La parole se libère contre Tariq Ramadan. Dans le sillage de l’affaire Weinstein, où l’on appelle à dénoncer le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes, deux d’entre elles ont porté plainte contre l’islamologue pour viol. Samedi, le journal Le Parisien révélait l’existence d’une troisième victime, de harcèlement cette fois, hésitant à prendre la parole.

Le petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne des Frères musulmans bénéficie d’une forte popularité dans les milieux musulmans conservateurs. Il est par contre très contesté dans les milieux laïques, qui voient en lui le tenant d’un islam politique. A 55 ans, il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’islam.

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«J’ai adressé au parquet de Paris jeudi soir une plainte accompagnée du récit détaillé de ma cliente», a déclaré Eric Morain, l’avocat de la seconde plaignante, à l’Agence France-Presse. «Elle attend sereinement de répondre aux enquêteurs et ne parlera plus», a-t-il ajouté. Désormais, Eric Morain tente de convaincre cinq autres femmes de témoigner, voire de déposer plainte à leur tour pour des faits de viol ou d’agression sexuelle.

Le quotidien Le Monde affirme avoir consulté cette seconde plainte et parle d’une Française de 45 ans convertie à l’islam, dont il a vérifié l’identité.

Violence inouïe

Le journal décrit une scène d’agression d’une violence inouïe, dont les faits remonteraient à octobre 2009 et ne seraient donc pas prescrits. Gifles au visage, aux bras, aux seins, coups de poing dans le ventre. Fellation et sodomie imposées de force, nouveaux coups, nouveau viol. «J’ai hurlé de douleur en criant stop!», dit-elle au quotidien. Puis, selon son témoignage, Tariq Ramadan la viole à nouveau, avec un objet cette fois. «Plus je hurlais et plus il tapait», raconte-t-elle. «Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bains pour m’uriner dessus», rapporte-t-elle, expliquant qu’elle n’a réussi à s’enfuir qu’au petit matin. Selon Le Monde, la plaignante a fourni des certificats médicaux à l’appui de son témoignage.

Sur les ondes de la radio française lundi matin, Henda Ayari a raconté l'indifférence de Tariq Ramadan le lendemain de l'agression, ce dernier affirmant qu'elle avait «bien cherché» ce viol en souhaitant le rencontrer, avant de lui parler de l'importance du port du voile. 

Dénonciation d’une journaliste

Dans le magazine français Marianne, la journaliste Caroline Fourest déclarait jeudi qu’elle était au courant de la «double vie» de Tariq Ramadan, «à l’opposé de ses nombreux sermons sur la conception islamique de la sexualité», et attendait qu’une victime porte plainte pour pouvoir parler. «Dans le cas de Tariq Ramadan, il semble que nous soyons face à un comportement digne d’Harvey Weinstein, en peut-être plus violent», écrit-elle. «Une femme, Henda Ayari [la première plaignante] a eu le courage de porter plainte pour viol, agression sexuelle, harcèlement et intimidation. Bien sûr, Tariq Ramadan nie et va l’attaquer. Sur les réseaux sociaux, l’un de ses fidèles lieutenants y voit déjà un complot «sioniste international». Ce dont je peux témoigner, c’est que son récit, précis et terrifiant, ressemble énormément à celui de quatre autres femmes que j’ai rencontrées.»

L’Université britannique d’Oxford, où Tariq Ramadan est membre associé de la Faculté de théologie, a très peu réagi. «Nous sommes au courant de ces accusations et les prenons extrêmement au sérieux. A ce stade, nous ne sommes pas en position d’ajouter d’autres commentaires», pouvait-on lire dans un communiqué succinct daté du 21 octobre, ne figurant pas sur son site internet.

Une «campagne de calomnie» pour Tariq Ramadan

Au lendemain de la première plainte, Tariq Ramadan avait, via son avocat Me Yassine Bouzrou, opposé «un démenti formel à ces allégations» et à son tour porté plainte contre Henda Ayari pour «dénonciation calomnieuse».

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Samedi soir, il a publié sur sa page Facebook, un message qui dénonce une «campagne de calomnie». Il affirme qu'une «nouvelle plainte sera déposée dans les prochains jours puisque mes adversaires ont enclenché la machine à mensonges».

«Je suis depuis plusieurs jours la cible d'une campagne de calomnie qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours. Il est triste de voir nos adversaires réduits à soutenir l'imposture et la tromperie érigées en vertu», poursuit-il avant de conclure: «le droit doit maintenant parler, mon avocat est en charge de ce dossier, nous nous attendons à un long et âpre combat. Je suis serein et déterminé.»

A la suite du fleuve de témoignages dévoilés depuis deux semaines sur les réseaux sociaux, des rassemblements ont été organisés dimanche dans plusieurs villes de France contre le harcèlement et les violences faites aux femmes.