L'affaire démarre en octobre 2014 quand un jeune homme, employé en période d'essai dans un salon de coiffure parisien, reçoit par erreur un texto de sa manager: «Je ne le sens pas ce mec. C’est un PD, ils font tous des coups de putes», selon les faits relatés par le jugement du 16 décembre 2015. Le lendemain, le jeune homme se présente sur son lieu de travail. La rupture de sa période d'essai lui est signifiée. «Quand je l'ai rencontré, c'était quelqu'un de détruit. Il était rentré se réfugier chez sa famille. Il a fait plusieurs mois de thérapie», raconte son conseil, David Caramel.
«Un simple abus de langage»
S'estimant victime de discrimination liée à son orientation sexuelle, la victime, qui souhaite garder l'anonymat, attaque son employeur devant les prud'hommes. Le salon de coiffure reconnaît «le caractère et la teneur inappropriés du SMS». Mais il estime que le terme de «PD» était «entré dans le langage courant». Un «simple abus de langage» qui n'a «aucun sens péjoratif ou homophobe dans l'esprit de la manager».
Le conseil des prud'hommes reprend dans sa décision les arguments de l'employeur en se justifiant ainsi: «en se plaçant dans le contexte du milieu de la coiffure, le Conseil considère que le terme de "PD" employé par la manager ne peut être reconnu comme propos homophobe car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela ne pose de problèmes».
5 000 euros au titre du préjudice moral
Le conseil considère que «l'employeur n'a pas fait preuve de discrimination mais que ce sont des propos injurieux qui ont été prononcés». Il accorde à l'employé 5 000 euros au titre du préjudice moral. «Pourtant, on ne peut pas se contenter de dire que ce n'était qu'un propos malheureux. Il a bien été suivi d'actions», soit la perte d'un emploi pour son client, dénonce David Caramel.
Les associations LGBT sont scandalisés par cette décision. Nicolas Noguier, président et fondateur du Refuge, qui héberge et accompagne des jeunes victimes d'homophobie ou de transphobie, juge cette décision de justice «clairement homophobe». «C'est vraiment un condensé en trois ou quatre lignes de toutes les insultes que peuvent subir les jeunes qu'on accompagne», déplore-t-il. «Il y a très peu de prise en considération des discriminations de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre en entreprise», peste Clémence Zamora-Cruz, porte-parole d'Inter-LGBT.
La victime, qui a repris «une activité indépendante», a fait appel de cette décision et saisi le Défenseur des droits, autorité chargée de défendre les droits des citoyens. «Quand je l'ai eu au téléphone, il était très touché des réactions de sympathie reçues», confie son avocat.