FRANCE
La présidente du Front National espère, ce dimanche, consolider son avance dans les sondages avec son meeting de Lyon. Tandis qu'Emmanuel Macron a, lui, réuni plus de dix mille personnes samedi dans la ville

Florian Philippot l'a finalement admis ce dimanche devant les journalistes: «Emmanuel Macron ferait un excellent adversaire». Le vice-président du Front National doit bien se rendre à l'évidence. Face à face ce week-end à Lyon, l'ancien ministre de l'économie et Marine Le Pen se retrouvent désormais dans une situation de quasi-duel présidentiel, illustrée par leurs deux meetings dans la capitale des Gaules, à 24 heures d'intervalle.
A Emmanuel Macron l'avantage, avec près de dix mille supporters venus l'entendre samedi au Palais des sports de Gerland. A la candidate d'extrême-droite la pôle-position dans les sondages, avec 27% d'intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle française, le 23 avril prochain. Le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, lui aussi en meeting à Lyon ce dimanche, ne parait pour l'heure pas en position de jouer les perturbateurs. Tandis que François Fillon est empêtré dans l'affaire du «Penelopegate» et que le socialiste Benoit Hamon, investi ce dimanche à Paris, commence juste à se lancer dans la course. Assiste-t-on à Lyon au coup d'envoi de la future finale présidentielle? Les explications du Temps.
■ Marine Le Pen est-elle en pôle position présidentielle ?
La présidente du Front National, dont le discours conclut ce dimanche les «Assises présidentielles» du parti d'extrême-droite, est clairement en tête dans les sondages. Avec 27% d'intentions de vote au premier tour, la candidate qui promet de «Remettre la France en ordre» comme le dit son slogan, réédite le score record de son parti aux élections régionales de décembre 2015. Mieux: le climat politique actuel, empoisonné par l'affaire des rémunérations perçues par l'épouse de François Fillon, alimente un vent de colère populaire susceptible de lui profiter. En parallèle, l'affaire des faux assistants parlementaires du FN rémunérés par le parlement européen - dont le parti refuse de rembourser les salaires - n'effraie pas son électorat, de toute façon europhobe.
A Lyon, Marine Le Pen se retrouve donc en pôle-position, avec l'avantage d'une campagne bien rodée, qui la conduira d'ici le 19 avril prochain dans dix villes de France, avec un meeting final à Marseille. Tout est possible sur le papier, et l'élection de Donald Trump aux Etats Unis, tout comme le Brexit britannique, sont selon ses supporters des indicateurs trés favorables des changements possibles dans l'opinion française. Problème néanmoins, constaté encore à Lyon ce week-end: les 144 propositions présidentielles du FN demeurent ambigües sur la question cruciale de l'euro. La volonté de «retrouver la souveraineté monétaire» signifie-t-elle qu'une fois élue présidente, Marine le Pen quittera la monnaie unique? Elle promet un référendum sur le «Frexit» si ses demandes ne sont pas exaucées à Bruxelles. Mais une majorité de Français veulent-ils d'un tel vote, dans la situation de convulsions géopolitiques actuelle? Selon toutes les enquêtes d'opinion, la présidente du FN continue pour l'heure d'être perdante au second tour face tous les autres candidats en lice.
■ Le duel Macron-Le Pen a-t-il été lancé à Lyon ce week-end ?
Emmanuel Macron a pris l'habitude de voler la vedette à ses adversaires. Il a déclaré sa candidature présidentielle avant la primaire de la droite. Il a occupé l'écran plusieurs fois durant la primaire de la gauche. Il a tenu samedi un meeting à Lyon avant celui de Marine Le Pen. Or cette stratégie de «coucou» présidentiel s'avère payante. Samedi, au palais des sports de Gerland à Lyon, plus de dix mille personnes s'étaient déplacées, souvent pour voir le phénomène Macron dans la ville dont le maire, le socialiste Gérard Collomb, est l'un de ses plus fervents soutiens depuis le tout début. Une affluence due aussi à l'originalité de la candidature Macron: un homme neuf (même si cet énarque de 39 ans est totalement issu du système), un homme qui refuse la logique des partis et du clivage droite-gauche, un homme branché sur une société où l'individu et le numérique occuperont demain une place toujours plus importante.
Le résultat dans les sondages est éloquent: avec entre 20 et 22% d'intentions de vote, Emmanuel Macron est désormais devant le candidat de la droite François Fillon, relégué au rang de troisième homme après avoir été ultra-favori suite à sa victoire lors de la primaire de novembre 2016 face à Alain Juppé. Son mouvement «En Marche !» affiche plus de 170 000 membres (qui ne cotisent pas, mais adhèrent via internet). Le duel lyonnais avec Marine le Pen correspond par conséquent à une réalité, et il est probable que la présidente du FN n'aura pas plus de partisans à son propre meeting au centre des congrès de Lyon.
■ Emmanuel Macron pourra-t-il imposer des idées floues?
Attention toutefois: les propositions d'Emmanuel Macron restent plus que floues, comme l'a montré son long - et parfois soporifique - discours lyonnais dont la principale proposition à retenir était, samedi, la volonté d'attirer en France les chercheurs scientifiques étrangers poussés hors des Etats Unis par Donald Trump. La «fatigue Macron» peut s'installer si la droite française retrouve sa vigueur, et si le candidat socialiste Benoit Hamon, lui aussi très branché nouvelle société, crée la surprise. L'ancien ministre français de l'économie a promis de préciser ses propositions d'ici la fin février, et de rendre public son cadrage budgétaire en mars. Il mise sur l'Europe, qu'il a fait applaudir samedi à Lyon.
Macron-Le Pen ou le duel des deux France: l'une résolue au repli national, l'autre pro européenne et mondialisée: c'est une réalité qui, pour l'heure, devient la principale bataille de cette campagne imprévisible.
■ François Fillon enlisé, Benoit Hamon en outsider, Jean-Luc Mélenchon inquiet: quid des autres candidats ?
François Fillon peut-il tenir? Depuis dix jours, tout le monde en France se pose cette question, à commencer par les élus et dirigeants de la droite hexagonale qui croient de moins en moins aux chances de leur champion, désormais distancé pour le premier tour avec 18% des intentions de vote contre les 20-22% d'Emmanuel Macron.
On connait les raisons: l'affaire dite du «Penelopegate» sur laquelle la justice a ouvert une enquête préliminaire pour démontrer si, oui ou non, il y a matière à transmettre à un juge d'instruction le dossier des possibles emplois fictifs de Penelope Fillon et de deux des enfants du couple. François Fillon a lui même demandé aux députés de droite de patienter deux semaines. Son équipe de campagne a fait imprimer plus d'un million de tracts «Stop à la chasse à l'homme» pour dénoncer la machination politique dont l'ancien premier ministre se dit victime. Sans grand succès si l'on en croit les réactions filmées par les médias ce week-end.
Alors? Il y a en France, toujours un important électorat désireux d'une vraie alternance à droite, comme l'a prouvé le succès de la primaire avec plus de quatre millions d'électeurs. Mais la posture morale de Fillon est entamée et son camp conservateur craint aujourd'hui de tout perdre. Qui pour le remplacer? Son rival battu Alain Juppé? Le président du Sénat Gérard Larcher? L'ancien ministre de l'économie François Baroin? Le président de la région Nord Xavier Bertrand? Le seul fait que ces noms circulent montrent que l'animal Fillon est grièvement blessé. Or le temps presse pour repartir à l'assaut de l'Elysée...
La donne à gauche est différente. Le vainqueur de la primaire socialiste Benoît Hamon, investi ce dimanche à Paris par un PS divisé mais résolu à éviter l'implosion, a le vent en poupe dans un registre similaire à celui d'Emmanuel Macron: un projet centré sur l'avenir, qui ne veut pas diviser les français, et qui met, lui, la redistribution au centre de ses propositions (à l'inverse du social-libéralisme de Macron). A Lyon encore, un autre duel se joue donc à distance ce dimanche: celui qui oppose Benoît Hamon le nouveau venu à Jean-Luc Mélenchon, le colérique candidat de la gauche radicale. Ce dernier, toujours résolu à défier Marine Le Pen, s'exprimera à la même heure que la présidente du FN au centre de conventions Eurexpo dans la capitale des gaules. Un hologramme le dédoublera à Paris. Deux Mélenchon pour le prix d'un? Pas sur que cela suffise pour endiguer l'attraction Hamon, en particulier auprès de l'électorat jeune séduit par la proposition de revenu universel défendu par le candidat socialiste.