L’Union européenne (UE) devra-t-elle sacrifier les exigences de certains de ses membres pour réussir enfin sa réforme du système d’asile? Ou optera-elle encore pour un statu quo qui a eu pour effet ces derniers mois de propulser les forces populistes anti-immigration au pouvoir, comme en Italie? Les dirigeants européens sont au pied du mur à quelques semaines d’un sommet crucial le 29 juin, où ils sont censés trouver un consensus.

L’équation semble être encore plus difficile avec les nouvelles forces politiques en présence. A Rome, le nouveau président du Conseil, Giuseppe Conte, a été très ferme mardi en plaidant pour une «relocalisation obligatoire et automatique des demandeurs d’asile», soit un partage du «fardeau» migratoire entre les pays dès qu’une personne en demande de protection arrive dans l’UE.

Réforme de Dublin «morte»

A Luxembourg, mardi, les ministres chargés de ces questions étaient réunis au même moment pour en parler. Retenu à Rome, le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, avait pris le soin de passer le message que la direction actuelle de la réforme n’est pas une base valable. Mais ses homologues ont fait la sourde oreille. Selon le Belge Theo Francken, la réforme de Dublin est tout simplement «morte», a-t-il abruptement résumé.

Du côté français, on concédait mardi qu’il faudra probablement faire des «adaptations», d’après les termes employés par la ministre Jacqueline Gourault. En clair, permettre à certains pays, ceux de Visegrad (Europe centrale) pour ne pas les nommer, d’adapter les mesures qu’ils aiment le moins, comme justement être obligés d’accueillir des migrants supplémentaires.

Pendant huit ans

La présidence bulgare de l’UE tente depuis six mois de trouver la formule magique. Elle a proposé de faire peser sur tous une obligation d’accueil en cas de crise tout en permettant à certains de ne prendre qu’une partie du «quota» qui leur serait alloué. La France et la Belgique étaient prêtes mardi à accepter cette base de travail. Le gouvernement allemand, menacé par l’extrême droite, ne rejette pas non plus entièrement cette piste, mais considère les travaux encore très imparfaits.

Les pays du Sud, notamment l’Italie, rejettent les nouvelles obligations créées en contrepartie. Ils devraient en effet faire davantage de contrôles, identifier beaucoup plus vite les personnes qui ne peuvent avoir l’asile, reprendre plus rapidement les «dublinés». Au final, ils seraient responsables d’un demandeur pendant huit ans, et même dix ans comme le veut Berlin. Beaucoup trop long, disent-ils.

«Concilier l’inconciliable»

Sera-t-il possible de «concilier l’inconciliable», comme le décrivait hier une source de la Commission? «Les chances sont maigres d’y arriver», tranchait une source nationale.

Pour le gouvernement autrichien, qui sera aux manettes européennes dès juillet, il serait même temps de jeter aux orties ces relocalisations obligatoires qui n’en finissent plus de diviser. Un point pour Visegrad. Et de mettre le focus sur le durcissement des contrôles aux frontières extérieures. Un point pour Salvini. Mais Vienne s’oppose aussi à toute hausse du budget européen, ouvrant un nouveau casse-tête pour financer ce tour de vis.