Publicité

En Nouvelle-Calédonie, l’attachement à la France est bousculé

Un deuxième référendum sur l’avenir du territoire français du Pacifique était organisé dimanche. Le maintien dans la République l’emporte avec près de 53% des voix. Mais la perspective d’une troisième consultation populaire pourrait aggraver les tensions

Des supporters de l’indépendance agitant des drapeaux du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) dimanche soir. — © Theo Rouby / AFP
Des supporters de l’indépendance agitant des drapeaux du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) dimanche soir. — © Theo Rouby / AFP

Emmanuel Macron l’a reconnu dans son allocution, dimanche, après la tenue du deuxième référendum sur la possible accession à l’indépendance de ce territoire du Pacifique, intégré à la France depuis sa colonisation en 1853 – et son utilisation comme colonie pénitentiaire (le bagne) jusqu’à la fin du XIXe siècle: la nouvelle défaite des indépendantistes calédoniens ne sonne pas, tant s’en faut, la fin de leur combat. Et les 53,2% de suffrages favorables au maintien dans la République ne sont qu’une nouvelle étape.

Lire aussi: En Kanaky, l’indépendance en version française

«J’accueille ces résultats avec humilité: j’entends la voix de celles et ceux qu’anime la volonté de l’indépendance et je veux leur dire: c’est avec vous, ce n’est qu’ensemble que nous construirons la Nouvelle-Calédonie de demain», a commenté le président français. En avouant ses préoccupations: «Cette deuxième campagne référendaire a connu des soubresauts; elle a été marquée par davantage de tensions, d’oppositions. C’est la logique propre au référendum. Et si certains voudront certainement revenir sur ce qui a été dit, ce qui a été fait, je crois plutôt que nous devons saluer la réussite de ce deuxième scrutin et nous tourner vers l’avenir.»

© AFP
© AFP

Nouveau scrutin dans deux ans

Cette consultation populaire des 180 500 électeurs appelés à voter (pour environ 300 000 habitants, en sachant que les critères pour participer au référendum – sur la base d’une liste électorale spéciale – prohibent les nouveaux arrivants pour éviter la surreprésentation des Blancs originaires de métropole, ou des ressortissants français d’autres territoires d’outre-mer) est la deuxième organisée conformément aux accords de paix de Nouméa signés en 1998. Elle reposait aux électeurs la même question que lors du premier référendum, organisé le 4 novembre 2018: «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante?»

Lire aussi: Indépendance de la Nouvelle-Calédonie: le non arrive en tête

Le premier vote s’était conclu par une victoire des anti-indépendantistes par 56,7% des suffrages avec une participation inférieure (81% contre 85%). Un troisième vote est possible si un tiers des membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie – l’assemblée parlementaire du territoire – le demande. Or les indépendantistes y représentent les deux tiers des élus. Ce nouveau scrutin doit avoir lieu d’ici à deux ans.

Gendarmes et ravisseurs

La Nouvelle-Calédonie, située à 17 000 kilomètres de Paris entre l’Australie et le Vanuatu, dispose d’institutions largement autonomes. Son Congrès, et le gouvernement qui en est issu, ont des compétences élargies, obtenues par les indépendantistes à l’issue d’une quasi-guerre civile en 1988, puis de dix ans de négociations. Le point tournant de son histoire récente fut la prise en otage de gendarmes sur l’île d’Ouvéa, du 22 avril au 5 mai 1988 – en pleine campagne présidentielle française opposant François Mitterrand, chef de l’Etat sortant, à Jacques Chirac, alors premier ministre – par un commando indépendantiste, et l’intervention consécutive des forces spéciales françaises.

Lire aussi: En Nouvelle-Calédonie, les «enfants» des accords de Matignon

Dix-neuf ravisseurs furent tués (25 morts au total), entraînant une fracture au sein du camp pro-indépendance alors dirigé par Jean Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné. Les deux hommes, venus un an plus tard sur l’île, en mai 1989, pour une cérémonie de réconciliation et pour présenter les premiers accords de paix négociés avec le gouvernement de Michel Rocard, y furent assassinés. Un monument d’hommage se dresse depuis lors face au lagon. Emmanuel Macron s’y était rendu en mai 2018, sans déposer de gerbe.

© AFP
© AFP

Crainte de violences

Selon l’Agence France-Presse, les indépendantistes ont, à Nouméa, largement manifesté toute la journée leur enthousiasme pour cette élection par des concerts de klaxons et des défilés de drapeaux de la «Kanaky», déjà très visibles sur la côte est et dans le nord de l’île, contrôlé par la province Nord aux mains des indépendantistes. La consultation s’est déroulée sans mesures barrières ni masques: l’archipel est exempt de Covid-19 grâce à une réduction drastique des vols internationaux et une quarantaine obligatoire pour tout arrivant.

La crainte de violences plus importantes à l’approche d’un troisième référendum est très répandue dans ce territoire, dont la principale ressource est le nickel, minerai dont le cours est particulièrement volatil et dépend des restrictions à l’exportation de l’Indonésie, son premier producteur mondial.

Lire aussi: En Nouvelle-Calédonie, la mémoire oubliée des bagnards suisses

Le partage de la richesse minière était au cœur des premiers accords de paix en 1988 entre Jean-Marie Tjibaou et l’homme fort de l’île, Jacques Lafleur (décédé en 2010). Ce dernier avait cédé à la région Nord sa société minière du sud-pacifique qui exploite toujours les gisements avec pour partenaire (49% des parts) le groupe Glencore, basé dans le canton de Zoug, en Suisse. L’Etat français alloue, sous différentes formes, environ 150 milliards de francs pacifiques (environ 1 350 000 000 de francs suisses) de subventions chaque année à la Nouvelle-Calédonie.