L’Allemagne va reconnaître un troisième sexe
L’Allemagne est sur le point de devenir le premier pays d’Europe à reconnaître l’existence d’un troisième sexe. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a donné au parlement jusqu’à fin 2018 pour adopter une loi reconnaissant l’existence d’un troisième genre, qui ne serait ni masculin ni féminin

Depuis 2014, Vanja lutte pour obtenir une modification de son acte de naissance. Lors de son enregistrement en 1989, l’état civil de Gehrden, près de Hanovre, avait coché la mention «sexe féminin», à côté du nom de Vanja. Mais selon une analyse chromosomique, Vanja n’est «ni homme ni femme». Depuis, la jeune personne se bat d’instance en instance, soutenue par l’association Troisième Voie, pour obtenir la mention «inter» ou «divers» sur son acte de naissance. Mercredi, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, la plus haute juridiction allemande, a donné raison à Vanja, obligeant le parlement à adopter d’ici à décembre 2018 un texte de loi reconnaissant l’existence d’un troisième sexe.
L’Allemagne sera ainsi le premier pays européen à reconnaître l’existence d’un troisième genre. La législation allemande autorisait depuis 2014 les personnes intersexuées à laisser vierge la case «homme» ou «femme» sur les registres de l’état civil. «C’était une bonne chose pour les personnes qui ne se sentent appartenir à aucun genre, estime l’association de soutien aux intersexués. Mais la mention vide ne convient pas aux personnes intersexuées.» Vanja et ses soutiens ont donc continué à se battre pour obtenir une «mention positive» sur les documents d’identité des intersexués.
«Une décision historique»
«Nous sommes stupéfaits et sans voix», a réagi l’association Troisième Voie sur Twitter. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations a elle aussi salué une «décision historique», tandis que l’Institut allemand des droits de l’homme a exigé d’aller plus loin avec «une loi sur la diversité sexuelle».
Le gouvernement des chrétiens et des sociaux-démocrates au pouvoir jusqu’aux élections de septembre dernier n’avait pu se mettre d’accord sur la reconnaissance du troisième genre. La ministre de la Famille, Manuela Schwesig, SPD, était favorable à l’adoption d’un texte, tandis que son collègue de l’Intérieur, Thomas de Maizière, CDU, y était opposé.
Entre 0,05% et 1,7% de la population mondiale serait intersexuée
Selon des estimations du Conseil d’éthique, 80 000 personnes en Allemagne sont «intersexuées». La médecine recense une douzaine de syndromes en rapport avec l’intersexualité ou un trouble de la différenciation sexuelle. Les caractéristiques en sont parfois visibles dès la naissance mais peuvent également apparaître au moment de la puberté. Certaines personnes peuvent aussi avoir les chromosomes de l’un ou des deux genres, sans que cela soit physiquement manifeste. Entre 0,05% et 1,7% de la population mondiale serait intersexuée selon les Nations unies. Mais seuls quelques pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, l’Inde et le Népal ont reconnu un troisième genre.
Opérations chirurgicales proscrites avant 18 ans
Aux Etats-Unis, la ville de New York a délivré en 2016 un premier certificat de naissance portant la mention «intersexe». En Argentine, les personnes majeures peuvent depuis 2012 faire modifier la mention de leur sexe à l’état civil, sans avoir à apporter de preuves médicales ou psychologiques pour soutenir leur choix. Elles doivent toutefois choisir entre les mentions «homme» ou «femme».
La Suisse interdit toute démarche irréversible sur les nourrissons nés intersexués. Les opérations chirurgicales pour réparer ou créer des organes génitaux sont proscrites avant 18 ans. Un sexe est inscrit à l’acte de naissance mais reste légalement modifiable. La France a été condamnée à trois reprises en 2016 par l’ONU pour des opérations faites sur des enfants afin de leur attribuer un sexe masculin ou féminin.