Peut-être un peu moins de monde dans le métro de Londres et des parkings de supermarché pris d’assaut… Les rayonnages de pâtes, de savon et de papier toilette sont presque vides. Et les matchs de football de la Premier League ont été annulés. Mais dans l’ensemble, la journée de dimanche a paru presque normale au Royaume-Uni. A Bath, le demi-marathon a même eu lieu. Lundi matin, les écoles doivent ouvrir normalement à travers le pays. Contrairement au reste de l’Europe, le Royaume-Uni n’a pas pris de mesures drastiques de restriction des déplacements et de quarantaine.

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Certes, le pays reste relativement peu touché, avec 1372 cas positifs et 35 morts pour l’instant. La courbe des infections suit la même inflexion qu’ailleurs dans le monde, mais avec environ quatre semaines de retard sur l’Italie.

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Pari risqué

Mais la vraie explication de cette bonhomie ambiante vient du pari risqué qu’a pris Boris Johnson. Le premier ministre britannique tente une approche «d’immunité de masse». En clair, il pense qu’il est trop tard pour arrêter l’épidémie et table sur un scénario du pire où 80% de la population pourrait contracter la maladie. Dans ces circonstances, le travail des autorités n’est pas d’arrêter la propagation de la maladie mais de la ralentir – pour éviter de submerger les services de santé – et de protéger les personnes les plus vulnérables – pour réduire la mortalité.

Boris Johnson ne minimise pas les risques de la maladie. «C’est la pire crise sanitaire depuis une génération […] et je dois être honnête: de nombreuses familles vont perdre des proches.» La théorie de son gouvernement, présentée par Chris Whitty, son conseiller médical en chef, et Patrick Vallance, son conseiller scientifique en chef, suppose qu’en contractant la maladie, la majorité des Britanniques va développer une immunité naturelle. Une fois qu’un nombre suffisant de personnes aura ces anticorps, la maladie cessera de se répandre.

Dans ces conditions, le gouvernement britannique ne donne actuellement qu’un seul conseil officiel de quarantaine: sept jours d’isolement pour les personnes qui présentent des symptômes, même mineurs. Pourquoi ne pas aller plus vite et demander dès maintenant aux gens de rester chez eux en masse? «Si on fait ça maintenant, nous ne protégerons pas grand monde, explique Patrick Vallance, parce que peu de personnes sont touchées pour l’instant. Il faut le faire quand on s’approchera du pic de l’épidémie.»

Mortalité potentiellement énorme

Il estime que les mesures d’isolement ne peuvent durer qu’un temps limité, sinon, les Britanniques n’obéiront plus. «La science du comportement indique que les gens commencent avec les meilleures intentions mais que la motivation finit par s’émousser, explique Chris Whitty. Il faut qu’on attende le dernier moment raisonnable.»

Il en va ainsi de la fermeture des écoles. Si celle-ci dure trop longtemps, le risque est que des grands-parents, plus vulnérables, se retrouvent à s’occuper des petits-enfants, ce qui serait contre-productif. Même chose si on demande aux plus de 70 ans de s’isoler: la mesure est prévue «dans les prochaines semaines», mais pas tout de suite.

Cet attentisme provoque néanmoins un vif débat. «L’inquiétude est qu’on ne sait pas si on développera cette immunité de long terme», souligne Willem van Schaik, de l’Institut de microbiologie de l’Université de Birmingham. Surtout, la mortalité que cela pourra engendrer est potentiellement énorme. «En tablant de façon conservatrice sur 60% de la population atteinte et une mortalité de 0,2%, on parle de 32 000 morts», poursuit-il.