«Je n’ai pas vu Poutine», se désole Valentina Markova, retraitée après avoir travaillé toute sa vie comme comptable dans une entreprise d’armement. «On nous annonçait sa venue depuis quelques semaines et j’espérais qu’il s’adresserait à nous, explique cette fervente partisane du président. J’ai toujours voté pour lui et je voterai pour loi le 18 mars. C’est grâce à Poutine que le pays ne s’est pas effondré. Il a beaucoup fait pour nous, bien qu’il soit mal entouré. J’aurais voulu qu’il sache comment nous vivons réellement, mais il a disparu aussi vite qu’il est venu.»
Le dispositif de sécurité du président russe est à ce point drastique que l’agenda précis de sa visite reste inconnu du public. Il existe toutefois des signes trahissant sa présence. Le GPS cesse complètement de fonctionner. Quel que soit l’endroit où vous êtes, votre smartphone vous indique que vous vous trouvez au centre de la piste d’atterrissage de l’aéroport, à 30 km de là. «Cela fait deux heures que je ne reçois plus une seule commande», grogne un chauffeur travaillant avec un équivalent local d’Uber. Les services de sécurité ont pris l’habitude d’utiliser des dispositifs militaires électroniques, apparemment pour prévenir toute attaque de drone.
Volgograd est aussi restée comme à l’époque soviétique la capitale du patriotisme, à cause de la bataille de Stalingrad
Vitali Arkov, un politologue basé à Volgograd
«Cette visite de Poutine, ce n’est pas une vraie campagne de candidat, c’est pensé pour les écrans de télévision», critique Alexeï Volkov, responsable local de la campagne – avortée – de l’opposant Alexeï Navalny. «Il a fait dépenser des millions d’euros pour sa gloire personnelle à une région surendettée, mais il se moque des habitants», dit-il, en référence à un coûteux défilé de blindés survolés par des avions de chasse. «Quand Navalny est venu ici le 10 novembre, il a répondu directement aux questions des gens, dans la rue», appuie Volkov. Les habitants de Volgograd ont des raisons de se sentir floués: c’est la plus pauvre des 13 villes russes de plus d’un million d’habitants. Le salaire moyen de cette ville grisâtre ponctuée de monuments massifs d’un style soviétique très daté n’est que de 12 000 roubles (200 francs).
Un public acquis
Le show patriotique trouve un public acquis d’avance, d’autant que le 2 février est férié dans toute la région. «C’était un super show aérien», s’émerveille Anna Smirnova, venue d’une ville voisine avec son fils de 12 ans. «Jamais nous n’avions eu de show aérien à Volgograd, même lors du 70e anniversaire de Stalingrad. C’est grâce à Poutine», assure cette femme de ménage, qui avoue gagner 8000 roubles par mois (130 francs). Pendant que son fils grimpe sur le métal glissant des tanks d’une base militaire voisine, elle énumère les raisons pour lesquelles elle votera Poutine.
«Poutine a toujours bénéficié à Volgograd d’un soutien parmi les plus élevés du pays lors des scrutins présidentiels, note Vitali Arkov, un politologue basé à Volgograd. Cela s’explique en grande partie par une composante sociologique: il existe ici une dominante d’employés de l’industrie de défense, de fonctionnaires, de militaires. Volgograd est aussi restée comme à l’époque soviétique la capitale du patriotisme, à cause de la bataille de Stalingrad.»
Néanmoins, les autorités locales ont décidé d’organiser simultanément avec le scrutin présidentiel un référendum pour changer ou non de fuseau horaire, une question qui préoccupe beaucoup les habitants de la région. «C’est un thème très actuel. Cela permettra de mobiliser et de faire monter la participation aux élections présidentielles, estime Vitali Arkov. Même si la victoire de Poutine ici est assurée, le gouverneur veut une participation maximale, conformément aux ordres de Moscou.»