Avec ses 900 employés en Islande, Eimskip représente l’un des employeurs notables du pays. Et donc, comme toutes les entreprises de plus de 250 collaborateurs, l’un de ceux qui doivent se plier à la loi sur l’égalité des salaires avant la fin de l’année. Et il le fait avec un entrain visible. Falasteen Abu Libdeh, statisticienne et engagée aux ressources humaines il y a une année pour cette tâche, ne cache pas sa fierté de participer à ce travail «énorme» et inhabituel, qu’elle juge indispensable. «Nous sommes tous fiers, cette loi nous aide à progresser vers l’égalité», affirme-t-elle.
Kilomètres de feuilles Excel
Elle a dû créer des kilomètres de feuilles Excel, où sont consignés description de postes, ancienneté, niveau de formation, le tout avec un nombre de points qui renvoie à une grille des salaires. Qu’elle compare ensuite aux salaires effectifs. Ces derniers peuvent être parfois réajustés, par une augmentation, mais jamais réduits. «Cette loi est tout simplement brillante, s’exclame-t-elle. Elle nous permet de savoir, avec des critères précis et objectifs, qui mérite une augmentation, maintenant ou plus tard.»
Autre avantage, poursuit cette Islandaise arrivée de Palestine il y a une vingtaine d’années, «elle nous oblige à nous poser davantage de questions sur les heures supplémentaires. En moyenne, elles sont beaucoup plus importantes pour les hommes. Pourquoi? Est-ce qu’ils doivent trop travailler, des améliorations peuvent-elles être amenées dans ce cas? Est-ce que les femmes ne les comptabilisent pas suffisamment? Nous allons vérifier tout cela.»
Fardeau de la preuve inversé
Principale nouveauté, cette loi renverse le fardeau de la preuve. L’employé ne doit plus prouver qu’il n’est pas assez rémunéré, l’employeur doit démontrer qu’il ne discrimine personne. Les entreprises ont le choix du système qu’elles veulent mettre en place, pour autant que les différences de salaires puissent toujours être expliquées. Falasteen Abu Libdeh a dû commencer par demander aux responsables d’équipes de lui fournir des descriptifs de postes et les qualifications nécessaires. «Sur les 900 emplois, je ne sais pas encore s’il y aura 100 ou 200 modèles au total», explique-t-elle. Ensuite, elle va voir tous les employés pour vérifier que les textes correspondent à leurs tâches réelles. Les augmentations vont-elles pleuvoir? «Je ne crois pas, mais il y en aura», admet-elle. Une société de certification vérifie ensuite le travail tous les trois ans, puis l’Etat appose son tampon.
Augmentations en vue
D’autres ont dû se montrer plus généreux. Sveinn Snorri Sverrisson a fait le même travail pour son ancien employeur l’an dernier. «Plus d’un tiers des employés ont dû recevoir une augmentation», explique celui qui est désormais gérant d’un magasin et responsable d’une trentaine d’employés. Si les femmes constituaient la majorité, des hommes, surtout étrangers, figuraient aussi parmi ceux dont le salaire a dû être réévalué. Lui aussi juge la loi utile. «Elle nous donne un vrai système de rémunération, transparent et qui permet de prendre des décisions objectives.»
Lire aussi: L’improbable artisan de l’égalité des salaires
Une fois que le navire est lancé, on ne peut plus l’arrêter. Eimskip envisage déjà, une fois que le travail obligatoire sera fait pour ses employés basés en Islande, de l’appliquer à ses 1100 employés qui travaillent dans le reste du monde, même si le groupe n’est pas légalement tenu de le faire. Et pourquoi pas, inspirer ailleurs. «Bien sûr que cette loi serait utile à d’autres pays! J’espère que ce sera le cas», lance Falasteen Abu Libdeh.