Il n’est pas courant que le premier ministre d’un des plus importants Etats européens prenne si longuement la plume sur Facebook pour participer si solennellement à un débat – une conversation pour reprendre les termes des réseaux sociaux.

C’est ce qui est arrivé hier en France avec Manuel Valls. Lequel s’est fendu d’une intervention de 581 mots, 3697 signes pour préciser sa pensée dans LE débat qui déchire aujourd’hui, tétanise et stupéfie le peuple de gauche: celui sur la déchéance nationale prévue dans le projet de nouvelle constitution pour les binationaux, français par filiation ou droit du sol. Et le moins que l’on puisse dire est que Manuel Valls n’a pas peur de son ombre dans ce débat: «Je ne peux laisser tout dire sur la déchéance de nationalité: revenons aux faits! Le débat public et libre témoigne de la force de notre démocratie. Face à la lâcheté terroriste, nos réponses doivent être sereines et fortes. Elles le sont.»

Au front sur le terrain numérique

Sans lâcher un pouce de terrain, le premier ministre poursuit: «Comment peut-on dire que priver de la nationalité française des terroristes condamnés serait une idée d’extrême-droite? D’abord, parce que c’est strictement faux: ce principe existe dans de nombreux pays démocratiques proches de la France: en Grande-Bretagne, au Canada, en Suisse, aux Pays-Bas et d’autres encore, sans doute. Le même débat existe en Belgique. Ensuite, parce qu’affirmer cela permet au Front national et aux cercles identitaires de renforcer leur propagande.»

Puis il met les points sur les «i»: «Priver de la nationalité française ceux qui tuent aveuglément d’autres Français au nom d’une idéologie de terreur est un acte symbolique fort qui sanctionne ceux qui se sont eux-mêmes exclus de la communauté nationale. Rien de moins, rien de plus […] Même si elle ne concernera heureusement qu’un nombre limité de personnes, la déchéance symbolisera l’exclusion définitive du pacte national de ceux qui ont commis des crimes terroristes, dans le respect des principes du droit international auxquels nous sommes attachés, qui interdisent de créer des situations d’apatridie.»

Facebook contre Twitter

1232 partages à l’heure où nous écrivons, 2822 likes et un fil de plus d’un millier de commentaires: une conversation, pour reprendre les termes des réseaux sociaux est réellement née. Une conversation qui attise surtout la perplexité du peuple de gauche, car, s’il fallait s’en tenir au peuple tout court, un sondage récemment mené nous renseigne: selon BFMTV, en date du 19 novembre de cette année, «94% des Français soutiennent la proposition de déchoir de la nationalité française les personnes condamnées pour terrorisme. A condition qu’elle dispose d’une autre nationalité. 78% des sondés se disent même «tout à fait favorables» à cette disposition.»

On s’en doute, le soutien sans faille de Manuel Valls à cette mesure en projet a donc fait abondamment causer à gauche. Mais c’est surtout via le canal de Twitter que les ténors du peuple de gauche y sont allés, préférant sans doute les tirs de snipers en 140 signes que l’argumentation développée en 3697 signes. Ainsi, le placide Jean-Marc Ayrault: «Si la France est en péril de paix, alors ne la divisons pas davantage».

Martine Aubry, elle, déclare, telle la statue du commandeur: «Je défends des valeurs républicaines et de gauche: c’est le propre de la politique et j’en suis fière!»

Benoît Hamon, lui, poste en image la page qu’il a accordé au dernier Journal du Dimanche: «Les raisons de mon refus d’inscrire dans la constitution une mesure inefficace de lutte contre le terrorisme.»

Tandis que Jean-Luc Mélenchon ne décolère pas: «La France est à cran!»

Et que Cécile Duflot tire en rafales depuis des jours:«Les valeurs sont ce qui structure une civilisation. Les considérer comme subalternes en y préférant tactique et cynisme c'est les abjurer.»

Il en est une pourtant que l’on n’a pas entendue depuis sur le sujet, coutumière pourtant de Twitter et adeptes des réactions primesautières, c’est Christiane Taubira… Il est vrai qu'elle appartient au gouvernement qui proposera cette réforme.