Au Royaume-Uni, virage dérégulateur et énorme plan de relance budgétaire
Outre Manche
Le gouvernement conservateur de Liz Truss va emprunter autant que lors de la crise financière. Les marchés s’inquiètent et l’opposition parle de «folie»

Le gouvernement britannique a annoncé vendredi un électrochoc budgétaire, destiné à «sortir du cercle vicieux de la stagnation pour passer dans le cercle vertueux de la croissance». Il a décidé à la fois de la plus importante baisse d’impôts depuis cinquante ans, et d’une forte hausse des dépenses pour geler les factures d’énergie des ménages et des entreprises. Dans le même temps, il prévoit une série de réformes structurelles: suspension du moratoire sur la fracturation hydraulique, annulation du plafonnement des bonus des banquiers, simplification des autorisations pour les permis de construire…
«C’est le début d’une nouvelle ère», vante Kwasi Kwarteng, le chancelier de l’Echiquier. Son objectif affiché est de doper la croissance, pour atteindre un rythme de croisière de +2,5% par an, contre environ +1,5% depuis une quinzaine d’années. «C’est une folie», a répliqué Margaret Hodge, une députée travailliste. «La première ministre et le chancelier sont comme deux parieurs dans un casino qui tentent de se refaire après une série de pertes», renchérit Rachel Reeves, chargée de l’économie au Parti travailliste.
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Ces annonces inquiètent les marchés financiers. Les obligations britanniques à dix ans se sont soudain tendues, passant de 3,5% à 3,8%, tandis que la livre sterling a chuté de 2%, à 1,11 contre le dollar, au plus bas depuis 1985.
Les baisses d’impôts étaient attendues, mais leur importance a surpris. Le gouvernement britannique réduit les cotisations sociales, l’impôt sur les plus hauts revenus et les classes moyennes, tandis que l’impôt sur les sociétés, que le gouvernement de Boris Johnson devait augmenter, va finalement rester à 19%. A cela s’ajoute le gel des factures d’électricité et de gaz pour les ménages pendant deux ans, et pour six mois pour les entreprises.
Emprunts massifs
Pour se financer, le gouvernement prévoit de réaliser des emprunts supplémentaires de 72 milliards de livres (77 milliards de francs) d’ici à la fin mars, soit une augmentation de moitié par rapport à ce qui était déjà prévu cette année. Selon les calculs de la banque Nomura, les emprunts de l’Etat britannique vont retrouver leur niveau de 2010, quand le déficit était à son maximum juste après la crise financière. L’Institute for Fiscal Studies, un groupe de réflexion, tire la sonnette d’alarme, estimant que «la dette est sur une trajectoire insoutenable».
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Kwasi Kwarteng réplique que le grand stimulus budgétaire va permettre d’accélérer la croissance et donc d’augmenter les recettes fiscales. Il promet d’y ajouter une série de réformes structurelles. Un plan de dérégulation des services financiers doit être annoncé d’ici à la fin de l’année. Un autre sur la croissance des services numériques ainsi qu’un sur la productivité dans l’agriculture sont également prévus.
Pour l’opposition, qui peinait à attaquer Boris Johnson, dont la politique économique était très interventionniste, il s’agit de pain bénit. «La théorie du ruissellement est discréditée», attaque la travailliste Rachel Reeves.