L’Union européenne face au défi de la relance
Finances
La Commission présente ce mercredi un plan de relance et un projet de budget. Objectif: répondre aux attentes des pays les plus touchés par la pandémie tout en convainquant les autres des vertus de la solidarité

Faire preuve d’audace tout en permettant un compromis à 27. Pour Ursula von der Leyen, qui présentera ce mercredi un plan de relance de l’économie européenne après la pandémie, le plus dur commence. Elle devra cocher plusieurs cases à la fois: mettre le curseur au bon endroit entre la récente proposition de relance franco-allemande de 500 milliards d’euros, qui jette les bases d’une dette commune, et le refus que lui ont opposé les «frugaux» (Autriche, Pays-Bas, Suède, Danemark). Et ce, tout en assurant sa crédibilité aux yeux de l’Italie et de l’Espagne, particulièrement touchées et désireuses de la voir plus décisive qu’au début de la crise.
Pour tout simplifier, Ursula von der Leyen devra y parvenir sans oublier le respect de ses propres priorités, soit celles qui lui ont valu son élection en juillet dernier: la transformation «verte» de l’économie européenne et la fermeté sur l’Etat de droit. Tout cela rapidement pour que l’argent de la relance arrive déjà cette année…
Cet exercice sera d’autant plus délicat que la Commission présentera parallèlement à ce plan son nouveau projet de budget européen pour les années 2021-2027. Un projet sur lequel les 27 avaient buté en février, faute de s’entendre sur une augmentation même marginale.
Il s’agira dès lors de jongler avec ces deux outils et d’arrêter la formule susceptible de répondre au maximum d’attentes. Car c’est ce budget européen qui alimentera la relance post-Covid-19, au moyen de fonds «spécial Covid-19» que la Commission ira emprunter sur les marchés financiers: une «première», a confirmé mardi le commissaire à l’Economie, Paolo Gentiloni.
L’heure des arbitrages
Peu d’informations ont filtré mardi sur les intentions de la présidente, le montant du Fonds de relance et ses bénéficiaires précis. Tout au plus a-t-on appris que la Commission vise une relance à hauteur d’au moins 1000 milliards d’euros, comme l’a confié le Letton Valdis Dombrovskis, et qu’elle entend aider les Vingt-Sept à faire redémarrer leur économie en la verdissant si possible, à stimuler l’investissement privé ainsi que les industries stratégiques et à répondre aux lacunes flagrantes révélées par la crise, comme dans le domaine de la santé.
Paris et Berlin sont à peu près les seuls Etats membres à avoir évoqué des chiffres. Ils ont proposé une relance à 500 milliards d’euros à ajouter aux 540 milliards d’euros de prêts déjà actés par les ministres des Finances. La Commission aura donc à arrêter ce montant. Elle devra aussi fixer la juste part entre transferts budgétaires vers les pays les plus touchés – des «subventions» qui seraient ensuite remboursées à 27 indépendamment de la somme perçue – et prêts plus classiques comme défendus par les «frugaux».
Selon certaines fuites orchestrées par Martin Selmayr, le chef de cabinet de l’ancien président de la Commission Jean-Claude Juncker, aujourd’hui à Vienne, la Commission aurait même déjà tranché en faveur d’un plan de 500 milliards basé très largement sur les «subventions». La Commission demanderait aussi à augmenter ses ressources propres via de nouvelles taxes (sur le plastique, le numérique, le CO2), ce qui pourrait aider à rembourser intégralement cette relance sans trop solliciter les Vingt-Sept.
La Commission adopterait ce schéma à l’encontre des «frugaux», qui ne veulent pas entendre parler de dette commune et souhaitent que les bénéficiaires remboursent ce qui leur a été donné, avec quelques réformes structurelles au passage.
Les «frugaux» isolés?
Il ne serait pas surprenant que ce scénario se confirme, commente Eric Maurice, de la Fondation Robert Schuman à Bruxelles. Avec «l’impulsion de Berlin et le rôle qu’on lui connaît dans la prise de décision en Europe», il sera difficile pour la Commission de ne pas saisir ce bond.
En matière de budget cependant, il faut l’unanimité. Et la Commission devra se montrer convaincante sur le montant du budget européen (environ 1000 milliards sur 2014-2020). En février, avant la crise, le Néerlandais Mark Rutte s’était illustré par un non ferme à toute augmentation.
La Commission ira-t-elle plus loin mercredi ou en restera-t-elle à la proposition déjà sur la table? Son calendrier idéal serait que les 27, qui se réuniront le 18 juin, lui apportent un premier feu vert politique et adoptent ses propositions d’ici à la fin de l’année, après la phase de ratification nationale. D’ici là, l’outil de relance devra si possible déjà être opérationnel.