L’aéroport d’Amsterdam est plongé dans le chaos
Voyages
Aux Pays-Bas, Amsterdam-Schiphol risque de perdre son statut de hub et sa place en tant que troisième aéroport d'Europe, en termes de passagers. En cause: la mauvaise gestion du personnel et la réduction du trafic aérien par le gouvernement

A l’extérieur de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, jeudi 14 juillet, une file d’attente d’environ deux heures défile sous les yeux ébahis des derniers arrivants. Des bouteilles d’eau et des stroopwafel – petites gaufres au caramel néerlandaises – sont distribuées pour atténuer la colère des voyageurs. A l’étage inférieur, devant la sortie des trains, sous une petite tente rouge marquée du logo FNV, Joost van Doesburg, 37 ans, s’agite. Il distribue des boissons sucrées au personnel, l’air las. «Depuis le mois de mai, rien n’a changé», soupire le chef de campagne du syndicat FNV pour l’aéroport. «Les voyageurs ont tous l’air inquiet, et à juste titre, ajoute-t-il. Ces jours-ci, personne ne sait qui va pouvoir partir en vacances.»
La compétition en cause
Depuis le début du mois de mai, l’aéroport d’Amsterdam, troisième aéroport d’Europe en nombre de passagers derrière Londres-Heathrow et Paris-Charles de Gaulle, sombre dans le chaos. Tout commence par un manque de personnel à la sécurité. Puis 16 000 valises viennent à manquer à l’arrivée, les vols s’annulent en grand nombre (environ 20 par jour pour KLM au mois de juillet et des centaines cet été au total), et les retards deviennent quotidiens à la suite des longues heures d’attente pour passer la sécurité. L’aéroport, élu sept fois meilleur aéroport du monde entre 1980 et 2003, avec un total de 120 prix, déchante. Et devient le mouton noir de l’Europe pour l’été 2022. «Voyager en passant par Schiphol est devenu synonyme de stress et de colère», s’exclame Joost van Doesburg.
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A l’origine du problème, le ras-le-bol des employés de l’aéroport d’Amsterdam, tombés dans les griffes d’un système chaotique. «Cela fait treize ans que je travaille ici, et treize ans que j’entends que nos conditions vont changer, mais il ne se passe rien», raconte sous le couvert de l’anonymat une employée d’une des huit entreprises chargées de la sécurité à Schiphol. Si le désordre règne, le syndicat FNV blâme le groupe Royal Schiphol, propriétaire de l’aéroport. Royal Schiphol est une société privée avec quatre actionnaires: l’Etat néerlandais (69,8%), la ville d’Amsterdam (20%), la ville de Rotterdam (2,2%) et le groupe ADP (8%).
Pour la FNV, la volonté «de concurrencer le marché de l’aviation européen pour devenir un hub et créer l’offre aérienne la moins chère du continent a bénéficié du bon fonctionnement de Schiphol». Le kérosène et les matériaux de construction sont aussi chers qu’ailleurs, c’est donc grâce à la compétition entre entreprises, «que Schiphol a beaucoup économisé» selon Joost, et qu’aujourd’hui «c’est une catastrophe».
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Interviewé à ce sujet, le groupe Royal Schiphol se défend: «La principale raison des temps d’attente actuels à l’aéroport est liée à une pénurie de personnel à l’aéroport», et non aux «salaires au minimum horaire avec des conditions difficiles», comme le pense le chef de campagne du FNV. «Un accord social a également été conclu entre Schiphol et les syndicats, y compris une prime d’été», ajoute le porte-parole de Royal Schiphol, Stefan Donker. Il s’agit de «50% de hausse des salaires» précise Joost van Doesburg. Mais l’agent de sécurité déclare, assis sur un banc, la cigarette au bord des lèvres: «Ce bonus est très aléatoire. Je ne le touche pas, contrairement à mon collègue qui fait le même travail pour une autre entreprise. C’est injuste.»
Des conséquences «dramatiques» pour KLM
Ce n’est pas le seul phénomène qui sème la zizanie à Schiphol. Le 4 juillet 2022, le gouvernement néerlandais annonce vouloir réduire ses vols de 500 000 par an à 440 000, soit une baisse de 12%, alors que le plan initial visait les 540 000 vols. La réduction devrait commencer en novembre 2023. Le troisième aéroport d’Europe se veut donc plus «écolo» car cette réduction «entraîne une baisse des émissions d’azote» selon le cabinet ministériel. Schiphol pourrait perdre sa fonction de hub alors qu’il était considéré comme le premier en termes de connectivité aérienne d’Europe, selon le Conseil international des aéroports en 2022.
La décision est prise au grand dam de KLM, principale compagnie aérienne néerlandaise: «La décision du gouvernement néerlandais de réduire les opérations à Schiphol aura des conséquences dramatiques pour KLM et pour l’accessibilité aux Pays-Bas, et n’apportera pas les avantages souhaités pour notre climat et notre qualité de vie», affirme la compagnie. Mais pour Joost van Doesburg, cette nouvelle signifie moins d’avions dans le ciel et une surcharge de travail moindre: «Les employés pourraient enfin souffler.»