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A Paris, des naufragés du foot et des Argentins en fusion

REPORTAGE. Nous sommes passés de bistrots français en bars argentins pour suivre cette finale de la Coupe du monde sous la pluie

A Paris, ce dimanche soir. — © Aurelien Morissard / keystone-sda.ch
A Paris, ce dimanche soir. — © Aurelien Morissard / keystone-sda.ch

La journée avait commencé par une vanne de la RATP. L’établissement qui gère le métro parisien avait recouvert les panneaux de la station Argentine, à quelques centaines de mètres de l’avenue des Champs-Elysées, par des autocollants géants affichant «Allez les Bleus!» ou tout simplement «France». Mais de la matinée au milieu de l’après-midi, dans les rues parisiennes, rien à voir avec la ferveur en Argentine. Tout juste voit-on passer un livreur avec de petits drapeaux tricolores sur son vélo. Et aussi pas mal de fourgons policiers qui se préparent à sécuriser les axes les plus chauds de la capitale française.

Dès que l’on s’approche des rues à bars, cependant, on sent bien qu’il va se passer quelque chose. Il faut dire qu’à Paris, on est toujours autour des 0 °C.

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Conséquence: les places sont chères. Rue Princesse, pas loin de Saint-Germain-des-Prés, il fallait arriver vers midi pour trouver une place dans les pubs les plus sympas. Interrogées alors qu’elles fumaient une cigarette dans la rue sous le regard du videur qui sait qu’elles ont leur coin réservé, Linda et Kathy nous ont dit qu’elles se préparent depuis la demi-finale qu’elles ont manquée par faute de place. «Pour être sûres d’avoir une place au chaud, on est arrivées quatre heures avant le début du match, une heure avant l’ouverture du bar.»

‪Même situation à quelques rues de là, au Volver, le plus fameux restaurant argentin de Paris. Les supporters en bleu ciel et blanc se jettent donc sur les autres bars de la rue Dauphine. Alicia, étudiante à Paris née dans le sud de la France d’un père français et d’une mère argentine porte le maillot de Messi. Elle soutient à fond l’Argentine et espère vraiment que Messi va gagner cette fois. Elle est galvanisée par l’ambiance à Buenos Aires où elle va tous les deux ans. Elle a vu les images à la télévision et son grand-père, grand fan de Maradona, lui raconte. C’est lui qui lui a transmis l’amour de l’Albiceleste. Roberto et son petit Angel de 7 ans, parisiens d’Equateur, sont là pour Messi, mais ils lâchent l’affaire, trop de monde. Ils rentrent à la maison pour ne pas rater le début du match. Même fascination pour la Puce du côté de la famille Melara venue d’El Salvador pour les vacances de Noel: «Toute l’Amérique latine soutient Messi!»

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Drapeaux argentins, hymne nationale, tous les latinos de Paris se croient à Buenos Aires cet après-midi. Et quand Angel Di Maria marque le second but argentin quelques minutes après le pénalty de Leo Messi, c’est toute la rue qui entonne des chants à la gloire de la sélection et de Maradona.

Côté supporters français, c’est la déception. A 100 mètres, un bar, le Tennessee, a trouvé la solution pour les naufragés du foot: diffuser le match sur sa façade, dans la rue. A la mi-temps, Raphaël, Guillaume et Pablo, drapés d’une bannière bleu-blanc-rouge mais frigorifiés malgré tout, mettent tout sur le dos de l’arbitre et des Argentins qui simulent. Des pétards et des feux d’artifice sont lancés, comme si on savait déjà qu’on n’allait pas les utiliser plus tard. La police veille.

Au début de la deuxième mi-temps, il commence à pleuvoir, comme s’il fallait que la situation s’aggrave encore devant le Tennessee. A partir de la 70e, certains jeunes naufragés du foot commencent à quitter les lieux. Et dans les bars aussi, on ne préfère plus regarder l’écran. Jusqu’à ce que la magie d’un certain Kylian Mbappé fasse exploser la rue… et tomber la télévision. Et surtout redonne l’espoir. Les Marseillaises s’enchaînent, d’autres jeunes Parisiens viennent agrandir la foule. «C’est du délire!» lance une jeune fille. Plus personne n’est en état de témoigner. Hugo Lloris maintiendra l’espoir jusqu’au bout sous les «Merci Hugo! Merci Hugo!» (et aussi quelques «Bâtard Messi, part en retraite», il faut le dire…). Une tension négative est effectivement montée au fil des pénaltys. Tout s’est finalement terminé sous une pluie battante et la rencontre des supporters du Tennessee et de ceux du Volver ne s’est pas faite sans quelques invectives.

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