Grèce
Le ministre de l’immigration grec, Yannis Mouzalas, livre son analyse de la situation dans son pays

Alors que se tient ce lundi à Bruxelles, un sommet entre l’Union européenne et la Turquie, l’impasse des négociations transforme la Grèce en prison à ciel ouvert pour migrants désespérés. La Turquie, malgré une aide de 3 milliards d’euros promise si elle contrôle ses frontières extérieures, vient de refuser que l’OTAN agisse sur ses eaux territoriales. Entretien avec Yannis Mouzalas, ministre de l’immigration grec.
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- Des milliers de migrants et réfugiés étaient bloqués à Idomeni après que les pays au nord de la Grèce ont fermé les frontières. La Grèce a-t-elle besoin d’aide?
- Ce problème n’est pas grec, mais européen. Bien que le président du Conseil, Donald Tusk, avait promis que la frontière resterait ouverte, l’Autriche, les pays de Visegrad (République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne), et l’ARYM (Ancienne République yougoslave de Macédoine), qui n’est pas membre de l’UE, ont unilatéralement décidé de violer les décisions européennes adoptées, elles, d’un commun accord. Voilà pourquoi les migrants, qui continuent d’arriver en Grèce, sont aujourd’hui bloqués à la frontière. Malgré ses propres difficultés, le pays fait tout pour les nourrir. Des centres d’hébergement provisoires sont construits sur l’ensemble du territoire. Le gouvernement a donc demandé de l’aide matérielle, alimentaire, et pour l’hébergement, ainsi qu’un soutien en matière de protection civile.
- Qu’en est-il?
- La Commission européenne propose de débloquer 700 millions d’euros sur trois ans pour faire face aux besoins humanitaires de tous les pays européens. J’ose espérer que l’UE sera au rendez-vous, solidaire, et que son aide parviendra dans les temps. Ce ne fut pas le cas auparavant! Jusqu’à présent, seuls 20% des besoins en matériel (tentes, couvertures, voitures de patrouille, policiers Frontex…) ont été couverts. Cette aide est nécessaire immédiatement, sans bureaucratie superflue, avant que cette crise humanitaire se pérennise en Grèce.
- Sur la scène européenne, la Grèce n’est-elle pas isolée?
- La Commission européenne, Angela Merkel, François Hollande, le pape et d’autres dirigeants ont pris fait et cause pour la Grèce en dénonçant l’attitude de l’Autriche et du groupe de Visegrad. Eux sont politiquement isolés! Mais c’est à la Grèce d’assumer les conséquences de leurs actes. L’UE doit exiger que ses décisions soient respectées et appliquées. Sinon, ces pays se comportent comme dans une Union à la carte.
- Mais la Grèce a tardé à mettre en place les hot spots. Le chancelier autrichien Werner Faymann dit même qu’elle se comporte comme «une agence de voyage»…
- Si la Grèce est en difficulté, c’est précisément parce que ce chancelier n’a pas respecté les décisions du Conseil européen. Le principe de solidarité a été violé alors que les commentaires et appréciations sur le travail fourni par la Grèce ont été plus que favorables lors des deux dernières réunions européennes sur le sujet (Conseil européen et Conseil affaires intérieures). Mon pays est sans doute le seul qui ait bel et bien rempli tous ses engagements, même s’il y a eu quelques retards au départ, provoquant un concert d’accusations savamment orchestré.
- Pourquoi les pays qui multiplient les critiques sur la Grèce n’en émettent aucune sur la Turquie?
- C’est à eux de répondre! Depuis septembre, le gouvernement grec répète que seul un contrôle des flux migratoires sur les côtes turques peut être efficace. L’UE en est enfin convaincue. Elle doit donc exiger que la Turquie, qui a obtenu une aide européenne, respecte son engagement à réduire ces flux. Sinon, la Turquie devra en répondre.
- Elle vient de refuser à l’OTAN l’accès à ses eaux territoriales…
- C’est une preuve de sa mauvaise foi et de son manque de volonté. Ce refus souligne qu’elle n’est manifestement pas prête à tout faire pour gérer la crise des réfugiés. Elle doit prouver qu’elle veut et peut maîtriser les flux de réfugiés. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.