C’est typiquement le genre de nouvelles que les télévisions publiques ont horreur de diffuser. La Russie compte aujourd’hui 17 000 individus de moins qu’en janvier 2017, indiquaient hier les statistiques officielles (RosStat). Le rythme de décroissance de la population a quadruplé par rapport à la même période de 2016. La réduction du nombre de Russes va diamétralement à l’encontre du message de redressement de la nation que veut incarner Vladimir Poutine.

La principale raison de la crise démographique se trouve dans un faible taux de natalité (107 400 naissances de moins en glissement annuel), croisé avec une mortalité plus élevée qu’en Europe, bien que la situation s’améliore rapidement sur ce plan. La baisse naturelle de la population n’est qu’en partie compensée (à 85,7%) par l’afflux de migrants.

Chaque année, entre 200 et 300 000 étrangers s’installent en Russie, venant en très grande majorité des anciennes républiques soviétiques. Mais ce flux a tendance à s’étioler à cause de la crise économique en Russie et des quotas instaurés par les autorités sous la pression de mouvements xénophobes. Les immigrés représentent déjà 12% de la population russe, selon le démographe de la Haute école d’économie Vladimir Kozlov.

Une extrême disparité régionale

Selon Alexeï Rakcha, démographe à RosStat, le taux de natalité va baisser au moins jusqu’en 2030 à cause du faible nombre de femmes nées dans les années 90. Les projections démographiques des experts de l’ONU estiment que la population russe va se réduire de 20 millions de personnes d’ici 2050, pour passer de 146,8 à 123 millions d’habitants (sans compter la Crimée). La Russie s’apprête à perdre annuellement 400 000 individus à partir de 2027. Ce qui est moins, toutefois, qu’entre 1995 et 2005 – elle perdait alors le double.

À cela s’ajoute une extrême disparité régionale. Les inégalités se creusent, avec des régions qui se vident à un rythme croissant tandis qu’une poignée de grands centres urbains affichent une croissance – près de 20% de la population s’agglutinent dans la capitale. La natalité n’est forte que dans les régions musulmanes du Caucase.

Les étendues du nord et de l’est affichent des densités de population parmi les plus faibles du monde (2,7 habitants au km2) et continuent à se dépeupler. Le programme gouvernemental de repeuplement de l’Extrême-Orient russe, lancé en 2007, n’a pas porté ses fruits.

Dans les zones rurales, la mortalité a dépassé de 73 900 le nombre de naissance en 2016. Des dizaines de villages sont rayés de la carte chaque année quand leurs derniers habitants, en moyenne très âgés, décèdent.

L’homosexualité «limite la croissance de la population»

Les conséquences du phénomène sur l’économie russe ne sont pas réjouissantes. Le nombre de personnes dépassant les 70 ans va conduire à une contraction de 10% de la population active d’ici 2030, d’après une étude de la Haute école d’économie.

Le Kremlin a tenté de remédier à la crise démographique par des mesures de nature très variée. Les lois votées en 2012 contre «la propagande de l’homosexualité» sont justifiées en partie parce que cette dernière «limite la croissance de la population».

Plus ciblé, le «Capital maternel» mis en place en 2008 (7300 francs versés aux familles à chaque enfant à partir du second) aurait stimulé les naissances de second enfant mais pas au-delà. Cette mesure prend d’ailleurs fin l’année prochaine en raison du déficit budgétaire, et avec elles de nombreuses aides sociales. Ces dernières années, les dépenses prioritaires du Kremlin sont allées vers l’armée et la sécurité au détriment de la santé et de l’éducation.