Plus il y a de sanctions américaines, plus la cote de popularité du président se renforce
Un politologue russe
Le président russe a pris la décision avant même que son homologue Donald Trump n’ait signé la loi de sanction votée par le Congrès, montrant le peu de cas qu’il fait en désormais. «Poutine a perdu toute illusion sur les capacités de Trump à maîtriser le système [américain] de contre-pouvoirs, afin de dominer l’appareil démocratique américain», estime Andreï Kolesnikov, expert au Centre Carnegie de Moscou.
«Tout tourne à l’avantage de Poutine»
«Plus il y a de sanctions américaines, plus la cote de popularité du président se renforce, estime Sergueï Markov, un politologue proche du Kremlin. Par conséquent, en votant des sanctions supplémentaires, le Congrès et Trump sont intervenus de manière décisive dans les affaires intérieures russes, en faveur de Poutine. Ils ne savent pas comment s’y prendre, quoi qu’ils fassent, tout tourne à l’avantage de Poutine.»
D’autres commentateurs voient des marques de dépit du côté du Kremlin. «Le Kremlin tablait sur une normalisation des relations avec les États-Unis sur le mode «Nous avons tenu la tête haute à Obama et Trump nous a donné raison». Mais l’échec patent du pari ne laisse d’autre choix qu’un retour à la confrontation», souligne Vladimir Frolov, expert des relations russo-américaines. Pour l’instant, la réponse russe n’est qu’un «simulacre de fermeté», poursuit l’expert, car les expulsions mutuelles sont «la manière la moins douloureuse de signifier leur mécontentement, sans aller jusqu’à infliger des blessures substantielles». Les expulsions ont l’avantage d’être facilement réversibles.
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Plus critique, l’experte en relations internationale Lilia Chevtsova entend dans la réponse symétrique russe un «petit cri pitoyable, parce que l’Amérique ne dépend aucunement de la Russie et ne ressent même pas la morsure. Toutes ces idées [de rétorsion] ne reflètent pas tant un manque d’imagination que du désespoir.» Les échanges économiques entre les deux pays sont tombés sous la barre des 20 milliards de dollars en 2016 et le PIB russe reste inférieur à celui du seul État de New York.
La fermeté pourrait primer sur le dialogue
Le paysage médiatique russe est désormais saturé de discours antiaméricains. Certains commentateurs politiques proposent de couper l’accès de la Station spatiale internationale aux Américains (seul le lanceur russe Soyouz le ravitaille depuis quelques années). Voire d’obliger les hommes politiques américains visitant la Russie à entrer par la Crimée.
Derrière cette rhétorique populiste, le risque d’une escalade est réel, mais sur d’autres dossiers. Alarmiste, la politologue Tatiana Stanovaïa prédit un durcissement de la politique domestique «contre les défenseurs des droits humains, les NGO, les médias, l’opposition. On peut s’attendre à une nouvelle vague de durcissement législatif, de régulation des communications, des règles de sortie du territoire et de l’élargissement des prérogatives des services secrets.»
En matière de politique étrangère, «la Russie en vient progressivement à penser que la politique de l’imprévisibilité, de la fermeté, des réponses asymétriques et sans scrupule paient davantage que le dialogue avec l’occident», conclut Stanovaïa. Le Kremlin n’a pas brûlé les ponts, mais l’approche des élections présidentielles va sûrement donner lieu à un test des barrières de sécurité.