«Soutenez les grèves», «Gelez les prix, pas les gens» ou encore «Des impôts pour les riches», pouvait-on lire sur les pancartes brandies par des manifestants à Londres, samedi, qui convergeaient à l’appel de plusieurs organisations vers Westminster, dans le centre de la capitale. Inflation au plus haut, livre sterling au plus bas, inquiétudes à l’approche de l’hiver… Le nouveau gouvernement conservateur de Liz Truss avait promis une action immédiate pour faire face à la crise, mais l’annonce la semaine dernière de baisses d’impôts massives à destination des plus riches a suscité plus de colère et d’incompréhension qu’autre chose.

Les gens «en ont marre» affirme Lily Holder, une manifestante de 29 ans à Londres. «Ils ne sont plus prêts à accepter la façon honteuse dont les Tories les traitent.» L’hiver – qui s’annonce rude pour de nombreux ménages ayant du mal à payer leurs factures – «va montrer la vraie cruauté de notre gouvernement».

Lire aussi: Changement de règne dans un pays au bord de la rupture

«Pas d’autre option»

La majorité des Britanniques ont accueilli froidement le «mini-budget» présenté par le gouvernement la semaine dernière. Les annonces ont aussi affolé les marchés et fait descendre la livre sterling à un plus bas historique, entraînant une intervention du Fonds monétaire international et de la banque centrale. Mais «ne rien faire n’était pas une option», a affirmé le ministre des Finances Kwasi Kwarteng dans le Telegraph vendredi soir pour justifier les baisses d’impôts massives, dont le financement reste flou. «Imaginez le prix pour l’économie britannique du chômage de masse, un effondrement de la consommation et des entreprises qui mettent la clé sous la porte.»

Kwasi Kwarteng a promis un plan pour réduire la dette à moyen terme, mais l’agence de notation Standard & Poor's s’est montrée sceptique, revoyant à la baisse sa prévision de soutenabilité de la dette souveraine britannique. En attendant, à l’incompréhension des marchés s’ajoute désormais la colère des Britanniques. Selon un récent sondage YouGov, plus de la moitié (51%) de la population estime que la Première ministre Liz Truss, en poste depuis moins d’un mois, devrait démissionner.

Lire aussi: La vie chère vue de Londres: «Je subsiste plus que je ne vis»

«Can’t pay, won’t pay»

Souvent étranglés par une inflation qui frôle les 10% et inquiets de savoir s’ils pourront se chauffer ou rembourser leurs prêts cet hiver, certains refusent de payer leur facture au mois d’octobre. Le gouvernement a annoncé un gel du plafond des prix de l’énergie mais ces derniers ont quand même doublé en un an.

«Can’t pay, won’t pay», chantaient des manifestants devant la gare londonienne de King’s Cross samedi, brûlant de fausses factures énergétiques. Dans ce contexte de grogne sociale exacerbée, les mobilisations qui se multiplient depuis juin dans tous les secteurs ont repris de plus belle, après une trêve observée après le décès d’Elizabeth II le 8 septembre.

Les cheminots sont en grève – la plus importante depuis le début de l’année – samedi dans tout le pays, avec seulement 11% du trafic assuré. Malgré les fortes perturbations, la mobilisation du rail est comprise et soutenue par la plupart des Britanniques, selon un sondage Ipsos. Dans les rues de Londres comme dans d’autres villes du Royaume-Uni, de nombreux manifestants brandissaient des affiches appelant à soutenir les débrayages.

Lire aussi: Pour la presse britannique, Liz Truss va souffrir dans les turbulences économiques du pays

Pour le climat aussi

Participant aux manifestations, les militants pour le climat du groupe «Just Stop Oil» ont eux bloqué plusieurs ponts de Londres, demandant au gouvernement conservateur «de résoudre la crise du coût de la vie et la crise climatique en stoppant les nouveaux investissements dans le pétrole et le gaz», selon un communiqué de l’organisation.

Plus impopulaires que jamais, les Tories se retrouvent à partir de dimanche à Birmingham pour leur congrès annuel. Mais vu le contexte, cette grand-messe s’annonce morose. Selon la presse britannique, les lettres de défiance affluent déjà contre Liz Truss. Certains conservateurs sont stupéfaits par des annonces budgétaires floues qu’elle a formulées tandis que d’autres regrettent déjà l’ancien Premier ministre Boris Johnson, malgré ses frasques et ses mensonges.

Lire aussi: La vie chère vue de Londres: Vivre en colocation, à passé 60 ans