Prise vendredi 19 avril par les magistrats, cette décision n’a été révélée par la presse que mardi. Ce procès, qui pourrait se tenir cette fin d’année, permettra enfin à l’ex-candidat de la droite à la présidentielle française et à ses deux co-prévenus de se défendre des accusations portées contre eux. Parmi ses partisans, beaucoup continuent en effet de penser que l’ancien premier ministre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012) a été victime d’un complot et d’une «justice à charge» pour l’empêcher d’accéder à l’Elysée, alors que les sondages le donnaient favori après sa victoire aux primaires de la droite en novembre 2016.
«L’affaire Fillon», mettant en cause l’emploi fictif (et la rémunération) de son épouse Penelope Fillon comme assistante parlementaire de 1998 à 2007 et de 2012 à 2013 avait éclaté le 25 janvier 2017 à la suite d’un article du Canard enchaîné. Au fil des révélations qui suivirent, plusieurs autres faits discutables ont été imputés à François Fillon, tel l’emploi de deux de ses enfants lorsqu’il siégeait au Sénat, ou l’acceptation de costumes de marque payés par un avocat proche du défunt président gabonais Omar Bongo, Robert Bourgi.
N'empèche: les fillonistes dénonçent depuis deux ans un acharnement judiciaire infondé. Leur cible ? L’ouverture, le jour même de la parution de l’article dans l’hebdomadaire satirique, d’une enquête préliminaire par le Parquet national financier (PNF), dont la compétence en la matière pouvait être discutée. Une «précipitation» aussitôt attribuée aux penchants supposés à gauche de la procureure du PNF, Eliane Houlette, nommée par l’ancien président François Hollande.
Las. L'ordonnance de renvoi en procès de 150 pages bat en brèche cette théorie du complot. Les juges étayent solidement l'accusation de «détournement de fonds publics», «d’abus de biens sociaux» et de «manquement aux obligations déclaratives» de la part de l’ex-candidat à la présidentielle (arrivé troisième derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen au premier tour, avec 20,01% des suffrages). Pénelope Fillon comme Marc Joulaud devront, de leur côté, répondre des chefs de «complicité et recel de détournement de fonds publics» et «recel d’abus de biens sociaux». L’épouse de l’ex-candidat – qu’un reportage accablant du quotidien britannique Daily Telegraph avait montrée en train de nier, en 2007, toute occupation professionnelle aux côtés de son mari – aurait perçu plus de 1 million d’euros entre 1981 à 2013 pour ses «emplois fictifs» présumés.
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Un autre pilier de la défense de l’ex-premier ministre avait récemment vacillé en la personne du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, proche du parti «Les Républicains». C'est lui qui avait, entre juin et décembre 2013 et pour près de 4000 euros mensuels, employé Penelope Fillon à la Revue des deux mondes - dont il est propriétaire - pour quelques notes de lectures non publiées. Or l'homme d'affaires a préféré quitter la scène judiciaire en négociant avec le Parquet financier une «reconnaissance préalable de culpabilité». Résultat: le tribunal de Paris l'a condamné le 11 décembre 2018 à huit mois de prison avec sursis et 375 000 euros d’amende. Son seul aveu a été d'avoir rémunéré Pénelope Fillon de «manière excessive». Difficile, néanmoins, pour François Fillon de prétendre qu'il ne savait pas...
Les époux Fillon et Marc Joulaud disposent de dix jours pour faire appel de ce renvoi en procès, dont l’enjeu est lourd pour l'ex homme politique, reconverti dans un fonds d'investissement, Tikehau Capital: l’abus de bien social est puni d’une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Le «détournement de fonds publics» peut être sanctionné par 10 ans de prison et 1 million d’euros d’amende. Outre l’ébullition politique garantie, tant François Fillon semblait avoir partie gagnée contre Emmanuel Macron fin 2016, ce procès réveillerait à coup sûr les fantômes de la droite, que l’ancien chef de gouvernement a toujours accusée de ne pas le soutenir dans son assaut sur l’Elysée, après sa victoire inattendue aux primaires contre Alain Juppé.
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Une bonne partie des fillonistes affirment en privé que les révélations du Canard ont été alimentées par le camp de l’ancien président Nicolas Sarkozy, lui aussi candidat aux primaires de novembre 2016. Ce dernier aurait été rendu furieux par la prise de distance de son ex premier ministre, qui alla jusqu’à l’accuser publiquement durant la campagne… d’avoir été mis en examen dans plusieurs «affaires» ! Et voilà que dans deux semaines, le 13 mai, un autre procés trés attendu démarrera avec son lot de révélations sur les pratiques passées de la droite française dans la couronne parisienne des Hauts de Seine, fief Sarkozyste: celui du maire de Levallois-Perret Patrick Balkany et de son épouse Isabelle, accusés de «fraude fiscale aggravée».