Viols, prostitution, corvées… Les jeunes migrants dans le nord de la France sont à la merci des passeurs. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a publié jeudi un  rapport édifiant sur leur sort dans les camps de fortune, dont «la jungle» à Calais, le plus grand et connu de ces bidonvilles. Quelque 500 mineurs non accompagnés y sont piégés, en attendant de pouvoir traverser la Manche.

Selon les 61 entretiens approfondis réalisés par trois sociologues entre janvier et avril 2016, la plupart des jeunes migrants venaient d’Afghanistan et étaient âgés de 15 à 17 ans. Les chercheurs ont  toutefois rencontré trois enfants de 11 et 12 ans. Les filles étaient plus rares, principalement des Ethiopiennes et des Erythréennes. Les garçons afghans avaient été envoyés par leur père, qui craignait l’enrôlement forcé de leur fils mais aussi pour qu'il réexpédie ensuite de l’argent au pays. Ils devaient rejoindre un oncle déjà installé au Royaume-Uni ou un autre parent, qu’ils connaissaient généralement à peine.

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Mais encore faut-il réussir à passer en Angleterre. Impossible sans le concours des passeurs. Les jeunes font le gué sur les aires d’autoroute, dans l’espoir que cela hâte leur de grimper dans un camion. Les passeurs contrôlent aussi les bidonvilles. Le droit d’entrée dans «la jungle», par exemple, coûte 100 euros. «Toutes les filles reçoivent des propositions pour se prostituer, les plus faibles acceptent mais si tu refuses on ne t’oblige pas. Sauf si tu dois de l’argent», a raconté une fille aux chercheurs. Les passes se font le soir dans des bars de «la jungle». Une petite ville qui compterait encore 3000 ou 4000 occupants malgré son démantèlement partiel par les autorités.

Tout se paie

«Les passages vers l’Angleterre étant de plus en plus difficiles, les séjours dans le nord de la France durent de plus en plus longtemps, en moyenne cinq mois quand nous avons fait notre enquête, explique Alexandre Le Clève, l’un des chercheurs mandatés par l’UNICEF. Une durée qui augmente les risques d’exploitation pour les mineurs. Dans les campements, tout se paie. Pour être protégés ou gagner quelques euros, les plus jeunes font le ménage ou attendent aux douches pour le compte d’adultes. Avec la promiscuité, filles comme garçons disent craindre par dessus tout les violences sexuelles.

«Leur intention n’est pas si clair, tempère Alexandre Le Clève. Certains ont reçu l’instruction de rejoindre le Royaume-Uni, mais d’autres sont dans le plus grand flou. Cela arrange les pouvoir publics de penser qu’ils ne sont que de passage et qu’on ne peut rien faire pour eux.» Selon les auteurs de l’étude, ces mineurs sont très mal informés sur leurs droits, notamment de réunification familiale, et la possibilité de rester en France.

De plus en plus nombreux

Le sort des mineurs non accompagnés inquiète de plus en plus les organisations de défense de l’enfance. Mardi, l’UNICEF alertait, dans un autre rapport, sur les jeunes Africains qui traversent la Méditerranée. Depuis le début de l’année, plus de 7000 d’entre eux sont parvenus en Italie en provenance de Libye, où les passeurs leur ont fait subir les pires sévices. Ils sont deux fois plus nombreux à avoir fait la traversée qu’en 2015. «Les raisons sont multiples, explique Christophe Boulierac, le porte-parole de l’UNICEF à Genève. Ces jeunes fuient l’insécurité alimentaire, la pauvreté ou les mariage forcés mais ils ont en commun de tomber dans les mains de réseaux criminels.»

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