La justice française vise 2021 pour le nouveau procès d'UBS
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AbonnéLa banque suisse devait comparaître en appel à partir du 2 juin aux côtés de sa filiale française. Le Covid-19 a entraîné le report du procès, sans doute au début de 2021

Le nouveau procès français d’UBS pour évasion fiscale ne sera pas rythmé, à Paris, par la Fête de la musique. La banque suisse, sa filiale française et cinq de leurs anciens cadres devaient comparaître du 2 au 29 juin devant la Cour d’appel de Paris. Le rendez-vous musical de l’année, le 21 juin, tombait donc pile au milieu des débats. Sauf que l’épidémie de Covid-19 est passée par là. Tout le calendrier de la Cour d’appel, sise dans l’ancien Palais de justice de Paris, a été reporté sine die.
L’éventualité d’un procès à la fin de 2020 reste envisagée, mais apparaît très peu probable: «Le début de l’année 2021 est une option sérieuse. L’embouteillage des procès dans les prochains mois rend toute prévision très compliquée», a confirmé au Temps le magistrat chargé de la communication pour l’institution.
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Une amende record
A l’issue de son procès en première instance qui s’est tenu à Paris en octobre 2018, UBS AG avait été reconnue coupable de démarchage illicite de clients sur le sol français et de blanchiment de fraude fiscale. Elle avait été condamnée, le 20 février 2019, à une amende record de 3,7 milliards d’euros, la plus lourde peine en matière d’évasion fiscale jamais infligée par la justice française. L’Etat français, partie civile, avait obtenu 800 millions d’euros de dommages et intérêts.
Pour la banque suisse, qui avait interjeté appel dès l’annonce du jugement, l’heure reste à l’attente de la notification par la justice française. Seul changement annoncé de son côté, la modification de l’équipe de défense d’UBS AG, qui sera désormais menée par Me Hervé Temime, connu en France pour ses clients à forte notoriété comme Bernard Tapie, dont il a obtenu la relaxe en juillet 2019 à l’issue de son procès pour «escroquerie» dans l’affaire de l’arbitrage controversé entre l’homme d’affaires et le Crédit Lyonnais, son ex-banque. Me Temime travaillera de concert avec Me Denis Chemla, qui assurait la défense de l’établissement en première instance aux côtés de Me Jean Veil.
Le premier procès d’UBS, en plus de l’amende record pour UBS AG, s’était aussi soldé par la condamnation de sa filiale UBS France à une amende de 15 millions d’euros. Cinq des ex-cadres des deux banques sur six avaient écopé de peines de 6 à 18 mois de prison avec sursis, assorties d’amendes de 50 000 à 300 000 euros. Le seul accusé relaxé avait été l’ancien numéro trois d’UBS Raoul Weil, déjà relaxé aux Etats-Unis en 2014.
Une procédure risquée
Le procès en appel est risqué pour la banque suisse, qui pourrait voir sa peine aggravée. Mais il est jugé indispensable par celle-ci, dont les avocats ont dénoncé en février 2019 un jugement inacceptable. La banque avait fustigé une condamnation «étayée par aucune preuve concrète». Cette décision «revient à appliquer le droit français en Suisse», portant atteinte à la «souveraineté» helvète alors que «la banque a réfuté de manière constante toute infraction dans ce dossier, avaient affirmé ses avocats, Me Chemla et Me Veil. La présidente du tribunal avait pour sa part tapé fort, parlant de fautes «d’une exceptionnelle gravité» qui «trouvent leur source dans une organisation structurée, systémique et ancienne».
L’annonce du report possible en 2021 du second procès d'UBS intervient alors que, comme l’a annoncé Le Temps le 13 mai, les données bancaires des clients ou ex-clients d’UBS qui avaient été saisies en Allemagne en 2013 seront transmises d’ici à trente jours à la France. Une décision également contestée par la banque en raison du fait que la France ne s'est pas engagée, comme elle devait le faire conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral du 26 juillet 2019, à respecter le «principe de spécialité» pour l'utilisation de ces données : «UBS a pris note de la notification de l’Administration fédérale des contributions. En mars 2020, la banque avait déjà déposé un recours devant le Tribunal administratif fédéral […] Ce recours est toujours pendant. La récente décision doit être considérée dans le même contexte. La banque prendra les mesures appropriées pour protéger ses propres droits et intérêts et pour s’assurer qu’aucune donnée ne sera fournie aux autorités fiscales françaises tant que des assurances suffisantes n’auront pas été reçues de la part des autorités françaises»
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