FRANCE
Alors que la deuxième grande journée de mobilisation a eu lieu ce mardi et que l’assemblée se penche sur le texte en commission, la première ministre s’est prononcée sur la principale question qui fait débat depuis une semaine

En France, les cortèges ont commencé à s’ébranler à 10h ce mardi. Il y a «plus de monde» dans les rues que le 19 janvier, lors de la première mobilisation, s’est félicité Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, peu avant le départ du cortège parisien. (AFP/LT)
Mobilisation contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, épisode 2. Moins de quinze jours après une première journée de manifestations et de grèves très suivie, tous les syndicats, unis comme jamais, appelaient les Français à défiler ce mardi 31 janvier. Ce dimanche, la première ministre Elisabeth Borne a encore un peu plus braqué les opposants au projet, en affirmant que le report de l’âge légal de départ à 64 ans n’était «plus négociable». Alors que le texte présenté une semaine plus tôt en Conseil des ministres est arrivé à l’Assemblée nationale avec le début des débats en commission ce lundi, la piste de concession possible qui revient le plus souvent concerne la durée de cotisation des femmes.
L’exécutif avait affirmé qu’il était ouvert à un amendement de son projet à l’assemblée et Elisabeth Borne a laissé entendre ce week-end qu’elle est ouverte aux discussions sur la manière de prendre en compte les périodes spéciales dont bénéficient les mères, les trimestres dits «éducation» et «maternité» obtenus et donc comptabilisés comme travaillés par les femmes pour chaque enfant élevé (huit trimestres par enfant).
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La prise en compte de ces périodes permet d’atteindre plus vite le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir sa rente complète. Il faudra avoir cotisé quarante-trois années pour pouvoir percevoir cette rente sans «décote» à partir de 64 ans selon la réforme, contre quarante-deux années et 62 ans aujourd’hui. Si une femme atteint ses quarante-trois années, notamment grâce aux trimestres «éducation» et «maternité», avant ses 64 ans, elle devra donc attendre. Résultat, selon une étude d’impact du gouvernement, avec la réforme, les femmes partiront en moyenne sept mois plus tard et les hommes, cinq mois plus tard, une différence qui sera encore plus marquée pour les femmes nées dans les années 1980.
Ce dimanche, la première ministre a ouvert une porte à ce sujet. Selon elle, aujourd’hui déjà, il y a beaucoup de femmes qui ne peuvent pas utiliser ces trimestres «à plein». «On regarde de qui il s’agit», a promis Elisabeth Borne affirmant qu’une analyse était en cours.
Les pieds dans le plat
Il faut dire que la question est explosive. Le sujet est devenu au cours des derniers jours celui qui ressort le plus régulièrement dans l’argumentaire des opposants à la réforme. Tout a vraiment commencé quand Franck Riester a mis les pieds dans le plat. Le ministre chargé des Relations avec le parlement, issu de la droite mais membre du camp présidentiel depuis 2017, a effectivement reconnu, il y a une semaine, que les femmes sont «un peu pénalisées par le report de l’âge légal». Les oppositions ont évidemment sauté sur l’occasion pour pointer massivement ce défaut de la réforme, affirmant que, dans sa globalité, le texte désavantage les femmes. L’argument ressort de plus en plus régulièrement dans les manifestations, dans la presse et sur les réseaux sociaux.
Mal pris, le gouvernement a jusqu’ici préféré attirer l’attention sur d’autres aspects de la réforme qui, eux, avantageraient les femmes. Les ministres qui sont montés au créneau à la suite de l’aveu de Franck Riester ont par exemple tenu à souligner que la réforme contient un dispositif sur les congés parentaux pour les carrières longues, pensé pour bénéficier aux femmes.
🔴🗣️ "Aujourd'hui, les femmes sont victimes d'inégalités dans la carrière [...] Ces inégalités se traduisent au moment de la #retraite. Dans le cadre de cette réforme, on prend des mesures pour corriger ces inégalités", assure @GabrielAttal à @agindre. pic.twitter.com/3njBbqsaVE
— LCI (@LCI) January 24, 2023
Deux autres arguments ressortent: «J’ai entendu beaucoup d’inexactitudes, répondait encore ce dimanche Elisabeth Borne. Cette réforme protège les femmes, notamment celles qui ont des carrières interrompues, en ne déclarant pas l’âge où vous pouvez partir sans décote, quel que soit le nombre de trimestres.»
La première ministre parle ici de l’âge de 67 ans, à partir duquel on peut partir avec une retraite pleine quelle que soit la durée de cotisation accumulée. Par ailleurs, cette réforme «protège les femmes qui ont de plus petits revenus tout au long de leur vie professionnelle», selon la cheffe du gouvernement français. «Les deux tiers des retraités qui vont bénéficier de la revalorisation des retraites minimales sont des femmes», affirme-t-elle. Mais ces arguments périphériques n’ont pas réussi à éteindre l’incendie. La question de l’effet des trimestres «maternité» et «éducation» sur l’âge de départ moyen dans le nouveau dispositif sera nécessairement au cœur des débats à l’assemblée dans les semaines qui viennent.
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