La majorité parlementaire de Boris Johnson réduite à un seul siège
Royaume-uni
En perdant une élection législative partielle une semaine après son arrivée au pouvoir, le nouveau premier ministre n’a pas bénéficié du moindre état de grâce

Le roi est nu. Neuf jours exactement après son arrivée à la tête du Royaume-Uni, Boris Johnson voit sa majorité parlementaire réduite à son strict minimum – une voix – tandis que la livre sterling est proche de son plus bas historique. Le nouveau premier ministre a principalement hérité de cette situation et sa première semaine au pouvoir a été solide et sans gaffe. Mais sa position n’en est pas moins extrêmement précaire.
Jeudi, le Parti conservateur a perdu une élection législative partielle à Brecon et Radnorshire, au Pays de Galles, la victoire revenant aux libéraux-démocrates. Les tories ont désormais 310 députés, auxquels il faut ajouter les dix sièges du Parti unioniste démocratique (DUP) d’Irlande du Nord, avec lequel ils ont un accord de soutien. En face, les différentes factions de l’opposition additionnent 319 voix. Cette défaite des conservateurs augmente la probabilité d’avoir des élections anticipées cet automne.
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Pas d'état de grâce
Le nouveau premier ministre britannique ne semble pas bénéficier de l’état de grâce. Les sondages indiquent bien un rebond de trois à dix points pour les conservateurs depuis qu’il a pris le pouvoir, à environ 30% des voix, mais cela s’est avéré insuffisant dans cette circonscription rurale au cœur du Pays de Galles, où la plus grande ville compte 10 000 habitants. Avec 43,5% des voix, Jane Dodds, une travailleuse sociale qui est leader des libéraux-démocrates au Pays de Galles, a devancé le candidat conservateur sortant, Christopher Davis (39%). Le Parti du Brexit obtient 10% des voix. Les travaillistes s’effondrent en quatrième position, à 5%.
Le scrutin s’est très largement joué sur la tactique électorale autour du Brexit. Les Verts et le parti indépendantiste gallois Plaid Cymru, fortement opposés au Brexit, avaient accepté de ne pas présenter de candidat. Une partie des électeurs travaillistes semble aussi avoir voté tactiquement, choisissant la candidate pro-européenne. «Si le premier ministre veut organiser des élections législatives, il doit savoir que Plaid Cymru et les autres partis (anti-Brexit) s’engagent à coopérer afin de battre le Brexit une fois pour toutes», ajoutait après le scrutin Adam Price, le leader du parti indépendantiste gallois. Inversement, le Parti du Brexit de Nigel Farage, qui s’est présenté, a coûté de précieuses voix aux conservateurs.
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La bataille politique se déroule désormais autour du scénario d’une sortie de l’Union européenne sans accord. «Il doit exclure le «no deal», a demandé Jane Dodds dans son discours de victoire. Il n’en est évidemment pas question pour Boris Johnson. Le premier ministre britannique en a fait sa principale arme dans ses négociations avec Bruxelles, menaçant de ce scénario extrême si les Européens ne se montraient pas coopératifs. Il vient de débloquer un budget de 2,1 milliards de livres (2,5 milliards de francs) supplémentaires pour accélérer les préparatifs pour une sortie sans accord. Des douaniers supplémentaires vont être embauchés, les infrastructures des ports vont être améliorées, des mesures supplémentaires pour éviter les embouteillages autour du tunnel sous la Manche, près de Douvres, vont être prises.
La crainte du chaos
Ces annonces font chuter la monnaie britannique, les marchés craignant une sortie chaotique de l’UE. La livre sterling est au plus bas de son histoire face au franc (à 1,19), en recul de 10% sur trois mois, depuis que Boris Johnson est devenu le favori pour le poste de premier ministre. Face à l’euro et au dollar, elle s’approche aussi de ses minimums historiques. Les marchés vont sans doute devoir s’accrocher à leurs sièges pour les mois à venir. Le résultat de l’élection partielle illustre l’extrême fragilité parlementaire de Boris Johnson, qui sait que la rentrée parlementaire sera particulièrement difficile. Il suffit qu’une poignée de ses propres députés conservateurs s’allient à l’opposition le temps d’un vote pour le faire tomber.
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Cette arithmétique électorale explique probablement son attitude actuelle. Dans tous les cas, il sait qu’il aura du mal à faire passer un compromis sur le Brexit. Il préfère donc refuser de rencontrer les leaders européens, et poser des exigences qu’il sait inacceptables par Bruxelles. Il pourrait ainsi, dans un deuxième temps, se retourner vers le parlement pour lui demander l’autorisation de mener à bien le «no deal». En cas de refus – probable –, il aurait l’excuse nécessaire à la convocation d’élections législatives anticipées.
Le pari est risqué, comme le montre cette élection partielle. Mais le Parti travailliste est aussi dans une très mauvaise passe, tournant autour de 25% dans les sondages. Les louvoiements sur le Brexit de son leader, Jeremy Corbyn, lui ont fait perdre une large partie de sa popularité. Boris Johnson pourrait donc tenter de s’imposer dans un paysage politique éclaté entre quatre partis: conservateurs, Parti du Brexit, libéraux-démocrates et travaillistes. Le coup de dés est loin d’être gagné d’avance, mais la situation actuelle paraît difficilement tenable.