L'Union européenne dénonce un «climat d'intimidation» dans les élections russes
Russie
Le parti du Kremlin s'orientait dimanche soir vers une victoire aux législatives, un scrutin qui s'est déroulé après l'exclusion de presque toute opposition. Le «vote intelligent» prôné par les partisans d'Alexeï Navalny pourrait afficher quelques succès

L'Union européenne a dénoncé lundi un «climat d'intimidation» avant les élections législatives en Russie, remportées par le parti au pouvoir Russie unie, et le manque d'observateurs internationaux lors de ce scrutin (lire ci-dessous).
«Ce qu'on a vu à l'approche de ces élections, c'est une atmosphère d'intimidation contre toutes les voix critiques indépendantes», a déclaré Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, lors d'un point de presse, déplorant aussi que ces élections se soient déroulées «sans observation internationale crédible».
De son côté, le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert a affirmé ce lundi matin qu'«il y a des accusations d'observateurs électoraux, de membres russes de l'opposition qui parlent d'irrégularités massives et celles-ci doivent être prises au sérieux». Il a lui aussi regretté qu'il n'y ait pas eu d'«observation électorale» internationale de ce scrutin.
Dimanche soir, le parti Russie Unie de Vladimir Poutine s'orientait vers une majorité claire au parlement. Les législatives ont été marquées par la répression et l'exclusion de presque toute opposition anti-Kremlin.
La formation au pouvoir récoltait 46,11% des voix, selon des résultats portant sur la moitié des bureaux de vote. «Je vous félicite tous pour cette victoire propre et honnête», a lancé face à des partisans l'un des dirigeants du parti, Andreï Tourtchak.
Le parti du Kremlin devance les communistes du KPRF (les communistes, à 21,40%) et semble pouvoir conserver sa majorité des deux tiers à la Douma, la chambre basse du parlement. Ces scores témoignent néanmoins d'une baisse par rapport à 2016, lorsque Russie Unie avait obtenu 54,2% des voix et les communistes 13,3%. La participation était de 45,15% à 18h.
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La moitié des 450 sièges de députés sont attribués à la proportionnelle. Les autres le sont au scrutin majoritaire et Russie Unie était en tête dans 193 de ces circonscriptions, selon la Commission électorale.
La guérilla du «vote intelligent»
Compte-tenu du résultat préliminaire des communistes, les partisans de l'opposant emprisonné Alexeï Navalny, revendiquaient eux le succès de leur stratégie du «vote intelligent», consistant à appeler à voter pour les candidats les mieux placés pour gêner ceux de Russie Unie, faute d'avoir pu participer aux élections. Par le passé, cette approche avait rencontré un certain succès, notamment à Moscou en 2019.
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Selon l’une de ses représentants, le résultat des communistes, s’il se confirme, est donc un succès. «L’objectif du vote intelligent était de casser le monopole de Russie Unie, et c’est ce qui se passe», a espéré Lioubov Sobol sur la chaîne YouTube Navalny Live.
Plus de 4500 irrégularités rapportées
Observateurs indépendants et opposants ont fait état de fraudes importantes tout au long du scrutin, organisé en partie en ligne. D’après une liste de l’ONG spécialisée Golos, ce sont plus de 4500 possibles irrégularités qui ont été rapportées, dont des bourrages d’urnes.
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La présidente de la Commission électorale, Ella Pamfilova a rejeté ces affirmations, jugeant que «les infractions étaient bien moindres» que par le passé, car le système électoral russe est devenu «tellement transparent».
Google et Apple sous pression
Pour contrer le «vote intelligent» prôné par Alexeï Navalny et les siens, les autorités russes avaient fait pression ces dernières semaines sur les géants de l’internet, obtenant vendredi qu’ils suppriment de leur boutique l’application mobile dédiée. Selon des sources interrogées par l’AFP, Google et Apple ont obéi par crainte d’arrestations de leurs employés en Russie.
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La messagerie Telegram, très populaire en Russie, a aussi supprimé ces consignes de vote sur sa plateforme.
Russie Unie en perte de vitesse
Russie Unie, même victorieuse, est cependant loin d’avoir gagné le coeur des Russes, comme en témoigne sa cote de confiance à moins de 30%, selon le centre de sondage étatique VTsIOM.
Le parti est miné par les affaires de corruption, souvent révélées d’ailleurs par le mouvement d’Alexeï Navalny. En outre les Russes ont vu leur niveau de vie s’effriter ces dernières années, une réalité qui s’est accélérée avec la pandémie.
Cette image très écornée ne menace cependant pas Vladimir Poutine qui reste populaire. «Nous croyons tout simplement en lui», résume Anna Kartachova, une Moscovite de 50 ans, employée d’une entreprise pharmaceutique.