«Ce pont, je suis passé dessus des centaines de fois, mais désormais je ferai tout pour avoir les noms des responsables passés et présents. Il est inacceptable de mourir comme ça en Italie», a martelé Matteo Salvini lors d’un point presse à Catane, en Sicile.
Le ministre eurosceptique a aussi évoqué les investissements nécessaires pour faire face à la vétusté générale de nombreuses infrastructures italiennes.
«Il y a une bonne partie de l’Italie qui doit être mise en sécurité. S’il y a des engagements extérieurs qui nous empêchent de dépenser l’argent que nous devrons mettre pour la sécurité des écoles et des autoroutes, il faudra se poser la question de continuer à respecter ces engagements ou de mettre la sécurité des Italiens avant tout. De toute évidence, je choisis la deuxième option.»
Sto seguendo con la massima apprensione ciò che è accaduto a #Genova e che si profila come immane tragedia. Siamo in stretto contatto con Autostrade e stiamo andando sul luogo con il viceministro Rixi. La mia totale vicinanza in queste ore alla città
— Danilo Toninelli (@DaniloToninelli) 14 août 2018
L’avenir de l’ouvrage incertain
Le président Mattarella a appelé à «un examen sérieux et sévère des causes» du drame. «Aucune autorité ne pourra se soustraire à un exercice de pleine responsabilité: les familles de tant de victimes l’exigent, de même que la communauté frappée par un événement qui laissera des traces. Les Italiens ont droit à des infrastructures modernes et efficaces», a ajouté le président.
Selon la société italienne des autoroutes, «des travaux de consolidation étaient en cours sur la base du viaduc», qui faisait l’objet «d’activités constantes d’observation et de vigilance».
Le vice-ministre des Infrastuctures, Edoardo Rixi, s’est toutefois montré très pessimiste sur l’avenir de l’ouvrage. «Tout le pont Morandi devra être démoli», a-t-il déclaré, selon l’agence de presse italienne Ansa, prévoyant de graves conséquences pour la circulation et pour la ville de Gênes dans son ensemble. «Un pont de ce genre ne s’effondre pas à cause d’un éclair ou d’un orage, il faut trouver les coupables», a dit ce vice-ministre.
Le ministre italien des Transports, Danilo Toninelli, a dit craindre «une immense tragédie». Le cours de la société d’autoroutes Atlantia, qui gère les principales autoroutes italiennes, a été suspendu à – 10% à la bourse de Milan vers 14h15. Il a clôturé en basse de 5,39%.
Voir notre relation de l’événement en images.
Les images diffusées par les médias et les pompiers italiens montrent ce qui reste du viaduc, se dressant dans la brume avec plusieurs dizaines de mètres manquants. La structure colossale est coupée net, avec des camions arrêtés sur la partie restante de l’autoroute, comme dans un film catastrophe.
#Genova #14ago 16.50, prosegue il lavoro dei #vigilidelfuoco con sezioni operative nuclei #usar e #cinofili in seguito al crollo del viadotto Morandi sulla #A10 pic.twitter.com/2jWrRvzomW
— Vigili del Fuoco (@vigilidelfuoco) 14 août 2018
Des recherches vite lancées
Selon les pompiers, le pont Morandi s’est effondré vers midi alors que la région était balayée par des pluies intenses. «Les équipes des pompiers sont engagées en nombre, les équipes de recherches et cynophiles sont activées», ont-ils annoncé sur Twitter.
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#14ago #Genova 12:00, crolla parte del ponte Morandi sulla #A10. Le squadre #vigilidelfuoco stanno operando in massa, attivatinteam usar e cinofili pic.twitter.com/gjSJLvjw1K
— Vigili del Fuoco (@vigilidelfuoco) 14 août 2018
En raison du relief très accidenté de la région de Gênes, entre mer et montagne, le parcours de l’autoroute est jalonné de longs viaducs et de tunnels. Ce tronçon est bien connu des Suisses et des touristes qui l’empruntent pour gagner les plages de la Toscane et du sud de la Ligurie.
Un pont inauguré en 1967
Le pont Morandi, du nom de son concepteur, Riccardo Morandi, a été inauguré en 1967. Il passait jusqu’à aujourd’hui pour un chef-d’œuvre d’ingénierie. Long de 1182 mètres, il reposait sur trois piles de béton de 90 mètres de haut environ. Son remplacement et sa démolition étaient prévus dans le cadre d’un projet de remplacement par un viaduc à deux fois quatre voies. Mais le projet, dit Gronda Bassa, n’a pas été réalisé en raison de l’opposition des habitants aux expropriations.
Une mise en garde en 2016
Les dangers que présentait l’actuel pont étaient pourtant évidents. Antonio Brencich, professeur de structures en béton armé à la Faculté d’ingénierie de Gênes, avait jugé en 2016 que le pont Morandi était une «erreur d’ingénierie». Trop rigide, devenu très coûteux à entretenir, il avait été doté dans les années 1980 et 1990 de nouveaux câbles destinés à soulager sa vieille structure. Des travaux de maintenance avaient encore été effectués en 2016. En trente ans, le coût des réfections avait déjà atteint 80% des coûts de l’ouvrage initial, un ratio jugé anormal par Antonio Brencich.
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L’ingénieur a répété ses critiques aujourd’hui après l’effondrement du pont, comme le signale Le Monde. Interrogé par le site Linkiesta à la suite de l’effondrement, Antonio Brencich a affirmé qu’il s’agissait, selon lui, d’un problème de structure du système de précompression appelé Morandi M5, du nom de l’architecte.
«J’ai dit, et les faits me donnent malheureusement raison, que ce type de pont est mal conçu et mal calculé et présente des problèmes évidents de vulnérabilité. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est qu’il y a bien une raison.» Le pont Morandi a en effet deux «jumeaux». L’un se trouve en Libye, au-dessus du Wadi al-Kuf, l’autre à Maracaibo, au Venezuela. Ce dernier s’était partiellement effondré en 1964, deux ans après son achèvement, à la suite d’une collision avec un navire pétrolier.
Une sous-estimation de la viscosité du béton
Toujours selon l’ingénieur Antonio Brencich, la conception désuète du pont de Gênes – qui utilise des supports trop fins – avait sous-estimé la viscosité du béton, ce qui avait conduit à des déformations de sa surface. Selon lui, un pont de ce type devait durer 100 ans et ne pas avoir à subir de réfections importantes avant 70 ou 80 ans. Or le pont Morandi avait présenté, après quelques décennies seulement, des dégradations majeures, avec une fissuration du béton et des bosses et creux à sa surface, selon Antonio Brencich. «Seules des corrections de niveau répétées ont maintenu le plan de route dans les conditions semi-horizontales acceptables actuelles», expliquait l’ingénieur dans une revue spécialisée en 2016.
Dans une brochure de 1968, Riccardo Morandi présentait son pont ainsi: «Le progrès de la technique du béton précontraint a permis l’exécution de cet ouvrage d’une importance considérable et dont la réalisation présentait de grandes difficultés à cause de son volume […]. Les solutions adoptées sont adéquates et offrent toutes les garanties pour franchir des portées considérées prohibitives jusqu’à présent, ainsi que pour réduire au minimum les surfaces d’appui sur le terrain.»
Des travaux d’entretien sur le pont étaient en cours au moment de la catastrophe et une grue se dressait sur l’ouvrage, a annoncé la société d’exploitation Autostrade per Italia. Elle précise que l’état du pont et l’avancement des travaux étaient minutieusement surveillés.