«Afin de préserver l'exemplarité de la Couronne», le roi Felipe VI, en poste depuis bientôt six ans, a annoncé dans un communiqué «sa décision de renoncer à l'héritage de l'ancien souverain Juan Carlos qui aurait pu lui revenir personnellement», a déclaré dimanche soir le palais royal, sur fond de soupçons de corruption de l'ex-souverain.

Juan Carlos Ier, âgé de 82 ans, ne percevra plus non plus la dotation annuelle qui lui était versée, de plus de 194 000 euros selon la presse. L'ancien souverain, officiellement retiré de la vie publique depuis mai 2019, est soupçonné depuis des années de détenir une fortune opaque, notamment en raison de ses liens avec les monarchies du Golfe.

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Le quotidien La Tribune de Genève a notamment affirmé que Juan Carlos avait reçu, en 2008, 100 millions de dollars (90 millions d'euros) de la part du roi d'Arabie saoudite Abdallah sur le compte en Suisse d'une fondation panaméenne. Pour sa part, le quotidien The Daily Telegraph a indiqué que Felipe VI était bénéficiaire de cette fondation.

Felipe VI prend ses distances

Dans le communiqué du palais royal, Felipe VI indique avoir appris en mars 2019 sa «supposée désignation» comme bénéficiaire de cette fondation et avoir signifié en avril devant notaire sa volonté de n'accepter «aucun bénéfice ou participation au sein de cette entité».

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Felipe VI assure par ailleurs qu'il «ignore complètement à ce jour sa supposée désignation comme bénéficiaire» d'une autre fondation qui, selon la presse, aurait financé des millions d'euros de vols en jets privés pour Juan Carlos.

Le roi d'Espagne dit aussi renoncer à «tout actif, investissement ou structure financière dont l'origine, les caractéristiques ou la finalité pourraient ne pas être en accord avec la légalité, ou avec les critères de droiture et d'intégrité régissant son activité institutionnelle et privée». Aussitôt, des réactions à gauche ont mis en cause la légitimité même du souverain. 

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La semaine dernière, la chambre des députés espagnole avait refusé l'ouverture d'une enquête parlementaire sur les soupçons de corruption visant l'ancien roi, protégé par son immunité durant ses années à la tête de l'État (de 1975 à 2014). Cette enquête avait été réclamée par le parti de gauche radicale Podemos - ouvertement républicain - dirigé par Pablo Iglesias, vice-président du gouvernement du socialiste Pedro Sanchez.

Un règne long de 38 ans

A peine intronisé, Felipe VI avait pris ses distances pour tenter de redorer l'image ternie de la monarchie. La presse critiquait déjà les frasques de Juan Carlos, qui avait dû présenter des excuses publiques en 2012 après être parti chasser l'éléphant en Afrique avec sa maîtresse d'alors, Corinna zu Sayn-Wittgenstein. L'Espagne, en pleine crise économique, avait découvert que ce safari de luxe était financé par un entrepreneur saoudien.

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Juan Carlos, retiré de la vie publique depuis mai 2019, a régné 38 ans en Espagne, où il avait accédé au trône après la mort du dictateur Franco en 1975. Il restera notamment dans l'histoire pour avoir favorisé la transition de la dictature à la démocratie en 1977 puis stoppé un putsch militaire en 1981.

La monarchie espagnole avait déjà souffert d'une affaire de corruption retentissante: en 2018, le beau-frère de Felipe VI, Iñaki Urdangarin, avait été incarcéré après sa condamnation à plus de cinq ans de prison pour détournement de subventions accordées à une fondation qu'il présidait.