L’extrême droite secoue l'Allemagne
Allemagne
La tension ne retombe pas après le meurtre d’un Allemand par deux réfugiés selon les premiers éléments de l’enquête. Après deux nuits de débordements et de ratonnade à Chemnitz, l'extrême droite s'est mobilisée mardi à Dresde

Ils sont peu nombreux, une centaine tout au plus, à s’être réunis à partir de 15h au pied du parlement régional de Dresde en cette radieuse journée de fin d’été. Là même où le parti d’extrême droite AfD (Alternative pour l’Allemagne) «doit arriver au pouvoir l’an prochain, à l’issue des prochaines élections régionales», selon les vœux de Roland.
Les Syriens, eux, ne font rien! Ils ne travaillent pas, ils traînent dehors la nuit jusqu’à 3h, 4h, 5h! Et ils en profitent pour voler ou pour violer nos femmes
Ce comptable de 54 ans, cheveux plaqués, t-shirt blanc et lunettes de soleil sur le nez, est présent à toutes les manifestations de l’AfD depuis deux ans et demi, «excédé par tous les avantages dont bénéficient les réfugiés, quand nous n’avons rien. Un Allemand qui a travaillé toute sa vie doit se contenter de 400 euros par mois pour vivre. C’est ce que eux reçoivent comme argent de poche», assure-t-il.
«Prenez une famille de Syriens: le père, la mère et deux enfants, continue Roland. Lui touche 400 euros par mois, elle aussi, les enfants 200 euros chacun, plus un logement gratuit, chauffage, cuisine intégrée, et assurances compris. C’est de la folie, de la folie!» Lorsqu’on lui fait remarquer que les Allemands dans le besoin bénéficient des mêmes avantages du système social, Roland s’énerve: «Les Syriens, eux, ne font rien! Ils ne travaillent pas, ils traînent dehors la nuit jusqu’à 3h, 4h, 5h! Et ils en profitent pour voler ou pour violer nos femmes!»
Lire aussi: L'extrême droite allemande dans la rue après une «chasse» aux étrangers
«Presse mensongère»
Devant le parlement régional, Roland est rejoint par une vieille connaissance, Heiko Müller, 52 ans, lui aussi membre de l’AfD. Il était la veille à Chemnitz. «Je sais donc de quoi je parle. La presse a parlé de saluts nazis dans la manifestation de Chemnitz. Ce sont des mensonges. Comme par hasard, partout où la chaîne de télévision ZDF se déplace, on retrouve le même provocateur qui fait le salut hitlérien…»
Que la victime – un Allemand d’origine cubaine de 35 ans, dont le compte Facebook assurait qu’il aimait «la musique anti-nazis» – ait appartenu à la scène de gauche l’intéresse peu. Il écarte l’argument de la main, rappelant «la longue liste des victimes allemandes des étrangers de Merkel». Et d’enchaîner sur «cette presse mensongère» qui «diabolise l’extrême droite et encourage Merkel à ramener toujours plus de réfugiés dans le pays»! S’il a accepté de nous parler, c’est parce qu’il «aime la Suisse, un pays qui pratique la démocratie directe et respecte la liberté de parole».
Paris-Chemnitz-Berlin. Ce ne sont pas que les terroristes qui tuent. C’est VOTRE tolérance sans fin!
Matthias, 62 ans, souligne l’importance de s’engager auprès de l’AfD et de Pegida (Les Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident): «Bien sûr, je pourrais rester chez moi, sans me poser de questions. Mais c’est mon devoir que de me soucier de l’avenir de l’Allemagne! Si ça continue comme ça, on sera bientôt minoritaires dans notre propre pays!»
Quelques activistes du mouvement anti-islam Pegida, qui mobilise tous les lundis soir à Dresde depuis 2014 «contre l’islamisation rampante de la société», viennent de déployer une longue banderole: «Paris-Chemnitz-Berlin. Ce ne sont pas que les terroristes qui tuent. C’est VOTRE tolérance sans fin!» La police surveille la scène à distance. Sur l’Elbe, le fleuve qui s’étire paisiblement face à la coulisse saisissante qu’offre la ville reconstruite après la Seconde Guerre mondiale, patrouille un bateau des services de sécurité.
Lire également: En Allemagne, le succès croissant des concerts néonazis
«L’Internationale» à l’autre extrémité de la place
A l’autre bout de la place, l’Université de Dresde a mobilisé quantité d’étudiants et d’activistes de gauche. L’ambiance est plutôt bon enfant, contrairement à ce qui s’est passé à Chemnitz au cours des derniers jours. Ni jets de bouteilles en direction de la police et de l’extrême droite ni jets d’engins pyrotechniques. Les activistes de gauche entonnent à plusieurs reprises «L’Internationale», provocant de la part des militants d’extrême droite, de l’autre côté de la place, l’énumération d’une longue liste des victimes du communisme en Chine, au Vietnam ou dans le bloc de l’Est.
A la même heure à Berlin, la classe politique semble enfin se saisir du dossier de l’extrême droite. Angela Merkel, qui avait fait condamner les ratonnades de samedi par son porte-parole, prend cette fois personnellement la parole pour dénoncer «des actes odieux».
«La haine dans la rue n’a pas sa place en Allemagne a-t-elle mis en garde alors que l’inquiétude grandit dans le pays. Nous avons vu des chasses collectives […] et cela n’a rien à voir avec un Etat de droit.» Le ministre de l’Intérieur, en conflit avec Angela Merkel sur la question des réfugiés et resté étrangement silencieux depuis samedi, a lui aussi pris la parole mardi, pour «proposer l’aide de la police fédérale» à la police de Saxe visiblement débordée. A Dresde, la ville où le mouvement anti-islam continue de mobiliser tous les lundis soir depuis 2014, le regroupement d’extrême droite s’est cette fois déroulé dans le calme.