Je le confesse, je ne vois aucun fondement plausible», a-t-il lancé devant les parlementaires, lundi et mardi. D’autant plus, comme il l’a rappelé, durant une pandémie, durant la présidence italienne du G20 et alors que Rome s’apprête à organiser avec le Royaume-Uni la COP26. «Nous ne pouvons pas nous faire trouver non préparés ou distraits», a-t-il encore prévenu. Face à toutes ces responsabilités, l’appel de «l’avocat du peuple» devant les deux chambres n’a pourtant pas convaincu assez d’élus en dehors de sa majorité. Seuls des sénateurs du groupe mixte et deux élus de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, lui ont apporté leur soutien. Ce qui leur a coûté l’exclusion du parti.
La fin de la législature en 2023 est l’objectif que s’est fixé malgré tout le premier ministre. Il a ainsi appelé «à l’aide», en vain jusqu’à présent, «les meilleures traditions européistes», des libéraux aux socialistes, en excluant de tout jeu politique les nationalistes et les souverainistes. Mais il s’est bien gardé de rappeler qu’il a gouverné avec ces derniers pendant un an, en 2018, lorsqu’il était à la tête d’une coalition formée par le Mouvement 5 étoiles, première force du pays auto-proclamée antisystème, et par le parti d’extrême-droite, la Ligue, de Matteo Salvini. Il s’est bien gardé de rappeler aussi qu’au sein de son deuxième gouvernement, formé en 2019, dans lequel le Parti démocrate a remplacé la Lega, il doit encore modérer des positions eurosceptiques. Il est ainsi accusé de «transformisme».
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Une nouvelle instabilité
Sa promesse d’une réforme électorale vers un système proportionnel n’a pas suffit à séduire les plus petits partis. Mais, proposant un changement risquant de fragiliser encore un système déjà instable, il a plutôt démontré son manque de vision à long terme dans l’espoir de sauver dans l’immédiat son exécutif. La presse transalpine craint au lendemain du vote que cette nouvelle instabilité ne mine la crédibilité de l’Italie sur le plan international et européen, alors qu’elle débat encore du recovery plan, le plan de relance promu par Bruxelles.
Le «manque de vision et de rêve» de Giuseppe Conte a poussé Matteo Renzi à ouvrir une crise dans l’espoir de voir naître «un gouvernement plus fort». Le rottamatore, littéralement celui qui envoie à la casse, avait annoncé la démission de deux ministres membres de son parti. Mais depuis, il n’a jamais exclu de soutenir un nouvel exécutif mené par le même avocat. À condition qu’il démissionne d’abord. Si des élections anticipées semblent pour l’heure exclues, il ne se contentera pas du «pacte de fin de législature» proposé par son rival encore au pouvoir.