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Un héros français tombé sous les balles de Daech

La mort du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui avait pris la place d'une otage à Trèbes, provoque une vive émotion en France, où les forces de l'ordre sont régulièrement visées par les terroristes

Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, tombé sous les balles de Daech lors d'une prise d'otage à Trèbes, dans l'Aude.  — © OUEST FRANCE/AP
Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, tombé sous les balles de Daech lors d'une prise d'otage à Trèbes, dans l'Aude.  — © OUEST FRANCE/AP

Arnaud Beltrame est «tombé en héros». C'est en ces termes que, ce samedi matin, Emmanuel Macron a rendu hommage à l'officier de gendarmerie de 44 ans, mort de ses blessures après avoir été grièvement blessé par balles à l'issue de la prise d'otages du supermarché de Trèbes dans l'Aude, dont le bilan est désormais de 4 morts et seize blessés. Une cérémonie nationale aura lieu ces prochains jours.

Le preneur d'otages qui s'est défini comme un «combattant de Daech», Redouane Lakdim, 25 ans, est décédé lui aussi lors de l'assaut des forces de sécurité, vendredi vers 14h30. L'officier gendarme avait, quelques heures plus tôt, échangé sa place contre celle d'une femme retenue prisonnière par le terroriste. Son téléphone portable, laissé allumé, a semble-t-il permis aux forces de sécurité de mieux préparer leur intervention et de neutraliser le forcené, un jeune délinquant de Carcassonne, plusieurs fois arrêté pour port d'arme et trafic de stupéfiants, incarcéré en 2016 et fiché comme «individu radicalisé». Les policiers chargés de le surveiller n'avait toutefois pas noté l'imminence de son passage à l'acte, et ses liens avec d'éventuels commanditaires de Daech - l'organisation de l'Etat islamique a revendiqué la tuerie - n'ont pas été encore établis.

Selon une source judiciaire, la perquisition réalisée samedi au domicile de Radouane Lakdim a permis de retrouver des «notes faisant allusion à l’[organisation] Etat islamique» et s’apparentant à un «testament», ainsi que des supports numériques. La compagne de l'assaillant et l'un de ses proches amis né en 2000 ont d'ores et déjà été placés en garde à vue.

L'immense défi de la surveillance

Cette nouvelle «faille» démontre la difficulté résultant du nombre de signalements pour «radicalisation salafiste», et de l'endoctrinement fanatique souvent subi par les jeunes délinquants en prison et sur Internet. Alors que 15 000 individus sont fichés «S» en France, les professionnels du renseignement répètent que leur mission est devenue presqu'impossible. «La seule façon de prévenir ces actes, de détecter la dangerosité des présumés terroristes et de leur réseau est grâce au suivi de sources humaines. Or nous n'en avons pas les moyens» expliquait récemment au Temps l'ancien policier Paul-Louis Voger, auteur de «Je ne pouvais rien dire» (Ed de l'Archipel, 2018).

Les policiers, cibles des terroristes

La mort d'Arnaud Beltrame, décédé samedi matin à l'hôpital de Carcassonne, est bien plus que le sacrifice d'un officier sorti major de sa promotion de l'école militaire de Saint-Cyr en 1999 et qui fut affecté un temps à la sécurité du palais présidentiel de l'Elysée. Elle témoigne aussi des risques encourus par les forces de police pris délibérément pour cibles par les terroristes, et s'ajoute à une liste d'agents tués lors d'attentats.

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Redouane Lakdim, après avoir volé un véhicule, blessé son conducteur et tué son passager, s'est d'abord rendu vendredi matin prés d'une caserne militaire de Carcassonne sans doute pour viser des soldats. Il a ensuite renoncé, s'installant prés d'une caserne de CRS - les brigades de maintien de l'ordre - et tirant sur quatre d'entre eux alors qu'ils faisaient leur jogging. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame connaissait ces informations avant de se proposer comme otage.

Une longue liste de décès

La liste des attentats ayant couté la vie à des policiers ou à des militaires est longue en France. En mars 2012, à Toulouse, c'est un militaire en permission, Imad Ibn Ziaten, qui est la première victime du jeune Mohamed Merah. Le 7 janvier 2015, juste après le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, un policier à vélo, lui aussi de confession musulmane, Ahmed Merabet, est tué par les frères Kouachi. Deux jours plus tard, une policière municipale Clarissa Jean-Philippe est tuée par Amedy Coulibaly à Montrouge, avant la prise d'otages de l'Hyper Cacher. Le 13 juin 2016, une couple de policiers est tué chez lui à Magnanville (Oise). Le 20 avril 2017, un capitaine de police, Xavier Jugelé, est tué alors que sa patrouille stationnait sur les Champs-Elysées à Paris.

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S'y ajoutent, depuis 2015, plusieurs attaques contre des militaires en patrouille de l'opération «Sentinelle» au carrousel du Louvre à Paris, à l'aéroport d'Orly, et à Levallois Perret. Une menace qui a engendré plusieurs séries de manifestations policières pour réclamer plus de moyens, et l'assouplissement des règles d'auto-défense, concédé par la loi en février 2017. Les policiers français peuvent désormais plus facilement conserver leurs armes chez eux, hors de leur service.

Hommages à venir

Comme cela avait été le cas pour pour Xavier Jugelé, après l'attentat des Champs Elysées, une cérémonie nationale d'hommage sera sans doute dans les jours prochains organisée et présidée par Emmanuel Macron. Ce dernier, dans son communiqué, a appelé chaque français à «honorer la mémoire» de l'officier de gendarmerie décédé, pour lesquels les hommages spontanés se multiplient ce samedi à Carcassonne, chef lieu du département de l'Aude dont il dirigeait les forces de gendarmerie.