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Londres et Bruxelles avancent d’un pas vers le divorce

Les dirigeants des 27 Etats membres de l’UE ont donné hier leur feu vert au lancement des pourparlers sur leur future relation avec le Royaume-Uni

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne aux côtés de Donald Tusk, président du Conseil européen, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, en Belgique, le 15 décembre. — © Dursun Aydemir/Anadolu Agency/Getty Images
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne aux côtés de Donald Tusk, président du Conseil européen, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, en Belgique, le 15 décembre. — © Dursun Aydemir/Anadolu Agency/Getty Images

Le geste était attendu. Mais pour l’Union européenne (UE) comme pour Londres, il a été bien plus qu’une simple formalité. En reconnaissant hier que Londres avait à ce jour effectué des progrès suffisants dans les domaines clefs de la séparation tels les droits des citoyens, la facture de sortie et la question irlandaise, les Vingt-Sept ont accepté de lancer les discussions sur leurs futures relations avec Londres, quand le Royaume-Uni aura quitté l’UE, en théorie le 29 mars 2019 à minuit, heure de Bruxelles. Et ils se sont rapprochés un peu plus concrètement de leur séparation. «Un pas important», a commenté Theresa May.

Cette nouvelle phase de pourparlers commencera dès janvier et devra régler deux choses. La question de la période de transition qui interviendra après mars 2019 - demandée par Londres qui l’envisage sur une durée de deux ans, elle permettra au Royaume-Uni et notamment à ses entreprises et citoyens de se préparer au nouveau statut de pays tiers. Puis, la question des liens commerciaux et globaux, comme les liens de défense et de sécurité face au terrorisme, qui uniront les deux parties après la transition.

Une phase «plus difficile»

De cette seconde phase de négociations, certains disent déjà qu’elle sera plus «difficile» que la première. C’est en tout cas l’avis de Donald Tusk, le président du Conseil européen qui a prédit jeudi qu’elle serait le «vrai test» de l’unité des Vingt-Sept.

La première phase n’a pourtant pas été de tout repos et ce feu vert intervenu hier n’était pas «gagné d’avance», a commenté le président français Emmanuel Macron. Elle a en effet été émaillée de tensions et de petites phrases peu diplomatiques entre les négociateurs. Michel Barnier, côté UE, a douté de la sincérité des Britanniques. Londres, pour sa part, a pris son temps avant de répondre aux demandes européennes et n’a concédé que début décembre des promesses financières, ainsi que l’engagement de préserver l’accord irlandais du Vendredi-Saint et l’homogénéité économique entre le Sud et le Nord de l’île.

Lignes rouges communes

Durant cette première phase, les Vingt-Sept ont pu tenir un front uni, soudés par des lignes rouges communes: le statut de leurs ressortissants présents au Royaume-Uni, l’argent du budget européen ainsi que les exigences de Dublin dont la situation spécifique a très vite été jugée prioritaire. Et maintenant?

Les Européens vont encore imposer leurs conditions à Londres pour la période de transition, qui sera limitée dans le temps. Et Londres devra accepter toutes les lois européennes, respecter la compétence de la Cour de justice, payer le budget européen, cela sans aucun pouvoir décisionnel. Londres pourra entamer ses pourparlers commerciaux avec des pays tiers mais rien ne devrait pouvoir être signé formellement pendant cette période.

Secteurs stratégiques

Mais les fissures dans l’unité des Vingt-Sept ne sont pas à exclure lorsque commenceront les négociations sur le futur accord commercial UE-Royaume-Uni. Londres ne veut pas rester dans le marché unique européen ni dans l’Union douanière et se voit bien avec un accord de type canadien, un CETA «plus, plus, plus» comme l’a décrit le secrétaire d’Etat à la sortie de l’Union européenne David Davis, sans donner davantage de détails. Une chose est certaine: ces négociations commerciales toucheront à des secteurs d’intérêt stratégique pour certains, dans l’énergie, la santé, la recherche et le développement par exemple, tandis que d’autres ont des intérêts économiques secondaires avec le Royaume-Uni. Les pays les plus connectés économiquement à Londres pourraient ainsi donner un tempo différent aux négociations.

Le calendrier officiel du divorce leur laisse en tout cas peu de temps: c’est en octobre 2018 que les deux parties devront avoir réglé toutes ces questions. Un calendrier «réaliste mais extrêmement difficile», a prévenu Donald Tusk. Il faudra ensuite que le Parlement européen et le parlement britannique valident cet accord final. Puis ce n’est que quand le Royaume-Uni sera un véritable pays tiers que pourra être finalisé l’accord commercial avec l’UE. Un accord qu’il faudra peut-être faire ratifier par chaque Etat membre. Même dans le meilleur des scénarios, Londres et l’UE ne seront donc visiblement pas encore au bout de leurs peines le 29 mars 2019 à minuit.