Créée en 2005 à Prague, l’Institut Valeurs européennes se présente comme un centre de recherche (think tank) indépendant pro-européen et atlantiste. Il concentre ses recherches sur l’Europe de l’Est et conseille le ministère tchèque de l’Intérieur pour la création d’un «Centre de lutte contre la menace hybride».

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Sur les 25 chercheurs affiliés à l’institut, dix travaillent sur les stratégies d’influence de la Russie. Ils produisent une revue électronique, «Kremlin Watch», dont le responsable est Jakub Janda. Sur son profil Twitter, il affiche une photo en compagnie du sénateur américain John Mc Cain.

Le Temps: A quoi sert «Kremlin Watch»?

Jakub Janda: Nous faisons de la surveillance et de l’analyse des techniques de désinformation produite par le Kremlin. Il y a des dizaines d’exemples de désinformation disséminés chaque semaine dans le grand public. On développe des contre-mesures afin de limiter leur impact. Nous faisons du lobbying, conseillons des gouvernements, l’UE et des ONG. Nous finalisons un projet avec le gouvernement tchèque sur l’influence des puissances étrangères dans notre pays, principalement la Russie et la Chine.

– Comment la Russie essaie-t-elle d’influencer le débat?

– Il faut distinguer deux choses. Sur le plan international, on observe un piratage informatique permanent du Kremlin. La plupart des experts s’accordent à dire qu’il y a un lien direct entre les attaques informatiques – comme aux Etats-Unis ou en Allemagne – avec le pouvoir russe et ses proxys même s’il est difficile de fournir des preuves. D’un autre côté, on voit la Russie utiliser des acteurs locaux pour servir ses intérêts: ce sont les minorités russes, des «gongos», ces fausses ONG créées par des gouvernements, la religion ou encore des mouvements politiques d’extrême droite. Tout cela produit un écosystème russifié. On le voit à l’œuvre en République tchèque.

– Avez-vous des exemples concrets?

– Chez nous, le président Milos Zeman a été élu à la présidence grâce à un appui financier russe, c’est public. Il se montre de plus en plus critique de la politique européenne et plaide pour un rapprochement avec Moscou ainsi que pour la levée des sanctions. Les sites internet influencés par la propagande russe touchent de plus en plus de gens, surtout les jeunes et les vieux. De manière plus classique, la Russie utilise la diplomatie énergétique pour influencer les pouvoirs, comme on le voit déjà en Hongrie ou en Serbie.

– Quelle sera la prochaine cible?

– Angela Merkel. C’est la dernière opposante, celle qui milite pour le maintien des sanctions européennes. On peut s’attendre à ce que ses services informatiques ainsi que ceux de ses collaborateurs soient piratés dans la perspective des prochaines élections allemandes. La Russie va chercher à aider l’AfD (Alternativ für Deutschland), un mouvement qui se développe en opposition à la politique de la chancelière, notamment sur la question de l’immigration. En France, Russia Today va inaugurer une chaîne de télévision en russe durant la campagne présidentielle. Il n’y aura par contre pas d’interférence directe dans le processus électoral. C’est inutile. Que ce soit Marine Le Pen ou François Fillon qui l’emporte, Moscou est de toute façon gagnant.