Médias
Suite aux révélations du «Temps» ce week-end, le présentateur phare de LCI a indiqué se mettre en retrait de l’antenne «quelques jours». Si la chaîne française le soutient, son retour à Paris s’annonce difficile

Son visage va disparaître momentanément du petit écran. Darius Rochebin, présentateur vedette de LCI, a demandé sa mise en retrait de l’antenne «quelques jours» pour rejoindre sa famille à Genève, loin des caméras et du chaos suscité par les révélations du Temps, et préparer sa réponse. Dans la longue enquête, publiée ce week-end, il est accusé d’avoir eu des comportements déplacés pendant sa carrière à la RTS. Des faits qu’il conteste vigoureusement par l’entremise de son avocat genevois, Vincent Solari. «Jamais je n’ai eu de relation non consentie ou illicite, affirme-t-il dans un communiqué transmis à l’AFP. Je me battrai donc contre les amalgames, les ragots ou les insinuations dont je suis victime et j’examine avec mon avocat la suite judiciaire que je donnerai.» L’ancien journaliste du service public suisse dénonce «un récit malveillant».
Retrouvez nos différents articles sur l'affaire:
L’onde de choc a frappé la rédaction de LCI. «On tombe des nues», indique une source interne citée par Le Parisien. Dans un communiqué diffusé samedi, le groupe TF1, propriétaire de la chaîne d’information en continu, «rappelle être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution». Le groupe audiovisuel assure n’avoir eu connaissance d’«aucun incident de cette nature» depuis l’arrivée de Darius Rochebin. A l’ère de #MeToo, mouvement de libération de la parole des victimes d’abus sexuels, l’affaire cause toutefois un important dégât d’image.
«C’est très embêtant»
LCI pourrait-elle tirer la prise? Son émission Les grands entretiens, prévue samedi à 14 heures, a été remplacée par une rediffusion de l’interview du professeur Didier Raoult par David Pujadas. Une figure de la chaîne, interrogée par Le Parisien, évoque la nécessité d’un «petit miracle pour renverser la vapeur»: «C’est très embêtant pour LCI. La chaîne avait misé sur son arrivée très quali qui collait à son ADN. Il aura beaucoup de mal à revenir à l’antenne vu les valeurs que souhaite incarner le groupe TF1.» David Pujadas, qui affichait son admiration pour le travail de Darius Rochebin, n’a pas répondu à nos sollicitations. C’est dans son émission La grande confrontation que son confrère suisse a séduit le public français. C’était en novembre 2019. A l’époque, sa tirade sur la liberté d’expression en France fait le tour des réseaux sociaux, incitant la direction de la chaîne à entamer des négociations en vue de son transfert.
Un recrutement surprise annoncé à peine un an plus tard, au grand dam des téléspectateurs romands. «Darius possède à la fois une immense culture politique et historique de notre pays et, en tant qu’étranger, il nous regarde avec beaucoup de décalage. On avait besoin de cette distance amusée qu’il nourrit sur nos querelles, nos passions», expliquait alors Thierry Thuillier, patron de LCI, dans un article de Libération consacré au présentateur.
Curiosité médiatique
En septembre, son arrivée a d’abord intrigué le landerneau médiatique parisien, peu habitué à intégrer de nouvelles recrues en provenance de l’étranger. Il occupe la tranche du soir sur LCI, du lundi au jeudi, et son nom figure en majesté dans le titre de l’émission: Le 20H de Darius Rochebin, signe d’une grande confiance en son talent. A une heure hautement concurrentielle, le journaliste reçoit des personnalités de premier plan pour commenter l’actualité. Dernière en date: l’ancien président socialiste François Hollande. Serait-ce son dernier fait d’armes?
Désormais, plusieurs observateurs affirment que l’enquête du Temps pourrait mettre un coup d’arrêt à sa récente et fulgurante carrière française, sans compter l’audience modeste de son programme qui fragiliserait également sa position au sein de la chaîne. Avec 148 000 téléspectateurs environ, il se trouve loin derrière les 282 000 de BFMTV et les 395 000 de Cnews à la même heure. La presse hexagonale lui promettait pourtant un avenir radieux. Il était «la curiosité de la rentrée médiatique», celui qui pourrait apaiser le débat, trancher avec le traditionnel désordre des plateaux de télévision français. Son regard décalé devait l’amener à suivre de près l’élection présidentielle de 2022. Libération l’imaginait alors en modérateur du débat de l’entre-deux-tours, moment décisif dans la vie démocratique du pays.