Un nom qui n’a pas non plus rappelé que des bons souvenirs. Nick Clegg, le leader des Lib Dems, avait ainsi déclaré que Michel Barnier «n’est pas un ami» de la City et qu’il serait un interlocuteur difficile. Quant aux tabloïds, ils se retrouvaient de nouveau face à l’ancien commissaire de José Manuel Barroso aux Services financiers, qu’ils considéraient au plus fort de la crise financière comme «l’homme le plus dangereux d’Europe».
Cible des tabloïds et de l’élite française
Hostile aux intérêts britanniques et dangereux, Michel Barnier? Pas seulement. Les tabloïds se faisaient aussi un plaisir de rappeler le surnom peu flatteur dont l’élite française l’affublerait en privé: le «crétin des Alpes». Surnom que lui valent ses origines montagnardes, Michel Barnier étant né en 1951 à La Tronche en Isère près de Grenoble et ayant tenu notamment des mandats en Savoie. Un «crétin des Alpes» qui, de surcroît, n’a pas fait l’Ecole nationale française d’administration (l’ENA), ce qui lui aurait valu d’être moins bien considéré par la classe politique française.
Le CV de Michel Barnier raconte pourtant une tout autre histoire et, en juillet 2016, c’est un «responsable politique expérimenté» que choisit Jean-Claude Juncker, qu’il avait d’ailleurs affronté lors de la course pour la Commission européenne. Un «grand ami» également. «Michel est un négociateur chevronné, qui a acquis une expérience variée dans les grands domaines d’action qui intéressent les négociations», avait alors dit de lui le chef de la Commission.
Virage ultralibéral sous José Manuel Barroso
Né en 1951, ce Gaulliste de cœur, membre de la famille de droite Les Républicains, a accumulé les mandats locaux, nationaux et européens. Député de Savoie entre 1978 et 1993, il est ministre de l’Environnement entre 1993 et 1995 puis ministre aux Affaires européennes entre 1995 et 1997. En 1999, il devient commissaire européen à la Politique régionale sous Romano Prodi et travaille sur la Convention européenne sur l’avenir de l’Union.
En 2004, il est ministre des Affaires européennes pendant un an puis, entre 2007 et 2009, ministre de l’Agriculture et de la pêche. Député européen entre 2009 et 2010, il fait son grand retour à Bruxelles à la faveur de la crise financière où il est chargé en 2010 du Marché intérieur et des Services financiers.
Une période qui marquera un virage à 360 degrés dans la Commission ultralibérale de José Manuel Barroso et qui le verra multiplier les initiatives de régulation du secteur bancaire européen. Pourfendeur du capitalisme anglo-saxon, comme l’ont accusé les médias britanniques, le Français s’est toujours défendu de vouloir imposer une ligne dure, se décrivant plutôt comme «entre les deux» et s’étant toujours montré soucieux de trouver «le compromis», avait-il expliqué au Financial Times.
Il parlera aussi anglais
Aujourd’hui chargé des négociations avec Londres, il réfute l’idée que l’UE imposerait son diktat. Il écarte toute idée de punition en ce qui concerne le règlement financier dont Londres devra s’acquitter, souhaitant simplement «solder les comptes» et faire respecter les engagements pris par Londres auprès de ses partenaires. Comme preuve de bonne volonté, il mènera aussi ces pourparlers en anglais, pas uniquement en français.
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Alors que son homologue David Davis passe pour un europhobe patenté, imprévisible pour certains, Michel Barnier affiche un profil beaucoup plus apaisé, le Français n’étant pas adepte des esclandres ou des phrases chocs.
La montagne, école d’endurance
Ceux qui le connaissent louent son pragmatisme, sa pugnacité mais aussi son calme et sa capacité d’écoute, Michel Barnier étant par exemple «souvent allé à la rencontre des élus», dit une source du Parlement européen. Tout récemment, il était encore à Lyon pour une conférence sur les conséquences du Brexit auprès d’acteurs économiques de la région.
Une région Rhône-Alpes à laquelle Michel Barnier doit d’ailleurs sans doute plus que le début de sa vie politique. Il lui doit le goût de l’effort et l’endurance nécessaire, avait-il confié en mai lors d’une conférence de presse. Et avait même révélé s’être découvert une passion commune avec Theresa May, à savoir les randonnées en montagne. «En montagne, on apprend à mettre un pied devant l’autre car le chemin peut être accidenté. On apprend à garder son souffle et à regarder le sommet», avait-il alors conté, comme un prélude à des négociations qui seront loin d’être de tout repos.