Facebook va devoir se domicilier en Russie pour garder ses abonnés russes. Même chose pour Google, Amazon et toutes les entreprises étrangères présentes sur Internet qui souhaitent que leur site soit accessible sur place. Moscou hausse le ton pour garder le contrôle sur les contenus qui circulent sur territoire.

Les députés russes ont ainsi adopté en première lecture, ce mardi 1er juin, une proposition de loi qui oblige les géants du web étrangers à ouvrir une succursale, un bureau de représentation ou une entité juridique autorisée en Russie. Pourquoi? Pour pouvoir mieux les sanctionner en cas d’infractions. 

«Coopérer avec les structures étatiques»

Ces bureaux doivent «représenter les intérêts des sociétés mères et être le principal canal d’interaction avec les régulateurs russes sur le territoire», indique le texte. C'est un député du parti au pouvoir, Russie unie, Alexander Khinchtein, qui a soumis le texte, et la Douma – Chambre basse du parlement – a donné son interprétation du texte sur son site: «Les représentations des compagnies étrangères de technologies de l’information» seront tenues pour «responsables de toute infraction au droit russe», «pourront coopérer avec les structures étatiques» et devront «limiter la diffusion de contenus violant la législation russe». Sont visées les entreprises dont les contenus publiés en ligne ont une audience quotidienne supérieure à 500 000 utilisateurs russes: les américains YouTube, Google, Facebook et Twitter sont même nommés dans la note explicative accompagnant le texte.

Lire aussi: Le Kremlin rêve d’enfermer l’internet russe dans une bulle

Il ne fait aucun doute que la proposition de loi sera adoptée ces prochaines semaines. Pour le président de la Douma, Vyacheslav Volodin, les entreprises étrangères ont eu la possibilité de suivre la voie de l’autorégulation. Mais désormais, «une réglementation législative est nécessaire, y compris l’introduction de mesures de coercition appropriées – économiques avant tout», peut-on lire toujours sur le site de la Chambre basse du parlement.

Un éventail de sanctions

Les sanctions peuvent aller du ralentissement des services au blocage complet du site, en passant par le marquage des sites dans les moteurs de recherche avec des informations relatives au non-respect de la loi, l’exclusion de ces moteurs et l’interdiction de la publicité destinée aux Russes de ces plateformes.

De quoi susciter l’inquiétude dans les rangs des critiques du pouvoir, qui voient dans ces mesures des tentatives d’étouffer l'opposition et les derniers espaces de liberté d’expression. La proposition de loi a d’ailleurs été rédigée alors que les autorités russes ont multiplié ces dernières semaines leurs critiques à l'égard de ces entreprises. 

Moscou leur reproche notamment de censurer des contenus pro-russes, de ne pas le faire pour ceux qui font l’apologie des drogues ou du suicide, et de ne pas avoir supprimé des publications appelant à manifester pour soutenir l’opposant du Kremlin Alexeï Navalny. Twitter et TikTok ont alors été condamnés en avril à des amendes de 8,9 millions de roubles et de 2,6 millions, pour ne pas avoir supprimé, comme demandé, «des appels incitant des mineurs» à manifester.

Lire également: La jeunesse russe crie sur les réseaux avant de le faire dans les rues

Vladimir Poutine a déjà signé après une vague de protestations contre le pouvoir, en février dernier, une série de lois durcissant les amendes infligées pour des violations commises par les manifestants ou les géants de l’internet. Fin janvier, il avait jugé que ceux-ci étaient «en concurrence de facto avec les Etats» et dénonçait leurs «tentatives de contrôler brutalement la société.»

En 2019, la Russie s’est dotée d’une loi pour développer un internet souverain. Les autorités démentent vouloir bâtir un réseau national sous contrôle, comme c’est le cas en Chine. C'est pourtant exactement ce que craignent les ONG et les opposants. Pour rappel, les réseaux sociaux sont déjà obligés de stocker les données de leurs utilisateurs russes sur le territoire russe.