Pas de surprise: Marine Le Pen sera bien candidate à la présidentielle d’avril-mai 2022, sans doute face à Emmanuel Macron. La dirigeante du Rassemblement national, 52 ans, a profité de ses vœux à la presse, jeudi au QG de son parti à Nanterre (rue des Suisses), pour confirmer ses intentions et défier en duel électoral le chef de l’Etat sortant, qui l’avait battue sèchement le 7 mai 2017, par 65,9% des voix contre 34,1%.

L’annonce, en soi, était attendue. Sur la forme et sur le fond, en revanche, ces vœux 2020 ont de nouveau démontré que beaucoup de choses ont changé en bientôt trois ans. Plus de crispation ambiante au siège du RN face aux journalistes avec lesquels l’ex-candidate, aujourd’hui députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, plaisante volontiers, y compris sur son débat télévisé présidentiel raté, «the débat», comme elle s’en amuse, verre de Coca Zéro à la main. «Une politique, ça s’incarne. Je serai l’incarnation des nationaux résolus à prendre leur revanche sur les mondialistes», prédit-elle. Le sourire n’est pas feint. L’échange avec la presse est cordial. Le temps de la «diabolisation» du Front national semble bien loin…

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Le moment choisi

Le moment, en pleine crise des retraites et à deux mois des élections municipales des 15 et 22 mars, est fort bien choisi. Car sur les deux sujets, l’héritière du clan Le Pen joue sur du velours. Côté réforme des retraites, sa position est simple à vendre à tous ceux que la réforme insupporte ou que les six semaines de grèves ont épuisés: le retrait pur et simple du projet Macron qui sera présenté au Conseil des ministres le 24 janvier et débattu au parlement à partir de février.

«J’abrogerai cette réforme à laquelle je suis opposée. Notre système est très bien, il s’agit d’un des grands succès de notre modèle social. Son déficit ponctuel est gérable. Nous n’avons aucune raison d’en changer.» Côté scrutin municipal, son jeu comporte aussi de bons atouts. Les dix municipalités conquises par le Front national en mars 2014 apparaissent bien tenues, et leurs maires bien placés pour être réélus: «Dans cette France qui s’enfonce dans un climat de grande violence, nous sommes de plus en plus perçus comme un repère. Je le redis à tous ceux qui sont lassés de l’ancienne droite et de l’ancienne gauche: nos portes sont ouvertes pour ces municipales, puis pour les départementales et les régionales qui suivront.»

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Clivage

A l’opposé des arguments économiques, rationnels et complexes d’Emmanuel Macron, la dirigeante d'extrême-droite ramène tout à une seule équation: le clivage «mondialistes-nationaux», avec les «citoyens» en ligne de mire. En Occitanie, dans le sud-est de la France, 30 ou 34 communes sont jugées «gagnables» par le RN dont Perpignan, où s’active son ex-compagnon Louis Aliot. Une partie de la droite locale y est ouvertement tentée par une alliance catégoriquement refusée, à Paris, par Les Républicains (LR).

Les exemples Donald Trump et Boris Johnson, maintenant que le Brexit est consommé et que l’économie américaine affiche de belles performances, ont été disséqués. «LR n’est plus perçu comme un parti d’opposition, assène l’ex-candidate. C’est nous qui sommes l’opposition. Nous travaillons à faire émerger une nouvelle élite […], à transformer de simples citoyens en acteurs politiques. Nous disons aux Français «c’est possible» alors que tous les autres ne cessent de leur dire «ce n’est pas possible.»

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Marine Le Pen sait qu’un échec au prochain scrutin local, après sa courte victoire aux européennes de mai 2019 face au parti majoritaire La République en marche (23,3% des voix contre 22,4%), compliquerait sa candidature à l’Elysée. Mais elle fait le pari inverse, convaincue que la «gravité des tensions sociales» et «l’amateurisme du gouvernement» lui profitent.

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Mode d'emploi

Le mode d’emploi est donné: écouter, sillonner les territoires («et pas seulement les villes où l’on peut gagner»), marteler sa détestation de l’UE mais son pragmatisme sur l’euro et plaider pour que l’actuel projet de réforme des retraites soit soumis à référendum. Un populisme épuré, où le discours anti-migrants et anti-élites est évidemment en embuscade: «Macron est un type du court terme. Il veut que ça tombe tout de suite. C’est un spéculateur politique.» Marine Le Pen en candidate qui rassure face à un président qu’elle accuse de fracturer le pays: le script 2022 du RN est déjà écrit.