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Jean-Michel Blanquer bannit les portables des écoles

Le ministre de l’Education nationale a fait adopter par les députés son projet de loi sur l’interdiction des portables pendant les cours à la prochaine rentrée scolaire 2018

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale. — © ALAIN JOCARD / AFP PHOTO
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale. — © ALAIN JOCARD / AFP PHOTO

Professeur et fier de l’être: pas question, pour Jean-Michel Blanquer, de se comporter autrement qu’en vétéran des salles de classe et de l’éducation nationale, dont il fut l’un des plus hauts fonctionnaires avant d’en devenir le ministre, en juin 2018. «Quand je parle de l’impératif de lecture pour les élèves, ou quand je défends l’interdiction du portable pendant les cours comme je l’ai fait la semaine dernière à l’Assemblée nationale, je me comporte en prof et je l’assume. Sans enseignants, sans discipline, il n’y a plus d’école et plus de réussite», explique-t-il, fier d’avoir obtenu jeudi 7 juin le vote par les députés, en première lecture, de son projet de loi sur «l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les écoles et collèges».

En mai, Jean-Michel Blanquer, 54 ans, avait accepté de partager son bilan de la première année du quinquennat Macron avec quelques journalistes, à l’occasion de la parution de son livre Construisons ensemble l’école de la confiance (Ed. Odile Jacob). Rendez-vous avait été pris à 8 heures du matin, à la Maison de l’Amérique latine, lieu bien connu par cet universitaire spécialiste de la Colombie et du monde hispanique. Le texte sur l’interdiction des portables venait d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Promesse de campagne

Démagogie? Surenchère législative pour répondre à une question de société compliquée, d’autant qu’en France le code de l’éducation interdit déjà ces derniers «durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur»? «Emmanuel Macron avait promis cette interdiction durant sa campagne présidentielle. Et la loi a plus de force qu’un code dont l’application est restée aléatoire», s’était alors défendu le ministre, qui fut un temps directeur général de l’enseignement scolaire.

Le texte voté jeudi en première lecture sera soumis au Sénat, avant de revenir à l’Assemblée d’ici à l’été. L’interdiction devrait entrer en vigueur à la prochaine rentrée de septembre, alors qu’au niveau européen les législations restent souvent flexibles, prises entre la volonté de faciliter l’accès au numérique et les débordements constatés (triche aux examens, pornographie, harcèlement…). En Suisse, la responsabilité incombe à chaque établissement.

Application difficile

S’y ajoutent, en France, les questions pratiques: comment obliger les élèves à se séparer de leurs portables? L’installation de casiers sécurisés est envisagée. Possible de les rendre obligatoires? «La loi est aussi faite pour obliger les parents à agir, et pour donner aux enseignants un moyen supplémentaire d’intervention. Peut-elle être appliquée de la même façon partout et avec la même rigueur? Je sais que ce sera difficile. Les enseignants pourront aussi y recourir s’ils le souhaitent dans le cadre de leurs cours», admet le ministre qui, dans son ouvrage, défend entre autres le retour des internats appelés selon lui «à jouer un rôle social et sociétal majeur en prise avec les réalités du XXIe siècle».

Assiste-t-on en France, où l’école républicaine est toujours mise en avant par les politiques, à un virage disciplinaire, cinquante ans après le séisme libertaire de mai 1968? La ville de Provins, au sud de Paris, vient ainsi de défrayer la chronique avec l’organisation par la mairie d’une consultation populaire sur le retour du port de l’uniforme dans tous les collèges municipaux. Plus généralement, le gouvernement Macron a entrepris de réhabiliter la sélection scolaire et universitaire, provoquant des levées de boucliers et des occupations de facultés.

Large soutien

Révolution? «On veut surtout garder ce qui marche et abandonner ce qui ne fonctionne pas. Or l’école sans sélection, sans une offre diverse proposée aux élèves, y compris l’apprentissage, ça ne marche pas. Cela n’a jamais marché», rétorque Jean-Michel Blanquer. La réforme du baccalauréat, en 2017, avait réussi à passer sans trop d’encombres. Récompense: 62% des Français, selon un sondage du Figaro en février, disaient approuver l’action de ce ministre clef de la Macronie. Avec en plus un atout pour le successeur de la jeune ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem (2014-2017), souvent enlisée dans le politiquement correct: celui d’apparaître, via ces réformes, comme un ministre professionnel, compétent et attentif à l’égalité sociale face à l’accusation de «président des riches» portée contre Emmanuel Macron. Un profil qui pourrait, selon les médias français, le qualifier demain pour d’autres fonctions, comme celle de premier ministre pour la seconde partie du quinquennat.