Présidentielle française
Le Kremlin évoque une «méfiance mutuelle» avec le nouveau président français, tandis que les quotidiens proches du pouvoir laissent éclater leur déception

Médias et officiels ont accueilli avec une déception marquée la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle française. Le Kremlin a attendu 10h40 lundi matin pour réagir à la victoire d’Emmanuel Macron par un message de félicitation plutôt froid et soulignant une «méfiance mutuelle». «Les citoyens français vous ont fait confiance pour diriger le pays dans une période compliquée pour l’Europe et la communauté internationale […] dans ces conditions, il est particulièrement important de dépasser la méfiance mutuelle afin d’unir les efforts pour le maintien de la stabilité et de la sécurité internationales», indique le message du Kremlin.
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Le sénateur francophone Alexeï Pouchkov, soutien de longue date de Marine Le Pen, maugrée contre un Macron «jeune, sans expérience ni sérieuse autorité aux yeux des Français et du monde […] qui va se soumettre aux décisions d’Angela Merkel, prolonger les sanctions pour suivre les confrontations plutôt que dialoguer avec la Russie». Mais rares sont les réactions dans la classe politique, car, à l’approche de la commémoration du 9 mai 1945, les dirigeants préfèrent parler des victoires passées plutôt que d’une mauvaise nouvelle. Lundi et mardi sont fériés en Russie alors qu’on y célèbre en grande pompe la victoire dans la «grande guerre patriotique», appellation locale de la Seconde Guerre mondiale.
Espoir malgré les sondages
La défaite de Marine Le Pen reste en travers de la gorge des partisans du Kremlin, qui espéraient, en dépit des sondages, assister au triomphe d’une alliée. La candidate du Front national, qui a reçu des prêts financiers venant de la Russie, s’aligne complètement sur le Kremlin en matière de politique étrangère.
Le ton des quotidiens proches du pouvoir est acrimonieux. «L’effet Trump ne s’est pas propagé jusqu’à la France», déplore Rossiskaïa Gazeta, le journal du Kremlin. «Ils [les Français] méritent leur Macron, raille Komsomolskaïa Pravda, qui qualifie le président élu de «psychopathe», d’«homosexuel caché» affublé d’une épouse «vieille et ridée», de «marionnette», entre autres amabilités.
«La révolution conservatrice de Poutine»
La déception la plus cruelle s’est fait sentir chez quelques-uns des partisans les plus actifs de Marine Le Pen, lesquels s’étaient réunis dimanche soir – curieusement, dans un pub anglais du centre de Moscou – pour célébrer ce qu’ils s’imaginaient être sa victoire. Trop occupés à tresser des lauriers à la candidate du Front national (ou à piocher des petits fours), les intervenants se succédant au micro n’ont tout d’abord pas remarqué les premiers résultats affichés sur le grand écran télévisé derrière eux retransmettant en direct les premiers résultats à 21 heures locales, annonçant une défaite très nette de leur candidate.
«Qu’importe, c’est quand même une victoire de Le Pen, sachant que tous les monopoles globaux étaient contre elle», glisse au Temps Ernst Makarenko, maire d’une ville de banlieue. «Marine Le Pen est la dernière chance du peuple français.» Présentateur de la chaîne télé privée Tsargrad, Andreï Afanasiev confie sa déception: «Ce résultat signifie qu’il ne reste qu’un tiers de vrais Français en France. Le seul qui ait réussi une véritable révolution conservatrice, c’est Vladimir Poutine. Tous cherchent à l’imiter, mais ils n’ont pas la puissance et la détermination d’un homme passé par le KGB.»