Italie
Les intempéries en Italie ont tué plus de 30 personnes à travers tout le pays, en près d’une semaine. En Sicile, le phénomène des constructions illégales a alourdi le bilan

L’Italie cherche des coupables après les intempéries meurtrières de la semaine dernière. Malgré les violentes pluies, le décès de neuf personnes samedi soir au sud-est de Palerme aurait ainsi pu être évité. Dans le village de Casteldaccia, la rivière Milicia est sortie de son lit, inondant une maison construite abusivement sur la rive. Les membres de deux familles réunies pour fêter un anniversaire s’y sont noyés. Douze personnes au total ont été tuées suite au mauvais temps dans la région.
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La petite villa construite au bord de la Milicia était en location. Un ordre de démolition de la mairie la menaçait pourtant depuis 2008. Les propriétaires avaient fait recours devant un tribunal administratif. Mais la justice ne s’étant pas prononcée, la démolition n’avait pas eu lieu.
Halte à l'«abusivisme»
La zone autour de la rivière est «à très haut risque, s’est emporté devant les médias le maire de la commune voisine, Giuseppe Virga. Nous dénonçons depuis des années une situation très grave.» A force de catastrophes naturelles et de victimes, la Péninsule s’est dotée d’un terme spécifique pour décrire ces situations: «l’abusivisme», un néologisme apparu dans le langage politique et journalistique pour indiquer la tendance à donner à l’abus un caractère systématique, presque normal, souvent utilisé pour l’immobilier. Il revient par exemple après chaque séisme.
«S’ils connaissaient les risques, pourquoi ne nous ont-ils pas avertis?» s’est désolé Giuseppe Giordano, filmé dans l’hôpital où se trouvent les membres décédés de sa famille. Une enquête a été ouverte. «Certaines constructions semblent plus près du lit de la rivière Milicia que les 150 mètres de distance imposés par la loi», a déjà indiqué le procureur Ambrogio Cartosio, après survol de la zone.
«Obstacles bureaucratiques»
Sur l’île, 1089 habitations abusives ont été détruites entre janvier 2004 et juin 2018 sur un total de 6637 ordonnances judiciaires, selon Il Corriere della Sera. Mais la Sicile n’est pas le plus mauvais élève de la botte. En Campanie, sur la même période, 97% des 16 596 structures illégales restent à démolir, contre une moyenne nationale de 80,4%.
Mais le gouvernement accuse plutôt la bureaucratie. «Souvent nous avons rencontré quelque obstacle bureaucratique pour nettoyer les abords des cours d’eau, explique le président du Conseil, Giuseppe Conte, arrivé à Palerme dimanche. Mais nous devons avoir la capacité de réorienter la législation en regardant les intérêts en jeu: à la première place, la vie humaine.»
Il a annoncé avoir «mis à disposition un milliard d’euros contre l’instabilité hydrogéologique et pour des interventions de mise en sécurité du territoire». Cette somme sera suivie de 50 autres millions d’euros pour «réguler le flux des eaux». Un Conseil des ministres pour décider de l’état d’urgence dans plusieurs régions est prévu cette semaine. Du Nord au Sud, entre pluies torrentielles et vents violents, plus de 30 personnes sont mortes en près d’une semaine.
Le vice-premier ministre, le virulent Matteo Salvini, s’est fait l’écho du chef du gouvernement. Selon le chef de la Ligue, les coupables sont «trop d’années d’incurie et un environnementalisme de salon qui ne te fait pas toucher un arbre». Le ministre de l’Intérieur était à Belluno, en Vénétie, où il a survolé les zones frappées par le mauvais temps. «La forêt vit et doit être soignée et le lit de la rivière, dragué, a ajouté le ministre. L’inertie, l’absence et l’ignorance sont parfois à l’origine de ces faits.»
L’opposition en a profité pour dénoncer les amnisties immobilières favorisant «l’abusivisme» votées par la Ligue. «Mais aujourd’hui, c’est la faute des arbres, a ironisé Nicola Fratoianni, secrétaire national de la Gauche italienne. Ils pourraient même faire passer Donald Trump pour un environnementaliste sincère.»