Logo Ukraine Stories

Ce texte est issu du projet «Ukraine Stories» lancé par le partenaire anglophone du «Temps» Geneva Solutions, qui traite de la Genève internationale. Il s’agit de soutenir et de publier le travail de dizaines de journalistes ukrainiens et russes qui ont perdu leur poste ou leur média mais pas leur savoir-faire.

Une campagne de financement participatif a permis de couvrir les deux premiers mois du projet. Si vous souhaitez le soutenir pour la suite, contactez-nous par email à l'adresse info[at]genevasolutions.news.

■ Quatre victoires à Moscou pour une ville capturée à Lougansk

D’après une enquête du média d’investigation Projekt, le Ministère de la défense russe a plusieurs fois déclaré la capture de mêmes villes pour embellir ses succès au front.

«Les données du Ministère de la défense contiennent beaucoup d’erreurs. Au-delà des erreurs arithmétiques, elles contredisent la géographie et le bon sens», déclarent les enquêteurs.

Le média a étudié toutes les déclarations du porte-parole du ministre de la Défense, Igor Konachenkov, du début de la guerre jusqu’au 26 juin. D’après les enquêteurs, nombre de succès sont très probablement inventés, car les données annoncées par les militaires ne résistent pas à la vérification.

«En étudiant les briefings de Konachenkov, Project a constaté qu’au moins 25 localités avaient été prises plus d’une fois par l’armée russe. Mais aucun porte-parole ne spécifie s’il s’agit d’un énième changement de main entre l’Ukraine et la Russie ou s’il s’agit d’un [vrai] succès. Ainsi, l’armée crée l’illusion d’une avancée constante de ses troupes», déclare le journal.

L’exemple le plus frappant est la ville de Kremenna dans l’oblast de Lougansk, que la Russie a «prise» pas moins de quatre fois. Projekt a réalisé un court métrage à ce sujet, dont la version intégrale sous-titrée en français est disponible sur YouTube.


■ La Syrie reconnaît l’indépendance des républiques de Lougansk et de Donetsk

Le mercredi 29 mai, le Ministère des affaires étrangères syrien a reconnu l’indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL), qui occupent 97% du Donbass en Ukraine, d’après les Russes.

«A l’ombre de la volonté conjointe et dans le but d’établir des relations dans tous les domaines, la République arabe syrienne a décidé de reconnaître l’indépendance et la souveraineté de la République populaire de Lougansk et de la République populaire de Donetsk», a déclaré une source du ministère à SANA, l’agence de presse syrienne.

La Syrie est le deuxième membre de l’ONU, après la Russie, à reconnaître l’indépendance de la RPD et de la RPL. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, toutes deux des régions séparatistes en Géorgie qui sont partiellement reconnues, acceptent également l’indépendance de ces républiques.

«Il n’y aura plus de relations diplomatiques entre l’Ukraine et la Syrie», a annoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sur son canal Telegram à la suite de la nouvelle.


■ Les femmes bouriates veulent que leurs maris rentrent d’Ukraine

Les femmes des soldats bouriates, une minorité ethnique de Sibérie, exigent le retour de leurs maris et de leurs fils partis au front il y a plus de 4 mois. Elles ont publié une vidéo sur les réseaux sociaux le mardi 28 juin, où elles font appel à Alexei Tsydenov, le dirigeant de la République de Bouriatie.

«Que la mort de chaque militaire dans cette guerre injuste soit sur votre conscience! Nous exigeons le retour de nos fils et maris dans leur patrie, a écrit Vera Partilkhaeva, l’une des épouses, sur son compte Instagram. Alexei Tsydenov, c’est avec votre consentement tacite que nos enfants sont assassinés!»

Vera a également déclaré que son mari s’était absenté pour un exercice militaire en janvier, mais qu’il était depuis en Ukraine, au sein de la cinquième brigade de chars de Tatsinsky. Depuis, son compte Instagram a été supprimé et il n’y a plus de nouvelles d’elle, d’après le média indépendant People of Baikal.

Dans la journée, un média local a attesté que le dirigeant avait contacté les femmes pour trouver une solution, mais la nouvelle a rapidement été retirée. La vidéo des épouses a également été supprimée.

Lire aussi: Ukraine Stories: En Russie, la mort des soldats désormais secret d’Etat

L’armée est l’une des seules opportunités économiques pour les Bouriates, issus d’une des régions les plus pauvres de Russie. Selon des données non officielles, ils représentent donc les plus grandes pertes parmi les militaires russes.


■ «L’influence» étrangère bientôt punie en Russie

En Russie, un nouveau projet de loi a été adopté par le parlement, la Douma, pour davantage condamner les «agents étrangers». A partir du 1er décembre 2022, les personnes «sous influence étrangère» pourront être condamnées. Aujourd’hui, seules les personnes ou les organisations qui bénéficient d’un soutien financier peuvent l’être.

Dans le projet de loi, l’influence d’un Etat, d’une organisation internationale, d’un citoyen étranger, ou d’une personne déjà condamnée par la Russie est incriminable. D’après la Douma, le Ministère de la justice établira «des critères clairs pour ce qui sera exactement considéré comme une influence étrangère».

«Cette loi est déjà l’un des outils privilégiés du gouvernement pour harceler et restreindre la presse […], a déclaré Carlos Martinez de la Serna, le directeur des programmes du Comité pour la protection des journalistes, une association à New York. Les journalistes sont dans l’incapacité de réaliser leur travail lorsqu’ils sont soumis au barrage permanent de réglementations vagues et politiques.»

Lorsque la loi entrera en vigueur, les «agents étrangers» devront signaler leur statut à leurs employés et aux autorités. Ils ne pourront plus travailler à l’Etat ou organiser des évènements publics. Par ailleurs, ils devront préciser leur statut sur leurs publications, ne pourront plus recevoir de soutien financier du gouvernement et n’auront plus le droit de travailler avec des mineurs.

«La loi sur le contrôle des activités des agents étrangers contribuera à la protection des intérêts et de la sécurité de la Fédération de Russie, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, des droits et libertés de ses citoyens», peut-on lire sur le site de la Douma.

Le Ministère de la justice prévoit de publier une liste des agents étrangers, ainsi que les noms des personnes qui leur sont affiliées, telles que les employés d’une organisation condamnée.

Les autorités publiques de la Fédération de Russie, les entreprises publiques, les organisations religieuses et les partis politiques ne peuvent pas être des agents. La loi ne prévoit pas de condamner les membres d’organisations internationales qui viennent en Russie pour des raisons professionnelles.


■ Une médaille pour les crimes russes

Viktor Zolotov, chef de la Garde nationale russe qui participe à la guerre en Ukraine, a dévoilé lundi 27 juin la création d’une médaille commémorative pour «l’opération spéciale», d’après le média indépendant Meduza.

Au recto de la médaille se trouve un soldat avec une mitraillette sur fond de lettre Z, symbole de soutien à la guerre. Au verso se trouve un aigle, emblème de la Garde nationale.

La médaille sera décernée aux soldats de la Garde nationale qui ont participé à «l’opération militaire spéciale». L’arrêté ne précise pas de quelle opération il s’agit.

Hormis les militaires, les personnes distinguées pour avoir aidé la Garde nationale pourront également se voir remettre la médaille.

La Garde russe participe à la guerre en Ukraine, que les autorités russes autorisent seulement à qualifier d'«opération militaire spéciale». Elle surveille en particulier les territoires occupés et les installations industrielles.


En Russie, l’explosion du centre commercial ukrainien passe inaperçu

Les autorités ukrainiennes ont annoncé qu’une frappe russe avait fait 20 morts, 25 blessés et 40 disparus dans le centre commercial de Krementchouk. La ville d’Ukraine centrale est officiellement en deuil.

A la suite de l’attaque, l’ambassadeur russe adjoint aux Nations unies, Dmitri Polianski, a déclaré qu’il y avait des incohérences dans les récits ukrainiens. «Il semble que nous ayons affaire à une nouvelle provocation comme avec [Boutcha]», a-t-il tweeté.

L’agence de nouvelles indépendante Agency. News a relevé que les médias officiels du pays n’ont pas ou très peu mentionné l’attaque. L’agence de presse russe TASS ainsi que la chaîne de télévision officielle RIA Novosti ont repris les propos de l’ambassadeur.

Plus tard dans la soirée, le Ministère de la défense russe a déclaré qu’un incendie avait été déclenché dans un centre commercial désaffecté à la suite du bombardement d’un hangar à proximité, qui abritait des armes européennes et américaines. En réalité, l’incendie a été causé par des missiles tombés sur le complexe.

D’après Reuters, la ville a été frappée par deux missiles de longue portée. Les dirigeants du G7 et le président ukrainien Volodymyr Zelensky discutaient de l’approvisionnement en armes de l’Ukraine et des sanctions contre la Russie lors de l’attaque.


■ Ces enfants ukrainiens retrouvés en Russie

Le journal indépendant russe Verstka a publié une enquête sur les enfants ukrainiens présents en Russie. Il s’agit pour la plupart de petits dont les parents se battent, d’orphelins ou d’écoliers en internat.

D’après l’adjoint au maire de Marioupol, Pyotr Andryushchenko, près de 270 enfants ont été transférés de la ville portuaire vers le village de Zolotaya Kosa, situé à une centaine de kilomètres, côté russe.

Les représentants de la région de Rostov en Russie, dans laquelle le centre se situe, ne cachent pas qu’ils ont accueilli des enfants, mais affirment qu’il s’agit uniquement d’orphelins des républiques autoproclamées populaires de Lougansk et de Donetsk (RPL et RPD), alliées de la Russie.

Le centre dans lequel ont été placés plus de 400 enfants ukrainiens âgés de 2 à 18 ans selon les sources de Verstka, était auparavant un complexe sportif pour les jeunes Russes de la région. Il a été reconverti en centre d’hébergement temporaire.

D’après les journalistes Anna Ryzhkova et Petra Prokhazkova, le centre dans lequel se trouvent ces enfants bénéficie de deux grandes piscines, de terrains de basket, de volley et de foot. De plus, des soirées dansantes sont organisées pour les plus âgés et certains enfants bénéficient de soutien psychologique.

Nombreux sont ceux qui veulent rentrer chez eux, d’après le témoignage d’un des volontaires du centre, mais cela n’est pas prévu.

A Moscou, 27 enfants transférés le 23 avril dernier depuis la RPD autoproclamée ont été temporairement placés en famille d’accueil. Mais le gouverneur de la région, Andrey Vorobyov, a déclaré vouloir légaliser leur adoption. De plus, le 30 mai, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret simplifiant l’obtention de la citoyenneté russe pour les orphelins de RPD, RPL ou d’Ukraine. Cela faciliterait le processus d’adoption.

En temps de guerre, il est interdit de transférer des enfants des territoires attaqués vers ceux de l’Etat agresseur. D’après la Convention de Genève, cela constitue un crime de guerre. Selon la ministre de la Politique sociale en Ukraine, Maryna Lazebna, environ 7000 orphelins ont été évacués de zones de conflit vers la Pologne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, mais certains n’ont pas pu bénéficier de couloirs humanitaires.

«Si la Russie faisait preuve d’un peu d’humanité, elle nous aurait au moins dit: «Nous avons enlevé tels et tels enfants à Marioupol. Parlons de ce qui va leur arriver ensuite», dit Maryna Lazebna. Mais ils ne communiquent pas du tout avec nous.»

D’après le média, plus de 2000 enfants ont été transférés vers la Russie.

De leur côté, les autorités russes insistent sur le fait qu’ils sauvent les enfants des forces ukrainiennes. Début avril, Anna Kuznetsova, la vice-présidente de la douma d’Etat, le parlement russe, a déclaré que «pas un jour ne s’est écoulé» sans que des familles russes lui écrivent pour aider les orphelins et les accueillir chez eux.


■ Stepan Bandera, la figure nationaliste controversée de l’Ukraine

Considéré comme le héros national qui a combattu la domination soviétique par certains et comme un fasciste responsable de dizaines de milliers de morts par d’autres, Stepan Bandera (1909-1959) divise profondément.

Stepan Bandera était le leader de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), un groupe radical formé en 1929 dans l’ouest du pays, un territoire alors polonais. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’OUN a collaboré avec les nazis dans l’espoir d’obtenir leur soutien pour la création d’une Ukraine indépendante. L’OUN est revenue sur sa position en 1941, lorsque l’Allemagne a indiqué ne pas soutenir ce projet. Pendant cette période, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) la branche armée de l’OUN, a été créée et est tenue responsable de nettoyages ethniques en Volhynie, en Pologne.

Bien que Bandera ait été le leader du mouvement de libération, il n’a ni directement pris part à ces actions, ni directement participé au mouvement antisoviétique. Mais à partir des années 1980, il a été considéré comme une figure de proue par les militants d’extrême droite d’Ukraine occidentale.

Pour l’historien Serhy Yekelchyk, Stepan Bandera a connu un renouveau durant la guerre de 2014. «[Son image] est devenue un symbole d’opposition au régime pro-russe corrompu et a perdu presque tout lien avec le véritable Stepan Bandera, qui était un ardent défenseur du nationalisme ethnique exclusif.»

Aujourd’hui, Stepan Bandera est au cœur de la rhétorique russe. Dans son discours du 9 mai, Vladimir Poutine a mentionné ses partisans: «Tout indiquait qu’un affrontement avec les néonazis, les banderites, soutenus par les Etats-Unis, […] était inévitable.»

La journaliste ukrainienne Mariana Tsymbaliuk s’est entretenue avec Yaroslav Korytchuk, historien et directeur du Musée Stepan Bandera à Ivano-Frankivsk. Ses réponses sont largement partagées par les Ukrainiens.

GS News: Qui étaient Stepan Bandera et ses partisans, les banderites?

Yaroslav Korytchuk: Au milieu du XXe siècle à l’ouest de l’Ukraine, les mouvements de libération ukrainien, l’OUN et l’UPA, ont lutté contre deux régimes totalitaires: les nazis et les communistes. Ils se sont battus non seulement physiquement, mais également idéologiquement, c’est-à-dire pour la langue, l’éducation et la culture ukrainienne.

Stepan Bandera est le leader de ce mouvement radical. Ceux qui ont soutenu ses idées sont connus sous le nom de «banderites».

Si les banderites ont combattu les Allemands, pourquoi la Russie les appelle-t-elle nazis?

Selon l’Union soviétique, l’UPA a collaboré avec Hitler et la Russie continue d’utiliser cette propagande. Le pays a inventé cet ennemi pour justifier la guerre par une «cause honorable».

Comment êtes-vous sûr que Stepan Bandera n’a pas collaboré avec les fascistes?

Selon Stepan Bandera, les Ukrainiens ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour devenir indépendants, car les Soviétiques et les Allemands ne se souciaient pas d’eux. A partir de 1941, Bandera a passé trois ans dans un camp de concentration et deux de ses frères ont été tués par les nazis.

Beaucoup de gens avaient peur des banderites. Quel genre de soldats étaient-ils?

Il est vrai que des milliers de nazis et d’employés du Commissariat du peuple aux affaires intérieures soviétique ont été tués par les banderites. Pendant dix-huit ans, l’UPA a lutté contre les plus grands despotes du monde. Ils ont été cruels avec les occupants parce qu’ils défendaient leur propre territoire.

Pourquoi Bandera a-t-il divisé les Ukrainiens jusqu’à récemment?

Tout d’abord, l’UPA s’est battue en Ukraine de l’ouest où elle a profité des montagnes et des forêts pour se cacher. Les habitants de l’est du pays n’ont pas vraiment assisté au mouvement de libération et ne l’ont donc pas vraiment compris. Ils étaient plus proches de la Russie géographiquement, ethniquement et linguistiquement.

Et il ne faut pas oublier que les Soviétiques ont occupé l’ouest de l’Ukraine en 1939 alors que l’est du pays faisait partie de l’URSS depuis 1919.

Quel est l’objectif de la propagande anti-bandérite russe?

Poutine cherche à créer des hostilités entre l’est et l’ouest de notre pays. Il essaye d’utiliser la rhétorique soviétique à propos des banderites pour que les habitants de l’est voient les soldats russes comme leurs libérateurs des nazis-banderites.

Bandera est un symbole de la résilience ukrainienne. Il a inspiré d’autres personnes à lutter pour l’indépendance. C’est aussi pour cela que Poutine veut le discréditer.

Comment la guerre a-t-elle changé la perception des banderites dans l’est de l’Ukraine?

Depuis le début de la guerre, Poutine appelle tous les Ukrainiens des «banderites», indépendamment de leur origine. Cela a suscité un intérêt accru pour Stepan Bandera et de nombreuses personnes se sont intéressées à lui.

En huit ans de guerre, beaucoup d’Ukrainiens se sont également penchés sur l’histoire de leur pays. Selon l’ONG Rating, 47% des Ukrainiens voyaient Bandera d’un œil positif en 2018. En 2021, ce chiffre est passé à près de 80%.

Un article de Mariana Tsymbaliuk


■ Rachats d’Iphones auprès de revendeurs pour ravitailler la Russie

Suite à l’invasion de l’Ukraine, Apple, Samsung et d’autres fabricants ont cessé de fournir des articles à la Russie. Le 21 juin, la Douma, le parlement russe, a approuvé une loi sur les «importations parallèles», c’est-à-dire l’acheminement de produits sans l’accord des fabricants, par le rachat auprès de détenteurs étrangers de droits.

La chaîne Svyaznoy est le premier grand magasin russe à utiliser cette méthode pour importer des articles électroniques, d’après le quotidien Kommersant. Le magasin vendra des smartphones et montres Samsung, les derniers modèles d’iPhones, et des consoles de jeux PlayStation, Nintendo et Xbox. Les articles coûteront 10 à 20% plus cher qu’avant le début de la guerre.

Une source a déclaré au journal que les fabricants peuvent bloquer les appareils en les retraçant grâce à leurs numéros de série. Cependant, étant donné que les appareils sont importés des pays membres de l’Union économique eurasiatique (UEEA) dont fait partie l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan, cette probabilité est minime, d’après les experts.

«Tous ces articles sont destinés aux pays de l’UEEA, il n’y aura donc aucun problème d’activation des appareils, a déclaré un représentant de la grande surface. Tous les appareils sont couverts par le réseau.»

Svyaznoy n’a pas précisé qui importe exactement les équipements. Les principaux distributeurs d’électronique ont refusé de faire un commentaire ou n’ont pas répondu aux questions du quotidien.


■ L’armée ukrainienne se retire de Severodonetsk

L’armée ukrainienne a reçu l’ordre de se retirer de Severodonetsk, la capitale de la région de Lougansk. Le responsable de l’administration régionale, Serhiy Haidai, l’a annoncé sur les principales chaînes de la télévision ukrainienne le matin du 24 juin.

«Nous avons pris la décision de retirer nos soldats. Mais ce n’est pas une trahison. Personne n’abandonne nos hommes et personne ne les laissera être encerclé», a déclaré le chef.

Pour Kyrylo Sazonov, un politologue ukrainien qui se bat à l’est du pays «la seule chose que je peux dire, c’est Dieu merci, nous sommes sortis de Severodonetsk».

Les évacuations de civils avaient débuté en avril. Début mai, le réseau téléphonique et internet ont été coupés. Suite aux bombardements ininterrompus, les hôpitaux, les pompiers, les services publics de la ville et les autorités locales ont aussi cessé de fonctionner.

Arif Bagirov est blogueur et bénévole. Il a vécu toute sa vie à Severodonetsk mais suite à la réduction en cendre de sa maison, il s’est réfugié à Bakhmout, à 70 km au sud-ouest de sa ville natale, dans la région de Donetsk.

«J’ai quitté la ville à vélo le 21 mai, explique-t-il. Pour moi, il s’agit du moyen de transport le plus pratique car je suis un cycliste expérimenté.»

Avant son départ, Arif aidait les musées à préserver leur collection et livrait des articles de premières nécessités. Il a également tenté de convaincre le plus de personnes possibles à évacuer, mais beaucoup sont restés. Parmi eux, certains ne croyaient pas que les Russes détruiraient la ville, d’autres ne voulaient tout simplement pas quitter leurs maisons, et d’autres encore attendaient les occupants.

«Je ne sais pas comment la ville sera reconstruite. Comme on dit, c’est moins cher de racheter une voiture que de la réparer», a déclaré le blogueur.

Dans les montagnes de la région, il reste 4000 habitants sans électricité, eau courante, gaz et aide humanitaire. D’après Oleksiy Babchenko, responsable de la communauté rurale de Lougansk, l’armée russe occupe ce territoire.

Pendant ce temps, dans les villes de Severodonetsk et de Lyssytchansk, à 10 km, le responsable de l’administration de Severodonetsk, Roman Vlasenko, a déclaré que les troupes russes progressaient à l’aide d’avions et de missiles balistiques soviétiques Tochka-U. Selon lui, il reste environ 7000 à 8000 personnes à Severodonetsk et 10 000 à Lyssytchansk. Avant l’invasion russe, 100 000 personnes vivaient dans chacune de ces villes.

Olga Golovina est une journaliste ukrainienne.


■ «Poutine veut reprendre Kharkiv»

Le 22 juin 1941, Hitler lance l’attaque sur l’Union soviétique. Les villes ukrainiennes en sont ses premières cibles. 81 ans plus tard, la semaine a été sanglante dans la deuxième ville d’Ukraine.

Le 19 juin dernier, un missile russe tombe sur l’école militaire de Kharkiv. Le lendemain, le président ukrainien Volodymyr Zelensky déclare: «L’armée russe essaye désormais de rassembler ses troupes pour attaquer Kharkiv à nouveau. Nous avons libéré cette région, mais ils veulent [la] capturer à nouveau.»

Dans la nuit du 20 juin, deux roquettes ont complètement détruit une école utilisée comme centre humanitaire. Le soir suivant, la moitié d’une autre école et du dépôt de trains de Saltivska ont été détruits. Trois personnes ont été tuées et sept autres blessées.

Suite à la dizaine de bombardements dans la zone résidentielle de Kharkiv le 21 juin en pleine journée, cinq personnes ont été tuées et 11 autres blessées. Une colonne de fumée noire était visible dans toute la ville. L’une des victimes était Raisa Kozakova, une femme de 85 ans qui avait survécu à la Seconde Guerre mondiale. Le même jour dans la banlieue, une fillette de 8 ans a été tuée et sa mère blessée.

Le soir même, à Tchouhouïv, à 40 km au sud-est de Kharkiv, six civils ont été tués dans des bombardements qui ont également blessé quatre personnes et causé trois incendies. Pendant ce temps, à 40 km au nord-ouest de Kharkiv, Zolochiv a été bombardé. Trois morts, un homme et deux femmes, ont été retrouvés sous les décombres.

Le lendemain, le 22 juin, un tir de missile a détruit une maison de deux étages à Zolochiv, causant un mort. Le même soir, à Tchouhouïv dans le sud-est, de nouveaux bombardements ont détruit des habitations et fait deux morts et deux blessés. Dans la matinée du 23 juin, une nouvelle frappe a tué un civil.

La ville de Tchouhouïv a connu le plus grand nombre de morts de civils depuis le début de la guerre.

Stanislav Kibalnyk est un journaliste ukrainien basé à Kharkiv.


L’Ukraine en route vers l’UE

Jeudi 23 juin, l’Ukraine et la Moldavie ont officiellement obtenu le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. La décision a été prise dans la soirée par le Conseil européen. Si ces deux pays deviennent membres, il s’agira de la plus grande expansion du territoire de l’Union, depuis l’adhésion des dix pays d’Europe de l’Est en 2004.

«Il s’agit d’un moment unique et historique dans les relations UE-Ukraine. L’avenir de l’Ukraine est dans les rangs de l’UE», a écrit le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur son compte Twitter.

Depuis son indépendance en 1991, l’Ukraine a connu la Révolution orange en 2004, et en 2014 la Révolution de Maïdan, l’annexion de la Crimée et l’occupation du Donbass. Le 28 février, quatre jours après l’invasion de son territoire par la Russie, Volodymyr Zelensky demande à bénéficier d’une «procédure spéciale» pour permettre à son pays d’adhérer à l’UE. Quelques semaines plus tard, dans le courant du mois de mars, le président ukrainien dépose officiellement sa demande d’adhésion.

C’est la première fois qu’une demande est déposée par un pays en guerre. Bruxelles a par ailleurs modifié ses règles pour accélérer la procédure d’admission de l’Ukraine, qui, il y a six mois, n’envisageait même pas que sa candidature soit acceptée.

D’après une étude datant du 18-19 juin réalisée par l’ONG Rating, 87% des Ukrainiens soutiennent l’adhésion de leur pays à l’UE. Seuls 4% s’y opposent.

«Une fois, à l’aéroport de Rome Fiumicino, lorsque je faisais la queue pour les passeports non UE, un garde-frontière italien a dit: «L’Ukraine fait partie de l’Europe». Je me suis mise à pleurer. A l’époque, j’avais l’impression que nous étions les deux seuls de l’aéroport à le savoir. Désormais, le monde entier le sait officiellement», déclare Lisa Tatarinova, habitante de Kiev.

Mais la candidature n’est qu’une première étape et devenir membre pourrait facilement durer une décennie, d’après les experts politiques.

«Il est trop tôt pour se réjouir. Il faut attendre et regarder. Combien de fois avons-nous été déçus suite à des promesses qui n’ont pas été tenues? Cela ne fait aucun sens d’être trop optimiste», a déclaré Oksana Borovik de Kiev.

La Russie n’a pas réagi à la décision de Bruxelles, mais a intensifié ses opérations à Severodonetsk, dans la région de Lougansk, d’où les soldats ukrainiens ont reçu l’ordre de se retirer pour éviter d’être encerclés.

Olga Golovina est une journaliste ukrainienne.


■ Le transport routier russe au bord de la faillite

Les sanctions imposées à la Russie interdisent l’entrée de marchandises en Europe. Pendant ce temps, l’acheminement de biens qui ne sont pas interdits continue depuis l’Europe vers la Russie.

D’après un rapport de l’organisme russe Association des transporteurs routiers internationaux, ce déséquilibre permet aux affréteurs européens de quasiment tripler les coûts du transport. En Russie, par contre, les prix ont chuté de 13% suite au surplus d’offre présent à l’intérieur du pays.

Selon les chiffres rapportés dans le média pro-gouvernement RBC, les entreprises russes ont déjà déboursé en transport 68 milliards de roubles (1,2 milliard de francs suisses) de plus que dans les années précédentes. Une somme qui pourrait augmenter jusqu’à 333 milliards de roubles (5,9 milliards de francs suisses) si des mesures ne sont pas prises.

La situation actuelle pourrait conduire une grande partie de l’industrie du transport routier à la faillite.


■ Ces opposants qui refusent toujours de quitter la Russie

Début mai, Le Temps a publié les témoignages de militants russes qui refusent de quitter leur pays. A l’époque, le pays comptait 35 affaires pénales et plus de 600 rapports administratifs pour discours anti-guerre. Il y en a désormais plus de 53 et 1938, respectivement. Le journaliste Ivan Zhilin a rencontré des opposants qui continuent à condamner la guerre tout en vivant en Russie.

«Je ne peux pas laisser mon pays aux orques»

A 8h30, le 10 juin, quelqu’un frappe à la porte de Yaroslav Shirshikov, un rédacteur publicitaire d’Ekaterinbourg. Deux hommes en civil présentent leurs badges.

«Nous vous arrêtons pour vos vues anti-guerre», dit l’un d’eux à Yaroslav, incrédule. Avant sa détention, il s’était opposé à la guerre à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux. Il avait également publié des messages pacifistes et s’était promené en ville avec un t-shirt sur lequel était écrit: «Shirshikov est contre la guerre».

Yaroslav ne s’est jamais rendu en Ukraine, même s’il rêve de visiter Kiev et Odessa. «Je n’ai, malheureusement ou heureusement, ni parents ni amis là-bas, a-t-il dit. Mais mon film préféré est Seuls les vieux vont au combat [un drame culte à propos de pilotes de la Seconde Guerre mondiale, produit en Ukraine en 1973]. Le personnage principal, un pilote militaire appelé «Maestro», est Ukrainien et son mécanicien est Russe.»

Les agents qui ont arrêté Yaroslav l’amènent au poste de police et rédigent un rapport administratif qui l’accuse de «discréditer l’armée». «Ils ne m’ont ni battu ni insulté, ils m’ont juste informé que je devais payer une amende de 50 000 roubles (907 francs suisses)», explique Yaroslav. Pour payer, il espère pouvoir compter sur l’aide des militants russes, qui sont mieux organisés que jamais, d’après lui.

Lire aussi: En Russie, «discréditer» l’armée coûte cher

Malgré cette situation, le militant n’a pas l’intention de quitter la Russie sous la pression des siloviki [les employés de l’Etat ou de l’armée qui ont le droit d’user de la force contre les civils]. «Jamais. C’est mon pays, ma patrie. Ce sont ceux qui ont déclenché la guerre contre l’Ukraine qui devraient partir. Beaucoup d’intellectuels ont quitté la Russie et s’ils partent tous, il ne restera plus que les orques ici. Et je ne peux pas leur laisser mon pays.»

«La langue russe est plus libre en Ukraine qu’en Russie»

Les manifestations anti-guerre qu’a connues Ekaterinbourg ce printemps ont fait partie des plus importantes du pays. Si quasiment tous les médias de la ville ont traité le sujet, seuls certains ont été accusés de «discréditer l’armée russe». Cela a été le cas du site d’information Vecherniye Vedomosti qui a été condamné à une amende de 150 000 roubles (2600 francs suisses). Pour une rédaction de six employés, c’est un coup dur.

Son rédacteur en chef, Vladislav Postnikovil, estime que son média a été puni à titre d’exemple pour les autres publications indépendantes. Il admet avoir été désemparé au début de la guerre, car il ne pensait pas que Poutine franchirait la frontière de l’Ukraine. «Les premiers jours de la guerre, il m’était impossible de penser clairement», dit-il.

C’est à cause d’une publication Telegram à propos de l’arrestation d’un artiste anti-guerre, que le Ministère de l’intérieur a inculpé Vecherniye Vedomosti. Une photo, dont les parties susceptibles d’attirer les représailles des autorités étaient floutées, accompagnait la nouvelle. «A ce jour, aucun responsable n’a été en mesure de m’expliquer clairement comment les mots publiés discréditaient l’armée russe», déclare Vladislav Postnikov.

Pour le rédacteur en chef, la langue russe est opprimée dans son propre pays: «La langue russe dans mes textes est de plus en plus déformée. Nous ne pouvons plus utiliser certains mots comme «guerre», «invasion», «agression» et d’autres mots qui «discréditent» l’armée, explique-t-il. En Ukraine, n’importe quel journaliste peut écrire en vrai russe, car aucun mot n’y est interdit. Le russe est plus libre en Ukraine qu’en Russie.»

Beaucoup de ses connaissances ont été amendées à répétition par ces lois. D’autres ont quitté le pays, une privation de la liberté d’après le rédacteur. Lui ne quittera pas la Russie: «Je ne fais rien d’illégal, et j’espère que la vérité finira par vaincre.»

«Désormais, notre seul but est de garder les enfants en vie»

Le 2 juin, Dmitri Zhebelev a été amendé de 30 000 roubles (530 francs suisses) par le tribunal Dzerzhinsky de Perm, à 360 km ou nord-ouest d’Ekaterinbourg. Il est le créateur de la Fondation Dedmorozim qui soutient les orphelins et les enfants gravement malades par la collecte de fonds et l’attribution de logements.

Il a été accusé de «discréditer l’armée russe» par ses publications sur les réseaux sociaux. En effet, le 18 avril il a publié sur Vkontakte [le Facebook russe] «Tout se passe comme prévu» avec des statistiques du Ministère de la défense, de l’Unicef et de l’ONU sur le nombre de morts parmi les militaires et les civils.

Ce n’est pas la première fois que Dmitri est accusé mais il continue à s’opposer à la guerre. Il a aussi qualifié «l’opération spéciale» d'«infanticide» à cause des morts parmi les soldats de moins de 20 ans de la région de Perm. Enfin, il a cité Vladimir Poutine sur la nécessité de mettre les habitants du Donbass en sécurité, et a publié le nombre de civils tués dans la région de Donetsk depuis le début de la guerre.

«Notre fondation est en mode survie car il y aura clairement des problèmes avec l’importation des médicaments, déclare Dmitri. Nous ne pouvons plus travailler sur des projets pour éliminer les causes systématiques de désavantage social et notre seule tâche consiste désormais à garder en vie les enfants que nous aidons.»

Ivan Zhilin est journaliste à Ekaterinbourg. Certaines de ces interviews ont été réalisées pour TV-2, qui a été fermée par les autorités russes. Mais l’agence basée à Tomsk continue de fonctionner sur les réseaux sociaux et raconte les histoires de ceux qui s’opposent à la guerre.

Lire l’article en entier sur Geneva Solutions (en anglais)


■ En Russie, la réécriture des livres d’histoire

En Russie, la propagande s’intensifie: à la rentrée prochaine, les écoles auront une levée de drapeau, et les autorités projettent de réécrire les manuels d’histoire. Début mars déjà, les écoles et les universités russes ont reçu des manuels d’instruction qui expliquent comment parler de la guerre aux élèves.

Le média indépendant russe Cherta a rencontré des enseignants et des experts pour comprendre comment la guerre en Ukraine affecte le système éducatif russe.

«Nous devions prendre une photo en classe pour prouver que la leçon avait été donnée, c’était horrible, raconte Alexei (prénom d’emprunt), un enseignant dans une école rurale de la région d’Oudmourtie, à 1200 km à l’est de Moscou. «On a dû parler aux enfants de l'«opération spéciale contre les nazis» et du fait que l’Ukraine n’existe pas», a-t-il ajouté.

Selon Daniel Ken, responsable de l’Alliance syndicale des enseignants, il n’est pas obligatoire de suivre les instructions de la propagande car elles ne font pas partie du programme scolaire. Tout dépend du zèle des directeurs d’école. D’après lui, la propagande n’est pas aussi efficace sur les enfants des grandes villes et dans les familles de classes sociales supérieures, mais elle peut convaincre les enfants plus jeunes.

Une position ouvertement antiguerre peut engendrer un renvoi, des poursuites administratives ou même des accusations criminelles. L’une des premières victimes des nouvelles lois a été Irina Gen, une enseignante d’anglais à Penza, à 570 km au sud-est de Moscou. L’une de ses élèves a rapporté à ses parents les vues antiguerre de l’institutrice Ces derniers l’ont dénoncée.


■ A une époque, les céréales suisses ont aussi été pillées par l’armée russe

Les images des caméras de vidéosurveillance dans un bureau de poste biélorusse sont devenues mondialement célèbres au début du printemps. On y voit des centaines de soldats russes qui envoient chez eux des climatiseurs, des réfrigérateurs, des téléviseurs, des centaines de vêtements et de pièces détachées. Toutes ces affaires ont été volées en Ukraine.

De nombreuses personnes ont été choquées par ces images mais ce n’est pas la première fois que les soldats russes se comportent ainsi.

Les actions du maréchal Souvorov sont extrêmement bien documentées. En 1799, il a traversé les Alpes suisses avec ses troupes et des dizaines d’articles relatent ses exploits.

«Comment oublier les souffrances et la famine que le passage de cette armée a apportées au peuple de nos contrées. La population devait subvenir aux besoins de milliers d’hommes, en fournissant des céréales, du fourrage, du pain, de la viande et du vin, sans compter les prêts forcés, que personne ne nous a jamais rendus», écrit Vicari Francesco dans la «Campagne de Souvorov à travers les Alpes suisses en 1799».

Quelques années plus tard, les militaires russes raconteront eux-mêmes leurs pillages en Champagne, dans la France de Napoléon.

«Le château de Brienne […] a été livré au pillage […]. Nous avons trouvé, entre autres, une bibliothèque unique et un cabinet d’histoire naturelle. Sur le mur était accroché un crocodile et quelqu’un a eu l’étrange idée de couper les cordes qui le retenaient. L’énorme bête africaine s’est écrasée avec un terrible fracas sur les armoires dans lesquelles des coquillages, des minéraux et divers animaux étaient exposés. Le rire qui a accompagné cette chute écrasant une collection onéreuse en temps et en argent, était vraiment cannibale», décrit le lieutenant general Alexandre Mikhailovsky-Danilevsky dans Notes de 1814.

L’héritier de cette méthode de pillage a été l’Armée rouge. Après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le maréchal soviétique Gueorgui Konstantinovitch Joukov se fait renvoyer par Staline, les autorités retrouvent chez lui énormément d’objets volés en Europe: 194 meubles de valeur, 483 fourrures, 4000 mètres de tissu, 44 tapis, 55 tableaux de musée, et 7 boîtes en cristal.

Plus tard, dans les années 1990, l’armée à même pillé son propre pays en Tchétchénie, où des voitures, des meubles, des appareils électroménagers, des vêtements, des chaussures et des ustensiles ont été confisqués aux habitants. Ceux qui n’ont pas réussi à piller la Tchétchénie se sont fait de l’argent pendant la guerre de Géorgie, en 2008 et la nouvelle génération de l’armée se fait désormais la main en Ukraine.

Sergueï Kariuk est un journaliste ukrainien pour la chaîne de télévision 2+2. Il est également scénariste et éditeur, ainsi que l’auteur de romans policiers.


Le Russe Dmitri Mouratov vend sa médaille Nobel pour soutenir les Ukrainiens

Dmitri Mouratov, le rédacteur en chef du média russe Novaïa Gazeta, a vendu lundi 20 juin sa médaille du Prix Nobel de la paix qui lui a été décernée en octobre 2021. Mise aux enchères à New York par la maison de vente Heritage Auctions, la médaille a été achetée pour 103,5 millions de dollars (99,8 millions de francs suisses) par un acquéreur anonyme. La totalité de la somme est destinée à l’Unicef.

«Nous avons décidé de mettre aux enchères une médaille en or, célèbre, lourde, la médaille qui accompagne le Prix Nobel de la paix. L’argent ira aux enfants réfugiés. Où qu’ils soient: dans les pays européens, en Ukraine ou en Russie», a déclaré le journaliste.

C’est la première fois que l’Institut Nobel norvégien a approuvé la vente de l’une de ses médailles pour récolter des fonds.

Le rédacteur en chef avait annoncé cette action à la suite de la guerre en Ukraine, et avait souligné que cette décision était soutenue par tous les employés de son journal. Depuis fin mars, le site de Novaïa Gazeta est bloqué en Russie et la rédaction publie désormais son travail sur Novaïa Gazeta. Europe.

Lire aussi: Le nouveau journal indépendant russe «Novaïa Gazeta.Europe» paraît dans les kiosques en Lettonie

Le même jour, le groupe a annoncé la création en Suisse de l’association des Amis de Novaïa Gazeta Europe pour promouvoir la liberté de la presse et d’expression.


■ Des salaires en sarrasin, sucre et ragoût en Ukraine occupée

Depuis quatre mois, la ville de Starobilsk, située dans la région de Lougansk, vit sous occupation russe et les conditions de vie s’y détériorent.

Le nouveau gouvernement n’arrive plus à rémunérer les employés en argent. Au lieu de cela, dans certains jardins d’enfants, les salaires sont versés en sarrasin, en sucre et en ragoût. Dans le centre de détention provisoire de Starobilsk, en saucisses. Même les habitants qui ont collaboré avec les occupants et qui sont dans les bonnes grâces des nouvelles autorités, n’ont toujours pas été payés.

La république autoproclamée a mis en place un taux de change extrêmement défavorable pour la hryvnia ukrainienne face au rouble. Les bancomats des banques ukrainiennes n’existent plus, et ceux qui désirent retirer des hryvnias de leur compte en banque, doivent verser 20 à 40% de la somme à des «barons» locaux. Il n’y aura bientôt plus d’espèces.

Les occupants viennent d’achever la construction de la voie ferrée qui relie désormais Starobilsk à la Russie. Elle devrait permettre l’exportation massive des céréales produites dans la région occupée. Certains redoutent une pénurie prochaine de farine et de pain dans la ville. Le 10 juin, un premier convoi a acheminé 900 tonnes de céréales vers Rostov-sur-le-Don, à près de 300 km au sud de Starobilsk.

Ksenia Novitska est une journaliste ukrainienne.


■ Kiev ratifie la Convention contre les violences faites aux femmes

En pleine guerre, la Rada – le parlement ukrainien – a ratifié la Convention d’Istanbul ce lundi 20 juin. Cette convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, signée en 2011, est le premier traité international à fixer des normes juridiquement contraignantes pour parer aux violences sexistes.

La convention repose sur la prévention et la protection des victimes de violences, ainsi que la poursuite des auteurs et la coordination des politiques au niveau européen. Le mariage forcé, les mutilations génitales, le harcèlement, les violences physiques et psychologiques et les violences sexuelles sont punis par ce texte.

Le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté la convention le 7 avril 2011. Elle a été signée par tous les Etats membres, à l’exception de l’Azerbaïdjan et de la Russie. En Suisse, le texte a été signé le 11 septembre 2013 et a été appliqué dès le 1er avril 2018.


La gifle des dessins de presse ukrainiens

Entre liberté d’expression et reconnaissance internationale, trois dessinateurs de presse ukrainiens reviennent sur leur expérience de la guerre.

«Les Russes sont hypnotisés par la télévision»

«La caricature est une arme qui est tout aussi efficace que les mots des journalistes. Eux, utilisent leur stylo, nous, notre crayon», déclare Alexander Barabanshchykov, un dessinateur originaire d’Odessa.

«Auparavant, je dessinais souvent des politiciens ukrainiens tels que [l’ancien président] Petro Porochenko. Je n’ai jamais été attaqué pour mes caricatures, car en Ukraine on peut s’exprimer librement.»

Aujourd’hui, le dessinateur puise son inspiration dans la guerre en Ukraine et l’alliance entre la Biélorussie et la Russie. Il a récemment exposé son travail à Odessa, avec 40 autres dessinateurs de 12 nationalités.

«J’ai été frappé par la manière dont les Russes sont hypnotisés par la télévision. Je me suis brouillé avec de nombreux amis russes car ils ne faisaient que regarder leur poste. C’est pour cela que dans l’une de mes caricatures, j’ai dessiné des figures de pierre impassibles devant un écran alors qu’un feu fait rage derrière eux.»

«Je peux dessiner Poutine les yeux fermés»

Yuriy Zhuravel est un caricaturiste et musicien de Rivne, dans le nord-ouest du pays. Alors qu’il dessine depuis la Révolution orange de 2005, il s’y consacre plus sérieusement depuis peu. Selon lui, le monde a les yeux rivés sur l’Ukraine et le pays vit un renouveau culturel.

«Le défi le plus important est de capturer le moment et de le traduire sur papier. Je mélange tout cela avec mes émotions, qui ont été très nombreuses durant les jours intenses de la guerre. Il y a la colère, la haine, le désespoir, la tristesse, mais également la joie, l’admiration et la consolation», explique le dessinateur.

Yuriy a dessiné presque tous les politiciens ukrainiens. Aujourd’hui, il dépeint Poutine sur une broche, tel un rôti sur une flamme dont la forme est celle du trident sur le drapeau ukrainien. Dans un autre dessin, la tête du président russe est dans un bocal, conservé dans de l’alcool, tel un spécimen biologique.

«J’ai tellement étudié le visage de Poutine que je pourrais le dessiner les yeux fermés», déclare Yuriy Zhuravel. Il ajoute: «Je continuerai de le dépeindre avec zèle car le rire fait office de première gifle avant le vrai coup de poing.»

Pour lui, les dessins de presse renforcent le moral des troupes ukrainiennes. Ceux de Yuriy Zhuravel sont partagés sur les réseaux sociaux et repris par des médias tels que Charlie Hebdo et ZDF.

«Personne ne peut garantir que je ne finirai pas en prison»

Oleh Hutsol, dessinateur ukrainien qui vit en Biélorussie, d’où sa femme est originaire:

«Depuis que je suis ici, je n’ai pratiquement pas dessiné de caricatures politiques, dit-il. Premièrement, personne ne veut les publier, et deuxièmement, tout dessin contre le gouvernement peut vous conduire en prison.»

Mais depuis le début de la guerre, le dessinateur a été contacté par des publications étrangères. Il a accepté de leur envoyer des dessins sur la guerre en Ukraine.

«Je suis sérieusement inquiet car les services de renseignement de Moscou sont comme à la maison ici, explique-t-il. Personne ne peut garantir que je ne finirai pas dans une prison russe pour des caricatures contre le régime de Poutine.»

A l’international, ses dessins ont été publiés dans Charlie Hebdo et le journal danois Berlingske ainsi que lors d’expositions en Pennsylvanie aux Etats-Unis, à Tokyo et à Kyoto au Japon.

Myroslava Opanasyk est une journaliste ukrainienne de Rivne. Elle a notamment écrit pour Segodnya, Korrespodent et Radio Trek.


Après McDo, vague de départs d’entreprises

Il n’y aura plus de Coca-Cola en Russie. Une fois le stock des bouteilles épuisé, le distributeur «ne produira ou ne vendra plus de Coca-Cola en Russie», rapporte Reuters. Les autres marques du groupe telles que Fanta, Sprite, Powerade et Schweppes seront également retirées du marché russe.

Plusieurs autres entreprises ont quitté le pays depuis le début de la guerre. C’est le cas par exemple de McDonald’s, qui s’est officiellement retiré de Russie début juin, après 32 ans de présence dans le pays.

Au-delà de l’industrie alimentaire, les cosmétiques et les parfums sont également touchés par les sanctions. D’après le média russe RBC, la disponibilité des produits a chuté d’un quart. Les produits importés représentent 60% du marché.

Les producteurs locaux, quant à eux, peinent à trouver des produits bruts pour confectionner leurs propres cosmétiques.

«Nous devrons nous adapter à l’indisponibilité de ces marques, mais nous aurons l’opportunité de découvrir des produits indiens, chinois, coréens ou de petits producteurs européens», a déclaré l’Association russe des parfums et des cosmétiques.

Alors qu’il avait déjà fermé ses magasins le 4 mars dernier, Ikea a annoncé cette semaine la fermeture de ses quatre usines en Russie.

«La situation des entreprises et des chaînes d’approvisionnement dans le monde s’est considérablement détériorée au cours des derniers mois. Dans ces conditions, nous ne voyons pas la possibilité de reprendre les ventes dans un avenir proche», a déclaré le groupe à RBC.

Pendant ce temps, Decathlon a cessé la vente en ligne sur son site russe et projette de fermer ses magasins d’ici à la fin juin, d’après Moscow Times. Le détaillant d’articles de sport fait face à des difficultés d’approvisionnement, mais prévoit de rouvrir ses magasins dès que possible.


Les «camps de filtration» russes: explications

L’armée russe a instauré des «camps de filtration» dans les territoires occupés. Officiellement, ces centres de détention permettent de retrouver les «nationalistes ukrainiens». En réalité, des milliers de civils y sont soumis à des interrogatoires, des fouilles à nu et des mauvais traitements. Les hommes sont particulièrement ciblés, rapporte un reportage de la BBC.

«[Les militaires sont] à la recherche d’ecchymoses qui pourraient suggérer une utilisation récente d’armes, par exemple sur les doigts et les épaules», explique le média.

Des ressortissants ukrainiens ont décrit le traitement qu’ils ont subi lors de leur passage dans ces camps. Le contenu de leurs téléphones était passé au peigne fin et leurs réseaux sociaux étudiés avec attention. Andrei de Marioupol a par exemple été accusé de soutenir Volodymyr Zelensky à cause de publications Facebook. Il a été battu et forcé d’enregistrer une vidéo dans laquelle il dit «Gloire à l’armée russe!».

Une autre victime, Maxim, a déclaré à la BBC qu’il avait été frappé à la poitrine. Les médecins lui ont diagnostiqué quatre côtes cassées. Vadim, lui, a été électrocuté par les militaires de la République populaire de Donetsk. «Ils ont utilisé du courant électrique. J’ai failli mourir», a déclaré l’homme.

Les premiers rapports sur la création de camps de filtration pour les Ukrainiens sont apparus dès début mars. Selon les autorités de Marioupol, les habitants qui tentaient de fuir la ville assiégée devaient transiter par un camp avant d’être envoyés en Russie.


■ Une ambulance genevoise dans les rues de Donetsk

Trois volontaires se sont rendus en ambulance à Donetsk, dans le sud-est de l’Ukraine depuis la Suisse. Ces bénévoles de l’organisation Zürich hilft der Ukraine (ZhdU) espèrent soutenir le pays en guerre.

Le véhicule a été considérablement modifié depuis son arrivée fin mai. Pour le préparer au front, l’organisation volontaire Meloidy a notamment repeint en gris la carrosserie jaune vif qui traversait un temps les rues suisses, pour éviter d’attirer l’attention.

«[L’ambulance] fonctionne parfaitement, a déclaré Serhiy Sanders, le nouveau conducteur du véhicule. Elle est assez grande pour transporter deux blessés, ce qui est un avantage.»

D’après l’Organisation mondiale de la santé, plus de 200 ambulances, hôpitaux et établissements médicaux ont été attaqués depuis le début de la guerre. Le mois passé, l’organisme a livré 20 ambulances en Ukraine.

Depuis le premier jour de la guerre, ZhdU transmet des dons aux hôpitaux ukrainiens, aux organisations civiles et au corps militaire. Mattei Batruch, un docteur suisse aux origines ukrainiennes, a cofondé cette organisation avec son ami Paul Müller.

«La fin de mes études de médecine a coïncidé avec la révolution ukrainienne de 2014, explique Mattei. Je me suis donc porté volontaire pendant un an dans un hôpital militaire du pays.»

Cette expérience l’a encouragé à créer ZhdU en février dernier. Une association genevoise leur a fourni cette première ambulance.

«Je dînais chez un ami qui accueillait une Ukrainienne et je me suis demandé comment je pouvais aider, explique le directeur, qui désire conserver l’anonymat. Mon association avait une ambulance dont elle n’avait plus besoin. Je l’ai donc rachetée et donnée à ZhdU.»

Mattei espère que cette action encouragera d’autres établissements à faire de même.

«J’ai développé un réseau considérable dans le secteur de la santé et de l’armée, explique-t-il. Grâce à eux, j’arrive à savoir ce qu’il faut envoyer, et surtout, à qui.»

Kasmira Jefford est l’éditrice en chef de Geneva Solutions, notre partenaire pour le projet Ukraine Stories.


■ Les «journalistes étrangers» épatés par la Russie

La télévision d’Etat russe, Channel One, a diffusé le mercredi 15 juin un reportage sur les «journalistes étrangers» admiratifs du pays. Dans le reportage apparaissent notamment Asuka Tokuyama et Haukur Hauksson. Le journaliste russe Ilya Shepelin a rapidement décelé la mise en scène. En effet, Asuka est bien journaliste et japonaise, mais elle travaille pour l’agence russe Spoutnik, dirigée par Dmitri Kisselev, qui est connu pour ses propos propagandistes.

Haukur Hauksson, quant à lui, est un fervent supporter du régime russe. Il a été propulsé sur le devant de la scène médiatique pour avoir encouragé Poutine lors d’une conférence de presse en criant: «Bravo! Continuez comme ça.» Aujourd’hui, il est employé par une publication pro-Kremlin et possède la nationalité russe. D’après Ilya Shepelin, Channel One le présente comme Islandais alors qu’Haukur brandit son nouveau passeport russe dans les images.

Le 21 mai, Channel One s’était servi de la même supercherie pour diffuser des images de «journalistes étrangers» dans la région occupée de Kherson. Le journaliste Ilya Shepelin avait déjà remarqué que les intervenants Thomas Röper et John Dugan habitaient en Russie et étaient des blogueurs pro-Poutine qui ne travaillaient pour aucun média.


■ L’exode des millionnaires ukrainiens et russes

Plus de 15 000 millionnaires russes et 2800 millionnaires ukrainiens quitteront leur pays d’ici à la fin de l’année, selon une étude réalisée par le cabinet britannique Henley & Partners.

En Russie, ce chiffre représente 15% des High Net Worth Individuals (HNWI), soit les individus dont le patrimoine équivaut ou dépasse le million de dollars. Depuis le début de la guerre, la fuite des millionnaires ukrainiens est la plus importante de son histoire. Près de 42% des individus HNWI quitteront le pays d’ici à la fin de l’année.

Les cinq premiers pays d’accueil sont les Emirats arabes unis, l’Australie, Singapour, Israël et la Suisse.


■ Prix du courage pour Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été récompensé par la Fondation Boris Nemtsov pour «le courage avec lequel il défend des valeurs démocratiques». Le montant du prix qui lui a été attribué s’élève à 10 000 euros (10 460 francs suisses). Le lauréat 2021 était l’opposant au Kremlin Alexeï Navalny.

«Chaque année, la fondation récompense une personne qui fait preuve d’un courage exceptionnel pour défendre les valeurs démocratiques et les droits humains. Le prix peut être attribué tant à une personnalité publique qu’à un journaliste ou à une figure culturelle», a déclaré l’organisation.

Cette année, les nominés étaient tous Ukrainiens. Parmi eux se trouvaient le maire de Kiev, Vitali Klitschko, le chanteur du groupe de rock Okean Elzy, Sviatoslav Vakartchouk, une volontaire médicale, Yuliya Pajewska, et le conseiller du président, Oleksiy Arestovych.

La Fondation Boris Nemtsov est une organisation non gouvernementale basée à Bonn. Zhanna Nemtsova, la fille aînée de l’opposant russe Boris Nemtsov, l’a créée en la mémoire de son père. Le politicien a été assassiné en 2015 sur le pont Bolshoï-Moskvoretski, situé à proximité du Kremlin. Cinq personnes ont été inculpées, mais le cerveau de l’opération n’a jamais été arrêté.


■ Le manque de place menace les récoltes ukrainiennes

A Odessa, la moisson a débuté. Plus d’un million d’hectares d’orge sont prêts pour la récolte. Mais la mainmise russe sur les ports de la mer Noire paralyse l’exportation des céréales ukrainiennes. Celles-ci représentent 10% de la production céréalière mondiale. La sécheresse et la pénurie d’essence aggravent le problème des agriculteurs.

«Plus aucun agriculteur n’a de place de stockage, explique Alla Stoyanova, cheffe du département agriculture de l’administration militaire d’Odessa. L’Ukraine a assez de réserves pour sa propre consommation, car elle produit plus qu’elle ne consomme, mais si nous ne pouvons pas exporter, il y a aura des pénuries de céréales dans des pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient.»

Le manque de capacité de stockage touche particulièrement les petites exploitations. Avant la guerre, celles-ci vendaient les céréales aux exportateurs dès leur récolte. Elles n’avaient donc pas développé de capacité de stockage. Aujourd’hui, une petite partie des céréales sont exportées par train et par camion, jusqu’aux fleuves les plus proches. Mais ces infrastructures sont surchargées. Les agriculteurs de la région d’Odessa continuent de s’occuper de leurs céréales sans savoir ce qu’il en adviendra une fois récoltées.

Tetiana Bezhenar est une journaliste ukrainienne qui vit et travaille à Odessa depuis quinze ans. Elle travaille pour Rada, une chaîne de télévision ukrainienne.


■ Des livres ukrainiens sauvés des flammes russes

«80% des livres ukrainiens sont publiés à Kharkiv. Dès les premiers bombardements, une des maisons d’édition a été inondée [des suites des dégâts de l’explosion]. Nous nous sommes portés volontaires pour transporter une partie des livres de Kharkiv à Rivne [ville du nord-ouest de l’Ukraine à 800 km de Kharkiv]», explique Alexander Savchuk, le directeur d’une entreprise à Rivne. Pour accomplir cela, il a écrit une lettre à l’Institut du livre et a mis à disposition ses entrepôts.

Trois camions affrétés ont transporté environ 250 000 livres.

«Trouver des véhicules et contourner la pénurie de carburant a été extrêmement difficile, a déclaré le directeur. En effet, en raison des bombardements intenses, les voitures n’étaient pas autorisées à pénétrer à Kharkiv. Alors que le trajet nous aurait pris une journée en temps de paix, il nous en a fallu trois pour rallier les deux villes.»

Plusieurs maisons d’édition ont donné divers ouvrages, dont des livres scolaires, des titres de fiction pour enfants et des œuvres de journalisme.

Depuis le début de la guerre, les ventes de livres se sont effondrées. D’autant plus que les mères et leurs enfants, qui étaient les principaux clients des librairies, ont quitté l’Ukraine en masse.

«Aujourd’hui, notre clientèle est principalement composée de déplacés internes. C’est pourquoi nous organisons des présentations de littérature et des rencontres avec des écrivains dans nos librairies», dit le directeur de Rivneknyha, qui espère que l’Etat soutiendra l’impression et la vente de livres.

Myroslava Opanasyk est une journaliste ukrainienne de Rivne. Elle a notamment écrit pour Segodnya, Korrespodent et Radio Trek. En mars 2022, elle s’est réfugiée en Pologne avec son fils de 6 ans.


■ En Russie, des subventions pour réduire le stress causé par les sanctions

Le fonds russe de subvention présidentielle attribue chaque année des millions de roubles à des projets sociaux. Cette année, des organisations qui combattent le stress causé par «l’opération spéciale» ont été annoncées vainqueurs. La chaîne Telegram «We can explain» a analysé la liste des lauréats.

L’organisation Radomir Center, basée à Saint-Pétersbourg, a reçu 8 millions de roubles (138 000 francs suisses) pour combattre le stress du «blocus économique et du génocide déclenché par la communauté internationale contre la Russie et les personnes russophones». L’argent sera dépensé pour fournir des services de soutien psychologique aux familles. «La tension monte dans la société. Les personnes aux opinions opposées et radicales sont devenues plus actives», expliquent les créateurs du projet.

ROCIT, le Centre public régional des technologies de l’internet, a reçu près de 10 millions de roubles (172 000 francs suisses) pour contrôler les contenus toxiques du Runet, la communauté russophone sur internet.

Pour Igor Ashmanov, expert informatique du Kremlin et membre du conseil d’administration de ROCIT, les contenus toxiques ne sont pas interdits par la loi mais «contredisent les valeurs fondamentales de notre pays». Selon l’organisation, ces informations «s’opposent aux valeurs familiales et [favorisent] la perversion sexuelle, le harcèlement et la persécution de la population russophone sur les réseaux sociaux».


■ Arrêtés à Moscou, identifiés par reconnaissance faciale

Ce dimanche 12 juin, 67 personnes ont été arrêtées en Russie alors que le pays célébrait sa Fête nationale. Quarante-trois d’entre elles ont été détenues après avoir été identifiées par un système de reconnaissance faciale dans le métro de Moscou, selon le l’ONG russe OVD-Info.

Parmi les détenus figurent le correspondant du média Sota, Pyotr Ivanau, la militante Olga Bazhanova, la journaliste scientifique Asya Kazantseva, ainsi que des militants et participants à de précédentes manifestations.

Les autorités ont notamment utilisé une photo de Pyotr Ivanau disponible en ligne pour l’identifier avec leur système de reconnaissance faciale. Asya Kazantseva quant à elle, a dû écrire une déclaration selon laquelle «les personnes ayant fait l’objet de détentions administratives dans le passé ne doivent pas entrer dans le métro le jour de la Fête nationale», a rapporté Mediazone.

Arina Yaroslavtseva, une habitante de Moscou, a été arrêtée à deux reprises et a également dû expliquer sa présence dans les souterrains moscovites.

Plusieurs des détenus ont déclaré qu’ils ont été libérés des postes de police sans aucune explication.

A Saint-Pétersbourg, le militant Andrei Olivieri s’est rendu à la sortie du métro muni d’une pancarte sur laquelle il était écrit: «La pire chose pour un politicien est de s’accrocher à sa chaise avec les mains et les dents» – une citation de Poutine. Il a été arrêté pour avoir enfreint les restrictions liées au coronavirus.


■ Fête nationale russe: engouement pour le nouveau McDo et délaissement des grandes manifestations

L’ouverture du «McDonald’s russe» dans la rue Pushkinska de Moscou le 12 juin, jour de la Fête nationale du pays, a suscité de longues files d’attente. «Vkusno i Tochka» (Savoureux, point final) a ouvert à la suite du départ du McDonald’s après le début de la guerre en Ukraine. Aucune grande manifestation contre la guerre n’a eu lieu dans le pays.

Le principal parti politique russe, Edinaya Rossiya (Russie unie), a célébré le pays. «La Russie d’aujourd’hui ne se limite pas à 1/8e de la terre entière. Le monde russe dépasse largement les frontières que nous avons l’habitude de voir sur la carte. Notre pays est aujourd’hui sur une voie historique importante», peut-on lire dans le communiqué officiel.

Dans les villes d’Ukraine occupées par la Russie, l’armée russe a chanté «Heureux de vous revoir dans la famille», mais peu sont venus écouter.

«Cette manifestation d’amitié n’a rien à voir avec notre ville, a déclaré Yevheniya Virlych, une habitante de Kherson. C’est une honte qu’elle ait lieu dans une ville qui continue à se défendre.»

Olga Golovina est une journaliste ukrainienne.


■ Les écrivains anti-guerre retirés des bibliothèques russes

«Chers collègues, en raison de la position ambiguë de certains auteurs connus concernant la situation dans le pays, leurs livres doivent être retirés des étagères et mis à disposition uniquement à la demande des lecteurs.» Telle est la demande qui a été envoyée aux employés des bibliothèques municipales de la région de Tcheliabinsk, en Sibérie, d’après le canal Telegram «Ostorozhno, novosti».

Les auteurs concernés sont Dmitry Bykov, Dmitry Glukhovsky et Boris Akunin. Selon les autorités, un lecteur s’est déjà plaint de la présence des livres d’un de ces auteurs. Fin mars, la douma d’Etat avait déjà proposé d’interdire les livres d’auteurs anti-guerre.

La semaine passée, l’écrivain Dmitry Glukhovsky a été placé sur la liste des criminels recherchés en Russie. Ses textes ont notamment été publiés dans Le Temps.


■ Un cours pour les journalistes ukrainiens devenus correspondants de guerre malgré eux

Trente-deux journalistes ont été tués depuis le début de la guerre, selon les données officielles ukrainiennes. Mais les journalistes ukrainiens travaillent dans des contextes difficiles depuis la révolution de 2014. Un cours créé en 2018 à Odessa pour soutenir les journalistes s’est déroulé la semaine passée à Ivano Frankivsk. Sur un terrain de guerre, la première règle à observer est la sécurité.

«Tout le monde devrait avoir un casque, un gilet pare-balles et une trousse de premier secours», explique Olha Guzhva, experte en médias. Elle a travaillé en zone de guerre et dans les territoires ukrainiens récemment libérés. «Evitez tout contact visuel avec l’ennemi ou de fixer les détails de son visage ou ses cicatrices. Ne sortez pas d’objets de vos poches, comme les téléphones», a-t-elle poursuivi.

Tetyana Troshchynska, rédactrice en chef de Public Radio, a partagé des conseils sur la façon d’écrire des sujets sensibles. «Vous ne pouvez pas demander à une personne qui a subi des violences quelque chose comme: «Pourquoi n’avez-vous pas évacué avant l’arrivée des occupants? Le journaliste n’évalue pas le comportement humain», a-t-elle affirmé.

D’autres, comme le journaliste radio Dmytro Tuzov, ont partagé des conseils techniques. Lui filme ses interviews avec un simple téléphone, une lampe et un trépied. «Cela faisait longtemps que je voulais parler avec le médecin militaire Vsevolod Stebliuk, qui a sauvé la vie de 80 personnes lors d’un des affrontements les plus sanglants de 2014, a-t-il dit. Pendant huit ans, je n’ai pas eu cette occasion, mais je l’ai rencontré par hasard après l’invasion russe et j’avais mon équipement, donc j’ai pu effectuer l’entretien.»

Pour Serhii Barbu, correspondant de télévision basé à Kiev, ce genre de conseils est pertinent: «Je perds parfois du temps en filmant avec une caméra professionnelle. Lorsque vous êtes en première ligne, vous devez transférer la vidéo sur votre ordinateur, la convertir et la monter. Ce n’est qu’après tout ce travail que votre matériel est prêt à être diffusé. Je vois maintenant qu’un téléphone ordinaire peut faire tout cela.»

Cet échange est indispensable pour les journalistes d’après Svitlana Stetsenko, présentatrice et correspondante à la télévision publique. «Les personnes qui écrivent et filment la guerre en Ukraine depuis 2014 ont une expérience incroyable. Les conseils pratiques ne peuvent être obtenus qu’auprès d’eux. Aucun d’entre nous n’avait prévu de travailler dans la guerre, mais maintenant nous sommes responsables du front de l’information en Ukraine.»

Anna Dnistrovska est une journaliste ukrainienne qui écrit sous un pseudonyme pour préserver sa sécurité.


■ Peine de mort pour les trois combattants étrangers de Marioupol

La Cour suprême de la République populaire de Donetsk (RPD) a condamné à mort les Britanniques Shaun Pinner et Aidan Aslin, et le Marocain Brahim Saadoun. Selon RBC, les trois hommes ont été capturés alors qu’ils se battaient avec l’armée ukrainienne. Ils sont notamment accusés de mercenariat et de prise de pouvoir par force.

En 2018, Aidan Aslin intègre la 36e brigade d’infanterie navale de l’armée ukrainienne. Shaun Pinner, un ancien officier militaire du Royal Anglian Regiment (un régiment d’infanterie de l’armée britannique) a également servi dans la même brigade. Tous deux sont mariés à des Ukrainiennes. Leurs proches notent également qu’ils faisaient officiellement partie de l’armée ukrainienne et ne sont pas des mercenaires.

Brahim Saadoun, 21 ans, est un ancien étudiant du département des technologies aérodynamiques et spatiales à l’Institut polytechnique de Kiev. En 2019, il a abandonné ses études pour s’engager dans l’armée ukrainienne.


■ Des chants patriotiques à la radio russe

La chanson patriotique ukrainienne Oh, les baies rouges de viorne dans la prairie a interrompu le bulletin d’actualité dans la matinée du 9 juin sur la radio du quotidien russe Kommersant.

«Nous avons effectivement été piratés. Les techniciens enquêtent maintenant sur l’origine de l’attaque, en essayant de faire quelque chose pour rétablir la diffusion sur internet. La diffusion sur les ondes de la station de radio n’a pas été touchée, elle est en cours», a déclaré Alexei Vorobiev, le rédacteur en chef de la radio à l’agence de nouvelles TASS.

L’hymne national ukrainien et la chanson Nous n’avons pas besoin de la guerre du groupe de rock Nogu Svelo! ont également été diffusés en boucle.

La chanson a valu une procédure administrative au chanteur du groupe, Max Pokrovsky, pour «discrédit de l’armée».


■ En Russie, un prêtre risque la prison pour avoir menacé d’enfer les soldats

Ioann Kurmoyarov, docteur en théologie et ancien ecclésiaste de l’Eglise orthodoxe russe, a été arrêté à Saint-Pétersbourg le 7 juin, trois mois après avoir publié une vidéo intitulée «Qui ira en enfer et qui ira au paradis?». La vidéo critique le Kremlin et les soldats russes dans le cadre de la guerre en Ukraine.

«Vous êtes les agresseurs qui ont attaqué et tué des civils. Je le répète, vous n’irez pas au paradis mais en enfer», le voit-on dire.

Il a été accusé de «discréditer l’armée» avec des faux propos et son logement a été perquisitionné. Deux icônes, une croix en bois et une soutane ont été saisies chez l’ancien prêtre qui risque jusqu’à 15 ans de prison.


■ En Ukraine, des cigarettes électroniques pour alimenter les téléphones

Des chaussettes aux drones, les volontaires ukrainiens tentent de subvenir à chaque besoin de leurs soldats. Lorsqu’ils n’arrivent pas à mettre la main sur un objet, ils l’inventent. Ivan Volynets, par exemple, produit des batteries externes destinées à recharger les téléphones des militaires.

«J’ai une formation technique, explique Ivan. Mes amis et moi nous sommes demandé comment être utiles. Et quelqu’un a suggéré de produire des batteries externes.»

L’objectif était de réduire au maximum les coûts de production, Elena, fumeuse, a proposé de récupérer la batterie de ses cigarettes électroniques usagées. Elle en avait déjà démonté avant la guerre, curieuse de connaître leur fonctionnement.

«Nous savions que nous pouvions fabriquer un chargeur à partir de batteries, mais ne savions pas combien seraient nécessaires», explique Ivan.

Après plusieurs tentatives, il réussit à assembler le premier modèle. Chaque batterie est soigneusement vérifiée et testée. Puis, les circuits sont sécurisés dans une boîte produite à l’aide d’une imprimante 3D.

«Il est très important que nos batteries ne deviennent pas des explosifs. C’est pourquoi nous n’utilisons pas de cigarettes électroniques rechargeables, qui sont plus puissantes.»

Le groupe récolte des cigarettes usagées via les réseaux sociaux et a déjà envoyé 60 batteries au front. Son prochain projet est un modèle plus puissant.

Maxym Khotilenko est un journaliste ukrainien.


■ Kherson coupée du monde

La ville occupée de Kherson, située dans le sud de l’Ukraine, a été coupée du monde pendant quatre jours la semaine passée. Je m’en suis rendu compte lorsque j’ai essayé de joindre ma marraine. «Le numéro que vous avez composé n’est pas disponible» m’a dit le répondeur automatique. Mes messages sur les réseaux sociaux n’atteignaient pas non plus mes amis. Le 3 juin, j’ai finalement réussi à parler avec mon ami Andriy [prénom d’emprunt pour protéger la sécurité de la personne].

«C’est l’enfer total ici. Il n’y a pas de réseau téléphonique ni de connexion internet, explique Andriy. Certaines entreprises ont, depuis, recommencé à fournir une connexion internet et j’ai réussi à me connecter au wifi du voisin. Des cartes SIM russes sont également distribuées en échange d’une copie de passeport. Malheureusement, les gens obtempèrent car ils ne veulent pas perdre le contact avec leurs proches et leurs amis.»

Dans la ville, la nouvelle norme est synonyme de prix exorbitants, de magasins remplis de produits russes, de roubles, de déscolarisation et d’obligation pour les médecins de travailler dans des hôpitaux militaires.

Par les journalistes ukrainiennes Olha Holovina et Svitlana Vovk.

Lire l’article entier sur Geneva Solutions


■ A Pristina, un centre aide les Ukrainiennes victimes de viols

A Pristina, le monument Heroinat représente le visage d’une femme albanaise. Chacune des 20 000 épingles utilisées pour l’œuvre commémore une victime de violences sexuelles pendant la guerre.

Bien que le viol ait été utilisé comme une arme de guerre lors du conflit avec la Serbie en 1998-1999, le sujet reste tabou et les femmes n’en parlent pas ouvertement.

«Beaucoup de familles croient encore qu’il vaut mieux être tué que violé. C’est pourquoi seule une victime sur dix parle des violences sexuelles subies», explique Sylvia, psychologue au Centre pour la réhabilitation des victimes de la torture. Premier de ce genre, l’organisme est dirigé par Feride Rushiti, lauréate du Prix américain international de la femme de courage en 2018.

Pour les survivants, la gestion d’un traumatisme dépend de leur travail avec des psychologues, des professionnels de la santé et des militants des droits de l’homme.

Aujourd’hui, les spécialistes du centre aident leurs homologues ukrainiens qui travaillent avec les habitants de Boutcha, Hostomel, Irpin et d’autres villes ukrainiennes où les forces russes ont violé des civils ukrainiens. Ils aident également les réfugiés ukrainiens au Kosovo. Selon le premier ministre Albin Kurti, la République du Kosovo accueille 5000 réfugiés ukrainiens.


■ Plus de Cour européenne des droits de l’homme pour les Russes

La douma, la Chambre basse du parlement russe, a adopté mardi 7 juin une loi autorisant Moscou à ne plus appliquer les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette décision fait suite à la sortie de la Russie du Conseil de l’Europe, le 15 mars dernier.

Seul un député a voté contre la loi. Il s’agit de Mikhail Matveyev, du Parti communiste, qui a réagi sur son canal Telegram: «J’ai suggéré de ne pas exécuter les décisions prises après le 16 mars, mais les amendements à la loi, dont le mien, ont été rejetés.» Plus de 18 000 décisions de la cour pour des procès intentés par des Russes ne seront pas exécutées.


■ Quand les Russes utilisent des groupes d’aide aux réfugiés comme sites de rencontre

«Je vis seule et je cherche une fille pour habiter avec moi en permanence», «je voudrais rencontrer une réfugiée pour fonder une famille», «je recherche une femme mignonne, mince, âgée de 20 à 30 ans».

Ces messages apparaissent depuis le 24 février dans des groupes d’aide aux réfugiés, rapporte Verstka, un média dédié à l’exploration de la société russe. Les deux journalistes ont épluché plus d’une centaine d’annonces et contacté ces hommes pour comprendre leurs intérêts. Certains ont même demandé à Anna Ryzhkova et Daria Kucherenko de les aider dans leur recherche «d’une réfugiée solitaire sans enfants, de 30 à 45 ans».

Alors que certains hommes cherchent une femme pour des services sexuels ou domestiques, d’autres disent qu’ils espèrent trouver une relation sérieuse. Certains d’entre eux pensent que s’ils «sauvent» une fille dans une situation difficile, elle deviendra une épouse fidèle et reconnaissante.

Pour Dimitri, 29 ans, de Moscou, s’il rencontre une femme qu’il aime, il l’épousera. «Je l’aiderai pour l’admission à l’université, le passeport russe, l’amour, la maison, la famille, le bon mode de vie».


■ Des passeports russes dans le sud ukrainien dès la semaine prochaine

Les habitants de Zaporijjia pourront demander leur passeport russe dès le 12 juin, informe Yevhen Balytskyi, le dirigeant de la région nommé par la Russie. La date choisie est symbolique, car elle correspond à la Fête nationale russe, qui célèbre la déclaration de souveraineté de l’Etat.

TASS, l’une des principales agences de presse de Moscou, rapporte également l’ouverture de bureaux des passeports à Berdyansk, Energodar et dans différentes autres villes de la région de Zaporijjia.

Vendredi dernier, le représentant pour les Affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré que l’UE ne reconnaîtrait pas les passeports russes délivrés aux résidents des régions occupées. Il a fermement condamné les décrets présidentiels russes qui simplifient l’accès à la citoyenneté et l’attribution de passeports aux citoyens ukrainiens dans les territoires placés sous le contrôle militaire de Moscou depuis début mars.

La Russie a déjà distribué plus de 800 000 passeports aux résidents des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk, dans l’est de l’Ukraine, depuis 2014.


■ La Russie tente de rendre les contrats militaires plus alléchants

Trois nouvelles ordonnances ont été annoncées par le ministère de la défense russe lundi 6 juin. Elles visent notamment à améliorer les avantages au logement des militaires afin de populariser le service contractuel de l’armée, rapporte le média indépendant SOTA.

D’après les brèves explications disponibles, les familles de militaires blessés ou morts pourront conserver les biens immobiliers qui leur avaient été attribués par le ministère de la défense. Les soldats qui combattent en Ukraine pour une durée limitée ainsi que les combattants étrangers bénéficieront désormais également d’une résidence.

Ces ordonnances devraient entrer en vigueur en novembre 2022, ce qui, d’après SOTA, laisse entendre que les autorités envisagent que la guerre sera toujours d’actualité d’ici à la fin de l’année.


■ Ces soldats étrangers en Ukraine qui risquent la peine de mort à Donetsk

Le procès des Britanniques Shaun Pinner et Aidan Aslin, et du Marocain Brahim Saadoun a débuté le lundi 7 juin à Donetsk.

Capturés à Marioupol par les forces russes en avril dernier, ces combattants risquent la peine de mort selon le quotidien économique RBK. Ils sont accusés d’avoir mené des activités de mercenaires et terroristes, et d’avoir participé à la prise de pouvoir par la violence.

Le président de la République populaire de Donetsk, Denis Pushilin a dénoncé les «crimes monstrueux qu’ils ont commis», d’après l’agence de nouvelle séparatiste DAN.


■ Un écrivain russe dont Le Temps a traduit des articles est recherché par la police

«Ma première condamnation pénale! ❤️🔥 Je suis accusé de discréditer les forces armées russes pour un post Instagram, a écrit l’écrivain Dmitri Gloukhovski sur son canal Telegram ce mardi. Il ajoute: Je suis prêt à répéter tout ce qu’il y est écrit: «Arrêtez la guerre! Admettez que c’est une guerre contre une nation entière et arrêtez-la!»

Deux textes de Dmitri Gloukhovski ont été traduits par le projet «Ukraine Stories» du Temps en collaboration avec Geneva Solutions:

Lire aussi: Comment peut-on appeler un agresseur évident un pacificateur?

Lire aussi: Ukraine stories: Prochain arrêt, l’enfer. Gare terminus, veuillez descendre du train

Le tribunal Basmanny de Moscou a condamné l’écrivain pour sa publication Instagram du 12 mars dernier, qu’il qualifie de «fausse information», d’après un article pénal paru au début de la guerre.

D’après le média indépendant russe Mediazone, cette condamnation pénale place Dmitri Gloukhovski sur la liste des personnes recherchées par les autorités fédérales.


■ L’Ukraine après 100 jours de guerre

Aujourd’hui, l’Ukraine est entrée dans sa centième journée de combats. D’après son président Volodymyr Zelensky, l’armée russe contrôle actuellement 20% du territoire.

«Il s’agit de 125 000 kilomètres carrés, une surface plus large que tout le Benelux. Plus de 300 000 kilomètres carrés de terre sont par ailleurs contaminés par des mines et des obus non explosés. Près de 12 millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur du pays tandis que 5 millions d’Ukrainiens, majoritairement des femmes et des enfants, se sont réfugiés à l’étranger», a déclaré jeudi Volodymyr Zelensky jeudi 2 juin.

Le président ukrainien a également rappelé aux pays européens que l’Ukraine se bat contre toutes les unités militaires russes, qui représentent une énorme force de frappe. Il a réitéré sa demande d’armes.


■ En Ukraine, le nombre de mariages explose

Ces trois derniers mois, 859 couples se sont mariés à Rivne, ville du nord-ouest de l’Ukraine. Ils n’étaient que 470 couples à célébrer leur union de mars à mai 2021. D’après la psychologue Alla Yaremovich, cette augmentation est due au stress causé par la guerre. Quand l’hésitation peut être fatale, les gens se décident plus rapidement.

«Dans des conditions de stress aigu, des mécanismes de protection psychologique s’activent, les émotions sont vécues plus intensément. Dans ce contexte, les besoins de soutien, de compréhension et d’aide augmentent, explique la psychologue. Il y a un désir croissant, conscient ou inconscient, de laisser derrière soi une progéniture en bonne santé et des descendants qui perpétueront les traditions familiales et l’identité nationale.»

Sur ces 100 jours de guerre, seuls 36 divorces ont été prononcés, relève le ministère de la justice. Bien moins qu’en 2021. Toujours selon la psychologue, ces chiffres s’expliquent par le fait que les partenaires valorisent davantage leurs acquis. Sauver des vies prend le dessus sur les malentendus mineurs auxquels ils peuvent faire face.

«Il est plus facile de survivre en groupe, et les couples qui vivent ensemble depuis un certain temps ont une idée les uns des autres, ils savent à quoi s’attendre. Cette prévisibilité peut être rassurante, explique Alla. Les personnes qui ont traversé ensemble des épreuves difficiles, trouvent souvent que cela renforce leur relation.»

Pour la psychologue, une étude plus approfondie des raisons du mariage et des taux de divorce sera possible après la victoire.

Myroslava Opanasyk est une journaliste Ukrainienne.


■ Les dauphins, victimes collatérales de la guerre

Des biologistes dénoncent les effets de la guerre sur les dauphins, qui sont retrouvés morts en masse sur les côtes ukrainiennes, bulgares, roumaines et turques.

«Ces dernières semaines, il y a eu de nombreuses victimes de guerre chez les dauphins de la mer Noire», écrit Ivan Rusev, qui travaille pour le parc national des estuaires de Tuzla, à l’ouest d’Odessa.

En Bulgarie notamment, à l’embouchure du fleuve Ropotamo, deux dauphins adultes et un bébé ont été retrouvés grièvement blessés. Atanas Rusev, un biologiste, témoigne d’autres victimes: «On a découvert un groupe de dauphins ne s’était plus nourri depuis une dizaine de jours. L’un d’entre eux avait une énorme brûlure, qui n’a pu être causée que par une explosion. Il n’y a plus moyen de sauver les dauphins dans cet état-là.»

D’après les experts, les impacts sonores affectent les organes d’orientation des dauphins, qui finissent par ne plus savoir où se nourrir. De plus, les explosions blessent la peau des dauphins qui meurent d’hypothermie.

«D’autres dauphins ont été retrouvés dans un état similaire en Roumanie, dit Atanas, et il ajoute, il y en aura probablement d’autres.»


■ La Russie repeint le jaune et le bleu

Le magazine en ligne 7x7 a rassemblé les cas les plus insolites d’objets jaune et bleu, qui ont été repeints en Russie. A Kaliningrad, le logo de l’aéroport de Khrabrovo a été changé et à Pskov, un habitant a repeint sa clôture pour éviter les problèmes avec la police.


■ En Ukraine, des secouristes de montagne déblaient les villes

Plus de 80% d’Irpin, dans la région de Kiev, a été détruit par la guerre. Lorsque la ville a été libérée de l’occupation russe, début avril, l’équipe de secours en montagne (MRT) s’est portée volontaire pour la déblayer. Spécialistes de la recherche des personnes disparues ou blessées dans les Carpates, à l’ouest du pays, ce sont de rigoureux sauveteurs.

«Lorsque nous avons vu les bâtiments en ruine et les voitures brûlées, nous avons été choqués. Nous avons eu le cœur brisé», raconte Viktor Shushval, l’un des membres.

Les premiers jours, ils étaient les seuls à avoir l’autorisation d’entrer dans la ville, avec les soldats ukrainiens et le service d’urgence du pays (SES). C’est avec eux que MRT a travaillé pour retirer les parties dangereuses du toit à moitié détruit d’une des écoles de la ville.

«Lors de la première réunion, on nous a dit de ne rien soulever et de n’ouvrir aucune porte fermée, pour éviter les explosions inattendues, explique le volontaire Taras Zayets. Les démineurs du SES avaient déjà nettoyé le terrain autour de l’école, mais certains obus auraient pu leur avoir échappé.»

Le MRT s’est installé dans une des pièces de l’école où les membres de l’équipe ont dormi à même le sol. Dans la ville, il n’y avait ni eau, ni électricité, ni chauffage. Les habitants qui étaient restés cuisinaient le peu de nourriture qu’ils avaient sur des feux dehors ou dans leurs cheminées.

«Les personnes les plus vulnérables étaient restées à Irpin. Il s’agissait surtout de personnes âgées qui n’avaient nulle part où aller, ou de personnes handicapées qui ont vécu longtemps dans des conditions horribles», explique Taras.

Aujourd’hui, les volontaires du MRT continuent de nettoyer Irpin et se préparent pour huit autres missions, qui ont été rendues possible grâce à des fonds publics.

Olha Surovska est journaliste à Reporter, à Ivano-Frankivsk, depuis 2015. Depuis le début de la guerre, elle écrit sur le travail des bénévoles et les personnes affectées par l’invasion russe.


■ A Kharkiv, les stations de métro sont des écoles et les écoles sont des abris

Plus de 260 écoles ont été endommagées ou complètement démolies à Kharkiv, dans le nord de l’Ukraine, depuis le début de la guerre. Alors que des dizaines de milliers d’habitants ont quitté la ville ou se sont réfugiées dans les souterrains, certains ont soutenu leur pays en continuant d’enseigner malgré les tirs d’artillerie.

C’est le cas de Liudmyla Tabolina, directrice de l’école n°10 de Kharkiv. Lors de notre appel vidéo, son visage est éclairé par une lampe discrète. Car la nuit, la ville continue d’être plongée dans le noir pour éviter les raids aériens.

Le jour du début de l’invasion, le 24 février, elle s’est rendue comme d’habitude à son établissement. «Il y avait de longues files d’attente ce matin-là. Les gens faisaient la queue pour obtenir de l’eau aux pompes communes, de l’argent aux distributeurs automatiques et de l’essence aux stations-service», raconte Liudmyla. Elle a pris le métro pour se rendre dans son établissement. Malgré la fermeture des écoles décrétée à Kharkiv jusqu’au 11 avril, Liudmyla s’y est rendue tous les jours et a lancé des cours à distance pour soutenir les enfants.

Les premiers jours de la guerre, lors des bombardements les plus violents, une centaine de personnes trouvaient refuge dans le sous-sol spacieux de son école, qui abritait une cantine et des vestiaires. Pendant qu’ils cuisinaient, la directrice gérait les dons de nourriture, d’articles d’hygiène et de vêtements. En avril, 50 personnes vivaient toujours dans l’abri et un WiFi a été installé pour faciliter le travail à distance.

«Notre école a bénéficié d’une sorte de protection invisible, explique Liudmyla, un peu comme un navire inflexible dans une bataille navale. Toutes les maisons autour de nous sont endommagées, mais l’école n’a que des blessures mineures, juste des contusions.»

Olena Dolgopol, elle, enseigne aux jeunes de tout âge depuis 30 ans. Désormais, elle donne des cours dans les stations de métro de Kharkiv pour apporter un soutien émotionnel et psychologique aux enfants qui y sont abrités.

Dans le cadre de ce projet soutenu par l’UNICEF, deux enseignants par station dessinent, chantent et jouent avec les enfants. Olena a débuté ses classes dans les escaliers de la station, puis a déniché quatre tables pour dispenser son cours.

L’enseignante n’hésite pas à encourager les enfants à dessiner ce qu’ils veulent. Un jour, ils lui ont demandé: «est-ce que les soldats russes ont des visages humains?». D’abord surprise, Olena s’est souvenue que les parents appellent les troupes russes des «orques».

Olena raconte aussi l’incompréhension des enfants sur la question de la victoire ou de la défaite de l’Ukraine dans la guerre. Elle a alors pris une carte et montré les frontières du pays hors desquelles les soldats russes doivent être menés. Un garçon s’est écrié: «C’est ça la victoire!»

Elle se souvient encore de trois fillettes arrivées à pied d’un village éloigné de la région: «Lorsque les soldats ukrainiens ont averti leurs parents de l’enfer qui attendait le village, ils ont envoyé leurs filles en ville. Elles ne se rendaient évidemment pas compte des risques qu’elles couraient et ont vu cela comme une aventure.»

Le métro de Kharkiv a désormais repris le transport de passagers, mais le projet d’Olena est loin d’être terminé. Elle cherche désormais un lieu pour l’été, car les enfants ont besoin d’un soutien continu et d’un espace sûr pour leur bien-être émotionnel et scolaire.

Kateryna Kyselyova est une journaliste Ukrainienne.


■ Endormi à Kiev, réveillé à Moscou?

«À un moment donné, dans un avenir très proche, un ministre militaire d’un pays membre de l’OTAN voudra se rendre en train à Kiev pour parler à Zelensky, et il n’y arrivera jamais. Il se réveillera à Moscou», a déclaré Oleg Viktorovitch Morozov, député à la Douma, sur l’émission «60 minutes» de la chaîne Russie 1.

Le député a répondu à l’affirmatif lorsque la présentatrice, Olga Skabeyeva, lui a demandé s’il parlait d’enlèvement. Morozov a ajouté que dans un tel scénario, le fonctionnaire pourrait être jugé à Moscou et reconnu responsable de l’approvisionnement d’armes de son pays à l’Ukraine.

Le député avait auparavant proposé de considérer certains citoyens comme «indésirables» et d’empêcher leur entrée en Russie. Il avait aussi dit vouloir «dénazifier» la Pologne après la fin de la guerre en Ukraine, d’après le canal Telegram du média indépendant «Agence de nouvelles».


■ Les marchands de l’espoir

La plupart des commerçants du marché d’Odessa n’ont pas cillé le 24 février. Ils ont continué à soutenir l’économie du pays en récoltant des fonds, en fournissant en uniformes et munitions l’armée, en aidant les déplacés à se procurer des produits de première nécessité, et en envoyant de l’aide humanitaire dans les régions déchirées par la guerre.

L’un d’eux, Oleksy Terzioglo, approvisionne les soldats ukrainiens sur la ligne de front.

«J’aide [l’armée] depuis 2014. A l’époque, on lançait des regards étranges vers mes tentes et mes sacs de couchage, mais aujourd’hui, je travaille avec toute la ville», déclare Oleksy.

Avant la guerre, le marché, un des plus grands d’Europe, accueillait chaque jour 15 000 stands, 60 000 vendeurs et 20 000 clients. En Ukraine, c’est une véritable mine d’or économique. Malgré le risque permanent de frappes aériennes, Natalia Khlamova et son mari continuent d’y travailler tous les jours. La quasi-totalité de leurs bénéfices est reversée aux personnes déplacées et aux soldats.

«Dès le premier jour de la guerre, nous avons annoncé sur notre site Internet que nous voulions aider et les volontaires nous ont contactés immédiatement. Nous avons ainsi approvisionné les soldats et aujourd’hui, nous achetons des vêtements pour les enfants dans le besoin», explique Natalia.

Certains lieux de stockage sont utilisés pour trier les marchandises arrivant d’Europe puis envoyées dans les régions. Ces cargaisons contiennent de tout, des sous-vêtements aux sacs de couchage. Les commerçants d’Odessa estiment qu’il est leur devoir de subvenir aux besoins de la population, comme l’explique la directrice du marché Irina Tkach: «Nous envoyons tout ce qui est nécessaire aux unités militaires et aux hôpitaux ainsi qu’aux réfugiés venus de l’Est arrivés totalement démunis dans notre région», explique-t-elle.

Tetiana Bezhenar est une journaliste ukrainienne qui vit et travaille à Odessa depuis 15 ans. Elle travaille pour une chaîne de télévision ukrainienne, Rada.


■ Médiatrice entre l’enfer et l’enfance

«Je suis une sorte de médiatrice entre l’enfer et les enfants», explique une enseignante de 23 ans dans le nord-ouest de la Russie. Depuis le début de la guerre, elle tente le plus possible de protéger ses écoliers de la propagande. Lorsque les directeurs ont demandé aux élèves de dessiner des Z - le symbole du soutien à la guerre - sur des chapeaux militaires en papier, l’institutrice l’a fait pour eux.

«Mon psychisme est celui d’une adulte. Dessiner trente Z ne va pas me faire croire que l’opération spéciale est une bonne chose, mais si les enfants le font… Peut-être [que cela sera le cas]», a-t-elle expliqué au média Sever Real, le partenaire de Sovoba Radio qui a récemment été fermé en Russie.

Avant cela, l’enseignante d’anglais et de géographie a également discrètement retardé l’arrivée de sa classe à un rassemblement pour former une lettre Z géante. «Lorsque nous sommes arrivés, tout était déjà fini mais nous avons pris une photo avec les enfants comme si nous avions formé la lettre», a-t-elle dit, ajoutant «pour l’instant, je parviens à m’en sortir d’une manière ou d’une autre.»


■ L’amour de la patrie dans le soutien-gorge

«Les vraies patriotes pourront choisir le modèle d’implant mammaire qui sera proche de leur cœur, littéralement et figurativement», dit le chirurgien Evgeny Dobreikin dans une vidéo de promotion qui expose plusieurs boules de silicones, certaines aux couleurs du drapeau russe et d’autres en treillis militaire.

«Je ne peux pas toujours avoir un drapeau avec moi, et parfois, je n’ai nulle part ou mettre mon passeport. Je me sens patriote avec ces implants, même quand je ne porte pas de vêtements!», explique ensuite une femme, qui dit avoir le modèle tricolore.

Le média «Ostorozhno» dirigé par la journaliste russe Ksenia Sobtchak opposée au régime, a contacté le praticien pour plus d’informations. D’après Evgeny Dobreikin, une trentaine de femmes lui ont déjà écrit pour obtenir une telle poitrine. «Notre offre n’a rien à voir avec l’opération spéciale en Ukraine, a-t-il ajouté, il s’agit juste d’une action patriotique.»


■ Les lignes de la survie

Les cheminots d’Odessa ont contribué à l’évacuation vers l’Ukraine occidentale dès le 24 février. Oksana Terletska conduit le train Odessa-Rakhiv, un trajet de plus de 14 heures qui longe la Moldavie pour arriver en Transcarpatie. Lorsqu’elle repense aux premiers jours de la guerre, elle a les larmes aux yeux.

«Il y avait des milliers de réfugiés, des gens effrayés avec des enfants. C’était la première fois que je voyais un flux de personnes aussi important. Le désespoir et l’angoisse se lisaient sur leurs visages: leur seul désir était de se cacher. Ils n’avaient nulle part où vivre. Tout ce qu’ils avaient construit avait été détruit en quelques secondes», dit Oksana.

Pour les cheminots, le plus dur est d’être sur les rails lorsqu’une sirène retentit car ils ne savent jamais où et quand l’obus tombera, explique-t-elle: «Un jour, c’est arrivé alors que 300 personnes étaient entassées dans un wagon destiné à une soixantaine de passagers. Tout le monde est resté fort, debout et en silence, en priant Dieu d’arriver rapidement à destination sain et sauf.»

Depuis le début de la guerre, la compagnie ferroviaire d’Odessa a ajouté des trajets supplémentaires pour répondre à la demande. Chaque jour, près de 10 trains rallient la ville aux frontières polonaise et hongroise.

«Les trains d’évacuation gratuits ont été destinés en priorité aux orphelins et aux handicapés. Un abri anti-bombe pour 1000 personnes a également été installé dans la gare. Nous avons élaboré les itinéraires les plus sûrs pour nos conducteurs, et ne ralentissons que dans les zones dangereuses, en nous arrêtant à la gare la plus proche pour utiliser les abris si une sirène retentit», explique Sergeï Nikulin, le directeur de la branche régionale des chemins de fer d’Odessa.

Aujourd’hui, le nombre de réfugiés en provenance des zones envahies a considérablement diminué. Désormais, ce sont plutôt les habitants d’Odessa qui partent, car la ville est à nouveau frappée par des missiles.

La compagnie ferroviaire qui a déjà mis en sécurité plus de 230 000 personnes, peut en évacuer 20 000 par jour en cas d’urgence. Après tout, c’est leur guerre, et les cheminots sont prêts à risquer leur vie pour en sauver des milliers d’autres.

Tatiana Bezhenar est une journaliste ukrainienne qui vit et travaille à Odessa depuis 15 ans. Elle travaille pour la chaîne de télévision ukrainienne, Rada.


■ Les fantômes de Kherson

Les enlèvements d’hommes sont devenus courants dans la région occupée de Kherson. Difficile de savoir combien de personnes ont subi ce sort. A quarante-six ans, Roman Ishchenko est l’un d’eux. Ce retraité des services spéciaux de la communication de l’Etat ukrainien de 46 ans a été kidnappé chez lui lors d’une visite de l’armée russe le 19 avril, selon sa fille Oleksandra.

«Il est évident qu’ils avaient planifié cette opération. Mon grand-père et ma grand-mère ont reçu la visite de militaires en même temps.» Oleksandra n’a plus de contact avec son père depuis que les soldats ont emmené son père avec ses deux téléphones et son ordinateur portable. L’armée russe fournit des informations contradictoires: un jour, elle affirme un jour que le détenu va bien, le jour suivant qu’ils n’ont aucune information. Du côté du gouvernement ukrainien, Roman a été ajouté à la liste des captifs qui pourraient bénéficier d’un échange de prisonniers.

En attendant, cela fait un mois que la famille patiente. «Ils n’ont même pas expliqué pourquoi il était détenu. Ne pas savoir ce qui lui arrive est la pire des choses», dit Oleksandra.

Quant à Sergeï Arefiev, un ingénieur, il est lui aussi détenu depuis près de 70 jours. Sa femme Polina qui a été prévenue par un ami: «Une voiture s’est arrêtée à côté d’eux et deux personnes leur ont mis des sacs noirs sur la tête avant de les embarquer. D’après l’ami de Sergeï, tout s’est passé tellement vite qu’ils n’ont pas pu réagir.»

Les deux hommes ont été interrogés séparément et Sergeï a bénéficié d’un traducteur car il ne parle pas russe. «Les soldats recherchaient les personnes qui avaient organisé les manifestations à Kherson et qui avaient «payé» les gens pour qu’ils y participent. Ils n’arrivaient pas à comprendre que les habitants se rendaient à ces manifestations de leur plein gré», a déclaré Polina.

Son épouse a déjà fait appel à toutes les autorités mais ne sait toujours pas où se trouve Sergeï et s’il va bien. Tout ce que lui ont dit les Russes, c’est qu’ils la contacteront.

Les familles sont généralement laissées dans l’ignorance la plus totale. Aucun bureau d’information n’a été créé pour les questions relatives aux prisonniers de guerre ni leur condition de détention, ce qui constitue une violation des Conventions de Genève.

Les familles ne peuvent qu’espérer que les hommes sont en vie et en bonne santé. Selon la médiatrice pour les droits de l’homme en Ukraine Lyudmila Denisova, certains hommes sont emmenés en Crimée alors que d’autres sont détenus dans des bâtiments assiégés de Kherson.

Daria Kotielnikova est originaire de Kherson et travaille pour Gwara Media. Elle est journaliste depuis l’âge de 17 ans.

Lire l’article en entier sur Geneva Solutions (en anglais)

Traduction et adaptation: Aylin Elci